Un vibrant hommage a été rendu, dimanche 21 octobre dans la région de Sefrou, à l'homme et au militant nationaliste qu'était Lahcen Lyoussi, Premier ministre de l'Intérieur du Maroc indépendant. Lahcen Lyoussi. «C'est son courage, son abnégation et sa fierté qui m'ont le plus frappé ». Moha Lyoussi confie au « Soir échos » la grande admiration qu'il a pour son défunt père, Lahcen Lyoussi, dont l'engagement nationaliste lui a valu d'être le premier ministre de l'Intérieur au sein du gouvernement de M'Barek Bakaii. L'admiration du fils s'étend à la tribu d'Aït Lyoussi dont Lahcen a été le caïd, et à toute la région de Sefrou, sa terre natale. C'est ici que le Centre Lahcen Lyoussi pour les études et recherches politiques a organisé, dimanche 21 octobre, une cérémonie pour rendre hommage à cette personnalité nationale ayant été l'une des fondatrices du Mouvement populaire (MP) et du Dahir des libertés en 1958. Contre l'oubli Né en 1903 à Aïn Dalia à Aït Lyoussi, au Moyen Atlas, Lahcen a succédé à son père, Haddou Ou Said ayant assuré la fonction de caïd de la même tribu avant et après le protectorat. Connu pour sa résistance contre la colonisation, Haddou Ou Said a payé de sa vie, en 1924, son courage et son acharnement pour sa patrie léguant à son fils des principes sacrés, devenus les racines de toute une génération. « Nous traversons une période de toutes les libertés et où il me semble nécessaire de fixer des repères et surtout de ne pas oublier le Maroc d'il y a 50ans », estime Moha Lyoussi pour qui cet hommage est avant tout un appel aux consciences amnésiques. « Mon père n'est pas connu des Marocains nés depuis 1956 et qui représenteraient, aujourd'hui, 70% de la population. Ceux qui connaissent mon père sont décédés ou âgés. Donc, il faut rappeler aux jeunes que des hommes se sont battus et se sont sacrifiés pour eux », souligne-t-il. En quête de reconnaissance pour son père, Moha Lyoussi s'indigne aussi que le passé soit parfois accaparé par ceux qui ne l'ont pas bâti de leur sang et de leurs mains. « Je reproche aux jeunes d'aujourd'hui, aux intellectuels, aux chercheurs de ne pas aller vers le Maroc profond. Ils laissent une zone d'ombre terrible empêchant le passé d'éclairer le présent », regrette-t-il. Ce cri du cœur a trouvé sa résonnance dans les différents témoignages qui se sont succédé à l'occasion pour ressusciter la mémoire Lahcen Lyoussi. Dans la mémoire collective Mahjoubi Aherdane, un des fondateurs du MP, est aussi l'un des rares à avoir côtoyé le militant de près. « Il vouait une fidélité indéfectible au Trône. Entre lui et Mohammed V, il y avait une grande amitié », souligne-t-il, rappelant l'opposant acharné que Lahcen a été contre toutes les tentatives du protectorat français de bafouer l'identité marocaine. Entre autres exemples, Lahcen Lyoussi s'est insurgé contre le complot français de remplacer le roi légitime du Maroc, Mohammed V, par Mohammed Ben Arafa, préférant ainsi la prison à la connivence. Aux côtés de Mahjoubi Aherdane, les leaders du MP ont tous raconté, chacun de son côté, l'histoire d'un homme d'honneur. Un témoignage de l'historiographe du royaume, Abdelhak El Merini, a d'ailleurs été lu par Mohamed Ouzzine, le ministre de la Jeunesse et des sports. El Merini y décrit le dévouement de la famille Lyoussi à la famille royale ainsi que les discussions que tenait Lahcen avec Mohammed V autour des dangers qui guettaient le Maroc à l'époque. Et de rappeler que la valeur et le patriotisme de Lahcen lui ont valu également d'être nommé par le roi membre du « Conseil du Trône ». Autre fait marquant son patriotisme : son refus de signer la pétition de Thami El Glaoui exigeant le départ du Sultan, en février 1953, en déclarant : « C'est Mohammed Ben Youssef qui est le commandeur des croyants et c'est à lui que devons obéissance. Les Français, eux, veulent seulement briser le Maroc en mille morceaux». Fidèle, il l'est resté jusqu'à sa mort en 1970. Appel de Mohand Laenser « Je ne peux apporter de témoignage, puisque je n'ai pas connu Lahcen Lyoussi en personne, mais les échos qui résonnent dans toute la région font de lui un homme d'honneur (...) Aujourd'hui, c'est aux chercheurs et aux universitaires du Centre Lahcen Lyoussi et des autres centres que je m'adresse leur demandant de donner à cet homme ce qu'il mérite réellement. Il est inadmissible que l'on ne trouve sur Internet que des faits précis du combat de Lahcen Lyoussi sans plus de détails », regrette le ministre de l'Intérieur, Mohand Laenser. Dans son bref discours, à l'occasion de cet hommage, il a tenu à partager l'indignation de Moha Lyoussi. « Pourquoi devons-nous chercher dans les archives françaises et les écrits américains ou anglais l'histoire des Marocains qui ont bâti notre pays ?», lance-t-il, souhaitant que cet hommage soit le début d'une série d'autres à la mémoire des résistants. Un espace dédié à l'histoire politique C'est Mustafa El Ktiri, Haut commissaire aux Anciens résistants et anciens membres de l'armée de libération, qui en a fait l'annonce. Dans son discours, il a souligné l'importance qu'accorde le Haut commissariat à la création d'un espace dédié à la mémoire des hommes et des femmes qui se sont battus pour leur patrie. C'est à Sefrou que cet espace devrait voir le jour, non seulement pour raconter l'histoire des anciens résistants, mais surtout pour offrir aux chercheurs des références écrites et des archives crédibles. « Toutes les archives se trouvant à l'étranger sont actuellement dupliquées. Nous avons copié 1.108.968 documents sous forme de micro-film (...) pour un montant de 4 millions de dirhams », affirme-t-il, précisant qu'une opération similaire est prévue en 2013. * Tweet * *