Des images et des écrits qui scandent l'Histoire du Maroc, des dessins et des poèmes qui se font conteurs, les liens retraçant l'œuvre intemporelle d'Ahmed Bouanani à fleur de vérité, ont ponctué l'hommage qui lui a été consacré du 7 au 10 novembre à la Cinémathèque de Tanger. Hommage émouvant rendu en présence de Naïma Bouanani, épouse d'Ahmed Bouanani et de leur fille Touda (ci-dessous). Transmettre, révéler, sauvegarder. Les verbes sont en plein efflorescence, repris par les nombreuses âmes, réunies durant ces quatre jours entièrement dévolus à feu Ahmed Bouanani. La surprise se mêlant souvent à la découverte de ce rare esprit du septième Art et de la littérature marocaine, c'est l'émotion qui se manifeste à travers toutes les voies: le public, la profession et la critique manifestement sous le choc d'une puissante œuvre. Une œuvre exhumée de l'oubli et qui subjuguent par son tale et sa poésie «Mirage» long-métrage en noir et blanc, réalisé en 1970 par Ahmed Bouanani, crée déjà l'étonnement lors de sa projection. «C'est notre Eisenstein» conclut un étudiant de l'Ecole de cinéma, lorsqu'il évoque ce que lui inspire les films du cinéaste disparu en 2011. Cette fable d'hier, met en scène un homme qui découvre de l'argent dans un sac de farine, la métaphore prend alors sens et c'est un héros du quotidien, en quête de reconnaissance et d'une vie meilleure, qui se révèle. Témoins privilégiés de la genèse de cette œuvre, Naima Bouanani, épouse d'Ahmed Bouanani et Touda Bouanani, leur fille, sont présentes et redoublent d'attention et de générosité, afin de partager nombre de souvenirs, d'anecdotes et de détails avec le public. Des déclarations de cœur On apprend que l'épouse du défunt a activement participé à la réalisation de tous ses films, tour à tour directrice de production, costumière, maquilleuse et comédienne. Elle fut longtemps sollicitée par la profession, Faouzi Bensaidi lui a demandé de travailler sur son premier court-métrage «La falaise». Ont suivi d'autres projections de courts-métrages, de documentaires et de fictions, d'autres cris toujours murmurés avec finesse, au fil d'une narration traversée par la force de l'image. Une véritable leçon de cinéma prend vie à coups de films signés à la fin des années soixante: «Mémoire 14» en 1971, «6/12» en 1968. Le premier s'inspire d'une poésie homonyme autour de la question de la mémoire collective, tandis que le second s'attache à brosser l'éveil de Casablanca, entre 6h du matin et midi, mâtiné de sons jazz. Stigmates récurrents de ses opus? L'œil de Bouanani à l'affût du pouls battant de la Ville dans «6/12» ou qui compose avec les images d'archives dans «Mémoire 14». Autant de films qui sont le témoignage d'une richesse cinématographique et culturelle, forte d'un patrimoine d'une rare densité humaine. «C'est important pour nous d'être à Tanger et de découvrir cette œuvre, notre Histoire et notre cinéma», explique Sanae Khardani, étudiante à l'ECAM (Etudes cinématographiques et Audiovisuelles Marrakech). Sanae avait de plus participé à l'atelier de réalisation, sous la direction de François Hien et de Abdelmajid Kellou. Comme neuf autres étudiants, elle a signé un court métrage documentaire, dans le cadre de l'atelier 2 -Histoires vraies- à la manière de David Lynch, avec son «Interview project», articulée autour de personnes racontant leurs véritables histoires. Vigueur des ateliers «Bouanani» Quatre ateliers se sont, en effet, tenus durant ces quatre jours et nuits, puisque certains étudiants ont travaillé jusqu'à des heures très tardives, pour finaliser leurs premiers films. L'atelier 1 Archives et Cinéma, animé par Ali Essafi et Diego Sarramon, s'est basé sur des images d'archives de la Cinémathèque de Tanger. L'atelier 3 Art Vidéo Poésie, chapeauté par Ismael Bahri et Touda Bouanani, s'est appuyé sur des films courts à partir de textes et de poèmes extraits de l'œuvre d'Ahmed Bouanani. Enfin l'atelier 4 Tanger de 6 à 12 a montré la Ville de 6h à midi. Pour Saly Shafto, enseignante à l'Ecole de cinéma de Ouarzazate «ces ateliers sont très importants, car les étudiants créent en temps réel et échangent avec d'autres étudiants issus des écoles de Tétouan, de Casablanca, de Marrakech, de Ouarzazate. Cela les conforte dans leur désir de cinéma». Quant à Léa Morin, actrice culturelle indispensable de la Cinémathèque de Tanger, elle souligne l'impact de ces rencontres car «Les étudiants sont à présent imprégnés de l'œuvre de Bouanani», précisant également que tous ces ateliers ont bénéficié du soutient du Jan Vrijman Fund/IDA (Pays-Bas). Future surprise, le documentaire en projet d'Ali Essafi retraçant les derniers moments de feu Ahmed Bouanani. Passionné par le cinéaste, Essafi a fortement contribué à cet hommage… * Tweet * *