Enfant, Miloudi était gratifié de rials, ces grosses pièces de un, deux, quatre, dix ou même vingt avec lesquelles il avait l'impression de pouvoir tout s'offrir chez Hmad l'épicier. Selon quelle logique il avait été décidé qu'il n'y aurait pas de pièce de trois ni de cinq rials, Miloudi ne s'était jamais préoccupé de cette question fondamentale. Fondamentale, parce qu'il était certain que des commissions pléthoriques ont dû se réunir des dizaines de fois pour prendre de telles décisions. Mais Miloudi ne se doutait pas de ce qui l'attendait à mesure qu'il s'enfonçait dans le monde des adultes. Les millions qui se comptaient en centimes se sont réduits à des milliers de dirhams et les milliards à des millions. Dans ce rétrécissement monétaire dû à un lavage excessif ou à une opération de réduction mathématique, le prix des choses à pris le chemin inverse. Allez acheter un bonbon à cinq centimes aujourd'hui… Si cela ne concernait que les friandises, cela n'aurait pas turlupiné l'esprit de notre Miloudi national. Mais, hélas, tout a profité de ce glissement numismatique pour enfler. Ces derniers jours, en écoutant les informations, les oreilles du Miloudi ont envoyé un message de détresse à sa cervelle. Le Maroc a levé 750 millions d'euros, le Japon a alloué 750 millions de dollars pour aider les africains à sortir de leur marasme et la BMCE a levé 500 millions de dollars. Impossible pour un homme normal de se représenter mentalement ces sommes. Cependant cette valse de chiffres inspirait une sorte de déception chez notre comptable sans diplôme. Au vu de ces montants stratosphériques qui s'échangent chaque jour comme de la poussière au vent de sa ville natale, il ne comprenait pas l'incompréhension de son banquier qui le harcelait pour combler un petit découvert qui se compte enore en centimes.