La journée internationale de l'alphabétisation a été célébrée le 8 septembre. Youssef Mouaddib, directeur général de la Fondation Zakoura Education revient sur les programmes initiés par la Fondation et les stratégies à mettre sur pied pour freiner l'analphabétisme au Maroc. Youssef Mouaddib. Quelle place occupe l'alphabétisation dans le programme de la Fondation Zakoura Education ? Il faut rappeler l'historique de la Fondation Zakoura pour comprendre la place qu'occupe l'alphabétisation dans nos programmes. Dès la création de la Fondation Zakoura Micro-crédit, nous nous sommes rendus compte que la quasi totalité des gens qui contractaient un micro-crédit étaient analphabètes et avaient à leur charge des enfants non scolarisés, c'est à partir de ce constat que Monsieur Noureddine Ayouch – fondateur des deux Fondations Zakoura Micro-crédit et Education- a eu l'idée de lancer la Fondation Zakoura Education dont le rôle est le développement humain par l'éducation des enfants, l'alphabétisation des adultes et l'insertion professionnelle des jeunes. Depuis sa création en 1997, nous n'avons cessé de développer des programmes de lutte contre l'analphabétisme et surtout au profit des femmes et des jeunes filles. Aujourd'hui ce sont plus de 126 000 Bénéficiaires qui ont profité de ses programmes à travers tout le pays. La Fondation a lancé un programme d'éducation non formelle. Quels sont les résultats enregistrés par ce projet ? Le concept que nous adoptons à la Fondation est simple, il s'agit de prendre les enfants âgés entre 8 et 16 ans qui n'ont jamais été ou qui ont quitté l'école et leur faire suivre un programme éducatif sur trois ans pour acquérir l'ensemble des compétences du primaire, l'objectif est qu'ils passent au final l'examen d'entrée au collège. Depuis que nous avons lancé ce programme ce sont 22 000 enfants qui en ont bénéficié. Aujourd'hui nous comptons parmi ces enfants des Licenciés, des ingénieurs et même certains qui travaillent au sein de la Fondation. Ce qui fait la réussite de ce programme c'est tout d'abord la flexibilité des horaires car l'enfant étudie 3 heures de cours par jour et 6 jours par semaine. Les trois heures sont choisies par les parents et les élèves, de même que le jour de repos et les vacances annuelles. Le deuxième point important est que l'animateur (l'enseignant) est choisi localement, il doit être titulaire d'une licence puis il suit des formations à la Fondation. Le troisième point est l'implication des parents dans la gestion de l'école à travers des réunions mensuelles avec l'animateur. Le quatrième et dernier point est l'implantation de l'école qui se fait au milieu du douar. A combien estimez-vous actuellement le taux d'analphabétisme au Maroc ? C'est une question qui ne cesse aujourd'hui de soulever des polémiques. Le chiffre officiel parle de 30 %. Mais plus sérieusement, la réalité que nous connaissons tous est plutôt proche des 45 voire 50 %. Le problème réside dans la manière dont sont recensées les personnes. Si on veut s'attaquer de manière efficace à ce fléau il faut tout d'abord parler un langage franc afin de mettre en place les bonnes solutions. Si d'autres pays y sont arrivés pourquoi pas le Maroc. J'en profite pour lancer un appel au gouvernement pour activer la mise en place de l'agence nationale de lutte contre l'analphabétisme qui existe dans la nouvelle constitution mais il faut surtout la doter de moyens humains et financiers et notamment d'une stratégie bien étudiée pour qu'elle mène à bien sa mission. D'après la dernière note de synthèse qui date de mars 2012, le taux d'analphabétisme est de 64 % en milieu rural. Les femmes sont les plus concernées avec 46% en moyenne ? Pourquoi l'analphabétisme reste flagrant en milieu rural ? Quelles politiques préconisez-vous pour réduire ce taux ? Très peu de parents sont instruits dans le milieu rural et donc accordent très peu d'intérêt à la scolarisation de leurs enfants de manière générale et plus encore aux filles.Elles sont considérées dans la plupart des familles comme source de revenue pour leurs parents, soit en les faisant travailler ou en les mariant très jeunes pour se décharger de leurs frais. Il y'a aussi l'aspect culturel, nous continuons à voir dans certaines régions que c'est «hchouma » qu'une fille va à l'école et se retrouve à côté d'un garçon. Il faut un grand travail sur les parents à travers la sensibilisation. Il se pose aussi souvent le problème d'insertion des jeunes qui ont bénéficié de programme d'alphabétisation dans le milieu professionnel ? Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour faciliter leur insertion ? Il faut revenir sur l'action d'alphabétisation tout d'abord. Le besoin d'un jeune n'est pas celui d'une femme âgée. Un jeune a besoin d'être alphabétisé, formé ensuite sur un métier et surtout accompagné pour être inséré. Pour cela, il faut accompagner les programmes d'alphabétisation par de la formation professionnelle ou la formation par apprentissage. A la Fondation Zakoura Education, c'est la démarche que nous adoptons. On commence tout d'abord par alphabétiser le concerné ou renforcer ses compétences pour l'intégrer ensuite dans des programmes d'initiation professionnelle. Dernièrement nous avons lancé un programme de Formation par apprentissage ou le jeune sera alphabétisé, il suivra ensuite une formation sur un métier alternée par un stage en atelier ou entreprise pour préparer son intégration. L'Unesco a récemment attribué au Maroc la mention honorable du Prix Confucius-UNESCO d'alphabétisation au titre de l'année 2012 à la Direction de la lutte contre l'analphabétisme du ministère de l'Education nationale. Une reconnaissance des efforts déployés par les ONG et les acteurs étatiques ? La Direction de lutte contre l'analphabétisme n'a cessé ces dernières années de multiplier les projets et efforts pour la lutte contre ce fléau, à travers des programmes généralement en partenariat avec les ONG. Je pense que c'est une reconnaissance bien méritée qui doit être partagée par tous les acteurs qui contribuent à cette cause. Cela ne doit pas aussi nous faire oublier que le chemin est très long et qu'il faut tous redoubler d'efforts pour y arriver. A la Fondation nous travaillons souvent avec la Direction de Lutte contre l'analphabétisme, une collaboration très fructueuse. La DLCA est à l'écoute des ONG et a la volonté de réussir. * Tweet * *