Après six jours et six nuits, au fil desquels Tanger a découvert la production filmique méditerranéenne à travers cinquante courts-métrages, le film italien Cargo de Carlo Sironi a obtenu le Grand prix de cette 10e édition. Tout sourire, jury et réalisateurs se sont félicités de cette 10e édition, riche en émotion. Marquée par une date anniversaire qui fête dix ans de vie, cette 10e édition du Festival méditerranéen du court-métrage de Tanger, a donné à voir une véritable qualité de films, à travers des récits à la croisée de l'Europe et de l'Orient. 51 opus qui scandent les images d'une nouvelle réalité, du Maghreb au Moyen-Orient, en passant par les Balkans. Carlo Sironi, auteur italien de Cargo (2012), a été récompensé par le Grand prix. Lahcen Zinoun, président du jury a souligné « la source des films sélectionnés cette année, a offert une grande qualité, aussi, je salue le travail du comité de sélection. Un court-métrage est de plus, le fruit de l'esprit et permet à son auteur de développer une œuvre personnelle ». Que dire de Cargo en mots puisqu'en image, il dit l'essentiel ? La vie de jeunes prostituées ukrainiennes aux prises avec la violence quotidienne de leur condition, alors qu'elles travaillent à la périphérie de Rome. La caméra de Sironi, suit les pas d'Alina ( Lidiya Lieberman) au fil de la nuit. Rétention de dialogues, langage visuel, le miracle surgit pourtant de l'enfer et de cet univers glauque : Jani, ( Flavius Gordea) le jeune homme qui l'emmène travailler tous les jours, n'a d'yeux que pour elle. Il croit que l'enfant qu'elle porte est le sien. Alors qu'Alina, ne le voit pas, emmurée par la loi de la prostitution aux abords des routes romaines. Habité par cette certitude presque illusoire, Jani va trouver un moyen de sortir de la cage qui les entoure. L'Italie primée à travers «Cargo», de Carlo Sironi A la lumière du réel On est surpris, par la lumière de l'aube, le visage lumineux d'Alina éclairé par les premiers rayons du jour, qui savoure enfin le plaisir simple de la liberté, la tête penchée contre la vitre d'une voiture qui l'emmène on ne sait où, aux côtés de Jani. Une harmonie qui surgit soudain, dans un univers dur, que l'on retient grâce à la bande son, en totale adéquation avec l'avant dernière séquence, sublimée par un instant de pure félicité. Autre temps fort de cette édition, la présence d'un jury jeunesse, une première qui n'est pas passée inaperçu, tant les étudiants en cinéma au Maroc, ont relevé l'efficience du débat quotidien à l'hôtel Chellah, moment d'échange avec les cinéastes en compétition et qui succède à chaque programmation de film, présenté la veille. Il serait d'ailleurs judicieux de proposer ce jury jeunesse lors du Festival National du Film de Tanger, car nos jeunes ont redoublé de questions pertinentes et louables, au grand plaisir des auteurs en présence. La présidente du jury jeune a précisé : « je voudrais remercier tous les cinéastes de cette compétition, la jeunesse est de plus, un état d'esprit et non pas une question d'âge. Nous avons tenu à récompenser un film quasi muet mais particulièrement universel » Can I drive daddy ? du réalisateur slovène Miha Hocevar, a donc été récompensé par le prix jeune. Il met en scène l'ancienne campagne slovène, à l'ère de la mondialisation. Un enfant, une mère, un père et quelques poules. Chacun nourrit son propre rêve... Quant au prix du jury, il a couronné Comme ils disent, de Hicham Ayouch, dont le génie du titre renvoie à la célèbre chanson de Charles Aznavour. Tourné à Akchour, dans le nord marocain, ce film d'une belle esthétique fait totalement corps avec la puissance de la nature, tel un troisième personnage et évoque l'homosexualité avouée d'un jeune homme à son père, rigide colonel, dont le monde et les repères basculent irrémédiablement, suite à cette révélation. Le comédien Abdesslam Bounouacha, a rappelé que « chaque être humain a droit à la différence » et a cité à la demande du cinéaste absent, les paroles d'Aznavour « nul n'a le droit de blâmer (...) comme ils disent». Le prix de la meilleure interprétation a été attribué à Belcim Bilgin dans Silent (Turquie) et celui de meilleur comédien à Reshat Arbana dans Beyond the river ( Montenegro), de Sabir Kanaqi. Et Tanger, propice à l'imagination, reste une cité directement liée à l'image comme source d'émotion. * Tweet * *