Le roi Hassan II a régné pendant 38 longues années sur le Maroc qu'il a pétri et peaufiné avec une farouche volonté d'en faire un Etat moderne, conforme à ses propres principes. On peut estimer que ce règne comporte « grosso modo » deux phases : la première correspond à une confrontation qui a duré plusieurs années avec l'opposition et aux cours desquelles il s'est efforcé d'affirmer son pouvoir. La deuxième phase, affaire du Sahara oblige, a consisté en un rapprochement salutaire avec l'opposition dans le cadre d'un « front uni » et qui a conduit, in fine, à l'alternance socialiste de mars 1998. Une sorte de réconciliation programmée qui lui a permis, dans la foulée, de raffermir son règne au plan national et international. Une roi à double personnalité Peut-être n'a-t-on jamais compris , et encore aujourd'hui, que Hassan II fut un roi à double personnalité. Une, plus traditionnelle, nous offrait l'image d'un monarque dans la lignée des souverains qui ont façonné l'histoire du Maroc, comme le firent Moulay Ismaïl, contemporain de Louis XIV, ou Hassan 1er, qui parcourut le Maroc d'un bout à l'autre à cheval pour réaliser son intégrité territoriale. L'autre dimension est celle d'un roi moderne, versé dans la science théologale, dans la médecine, le droit et le savoir d'une manière générale. Il était à la fois attaché aux traditions ancestrales, autrement dit aux symboles de la monarchie avec ses rites, ses oripeaux, sa continuité dynastique, et à la nécessité de s'inscrire dans la modernité. Novateur dans la perpétuation du système que les historiens ou autres appelleront Makhzen. De février 1961, date de son intronisation à juillet 1999, le Maroc connut de multiples et différents changements, politiques, économiques, sociaux, culturels et diplomatiques. Le bras de fer avec l'opposition Hassan II , qui était déjà impliqué dans la politique et le combat nationaliste depuis sa jeunesse sous l'égide de son père, Mohammed V, décidé en février 1961,lui succéda avec l'idée de « fédérer le pays », « d'ouvrir, comme il l'avait affirmé, les portes de son palais à tous », toutes tendances et courants confondus. L'Istiqlal, la gauche qui en était issue (UNFP et plus tard USFP), après avoir accompagné Mohammed V, se résolurent à faire de l'opposition à son successeur. Contrairement à d'autres pays de la région, dont notamment l'Algérie, le Maroc opta pour le système politique et économique inspiré du libéralisme, autrement dit le giron pro-occidental dominé par les Etats-Unis. Jusqu'au lancement du dossier du Sahara devant les Nations unies par Hassan II en septembre 1974, une radicale hostilité était imprimée aux relations entre le roi et l'opposition qui dut subir, par ailleurs, les affres d'une lourde répression des années durant. Le tournant des années 90 Les années quatre-vingt-dix avaient été celles où Hassan II opéra progressivement un tournant, ou ce qu'il appelait « un changement dans sa manière de gouverner » ! Il rallia avec succès l'opposition à ses côtés, en confiant en 1998 à Abderrahmane El Youssoufi, Premier secrétaire de l'USFP, la gestion gouvernementale. Sensible à la pression internationale, il mit en œuvre une politique inédite de réhabilitation des droits de l'Homme, en créant un Conseil qui leur était dédié, composé de diverses sensibilités politiques. Plus attiré par la politique étrangère – dont il excellait – que par la politique économique, par exemple, qu'il confiait à des experts, il a joué un rôle majeur sur la scène africaine et arabe. C'est grâce à son intercession que le roi Hussein de Jordanie et Yasser Arafat – qui étaient à couteaux tirés après les événements de septembre 1971 – s'étaient réconciliés lors du Sommet arabe réuni à Rabat en 1974. Entre Israéliens et Egyptiens, il avait joué le conciliateur incontestable, ce qui lui valut une reconnaissance à l'échelle internationale. La Marche verte pour la libération du Sahara occupé par l'Espagne en novembre 1975, constitue de nos jours encore les grandes épopées de son règne, comme aussi l'édification des barrages qui, politique d'autosuffisance agricole oblige, épargnent au Maroc la douloureuse dépendance à l'égard de l'étranger. Au terme de son règne , Hassan II n'a jamais caché son ambition de s'inscrire dans le temps des grands rois ! D'incarner aussi le bâtisseur, confronté qu'il fut aux difficultés du pouvoir, personnalisé par moments, aux défis de son époque. Il a laissé son empreinte...