Le groupe socialiste à la Chambre des représentants vient de déposer une proposition de loi pour la création d'une instance des affaires de l'Etat. Objectif : assurer une protection juridique aux biens de l'Etat. Driss Lachgar : « Ceux qui assureront le fonctionnement de l'instance ne seront pas des juges mais des conseillers puisque la priorité, pour nous, est de prévenir et protéger l'Etat ». « L'Etat perd des budgets astronomiques en raison, parfois, de verdicts qui ne sont jamais exécutés ou encore de marchés illicites passés au sein des collectivités locales. Les droits de l'Etat sont bafoués sous différentes formes », s'indigne Driss Lachgar, député de l'USFP qui estime urgent d'agir. Le groupe socialiste à la Chambre des représentants, nourri de cette volonté, vient de déposer un projet de loi visant la création d'une instance des affaires de l'Etat. « Ce projet, sur lequel nous avons travaillé plusieurs mois, s'inscrit dans le cadre des engagements pour lesquels l'USFP a toujours milité et de la mise en œuvre de l'article 159 de la constitution », précise le député. Le projet de loi de 60 articles s'articule en trois volets : objectifs de l'instance, son organisation et le statut de ses conseillers. A quoi servira l'instance ? L'article de base de ce projet de loi prévoit, en effet, la création d'instances en charge de la bonne gouvernance à condition qu'elles soient indépendantes et qu'elles bénéficient de l'appui des organes de l'Etat. « La loi pourra, si nécessaire, créer d'autres instances de régulation et de bonne gouvernance », conclut cet article. La proposition de loi de l'USFP veut attribuer à cette institution unique et indépendante la charge de veiller sur les intérêts de l'Etat d'un point de vue juridique, en lui servant de conseiller permanent, mais aussi de représentant. « Elle devra apporter des propositions, assurer le suivi des accords, des contrats et des décisions administratives et représenter l'Etat au sein des tribunaux marocains et étrangers ainsi que dans les instances nationales et internationales d'arbitrage, quel que soit le type d'affaire et de conflit, que l'Etat soit plaignant ou accusé », explique Driss Lachgar. Et de rappeler qu'il existe déjà une Agence judiciaire du royaume relevant du ministère de l'économie et des finances mais que celle-ci « n'arrive pas à défendre l'Etat ». L'instance des affaires de l'Etat revendique son autonomie dans le but justement d'agir efficacement sans aucun obstacle. « Son indépendance est capitale afin d'éviter les interventions ou pressions qu'elle pourrait subir » tient à souligner le député. Comment interviendra-t-elle ? Le projet de loi offre de larges attributions à l'instance en lui permettant de représenter toutes les administrations publiques, collectivités territoriales et organismes de l'Etat quelles que soient leurs natures ou activités et ce dans tout type d'affaires juridiques (commerciales, fiscales, administratives, pénales, constitutionnelles...). Pour cela, tout texte législatif ou organique permettant à une autre entité de jouer ce rôle doit être annulé, stipule la proposition de loi, soulignant également que les plaignants contre l'Etat devront désormais reconnaître l'instance comme unique interlocuteur. L'Etat tout comme ses fonctionnaires sont concernés, puisque l'institution se propose de les représenter eux-aussi dans le cadre de l'application de l'article 19 du statut général de la fonction publique. « Même si elle n'est pas saisie dans le cadre d'une affaire qui relève de ses attributions, elle pourra spontanément le faire. Elle doit étudier l'affaire et faire part de ses remarques aux parties concernées qui devront y apporter réponse dans un délai d'un mois », précise le texte que propose le groupe socialiste. En somme, il s'agit de mettre de l'ordre au sein des administrations de l'Etat, avant même de saisir la justice. L'organisme prend en main l'exécution des procédures judiciaires et juridiques nécessaires afin de permettre l'application des verdicts définitifs. Pas de magistrats mais des conseillers Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas des magistrats que les USFPéistes proposent pour gérer cette instance. « Ceux qui assureront le fonctionnement de l'instance ne seront pas des juges mais des conseillers puisque la priorité, pour nous, est de prévenir et protéger l'Etat. Ces conseillers seront à sa disposition d'une manière permanente », affirme Driss Lachgar. L'organigramme de l'instance prévoit un premier président, un secrétaire général et des conseillers dotés de pouvoir décisionnel. C'est au président de signer d'éventuels contrats avec des avocats locaux ou internationaux dans le cadre de certaines affaires, d'évaluer le budget et d'organiser les dépenses. «Les membres de l'instance doivent être dotés d'une formation adéquate. Ils doivent être titulaire d'un doctorat en droit ou être des professeurs ayant exercé pendant au moins dix ans », explique Driss Lachgar. Ils pourraient également avoir exercé en tant qu'avocats pendant dix ans (au moins) ou comme juges de troisième degré durant huit années au minimum. * Tweet * *