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Démission des parents | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 06 - 09 - 2012

« Si vous gâchez l'éducation de vos enfants, ce que vous pouvez réussir à côté importe peu » J Kennedy
Au début de chaque année scolaire les parents achètent des cartables pleins de fournitures. Ils font sacrifices financiers, ils ont la conscience tranquille, ils oublient tout durant des mois. Ils découvrent sans trop réagir que leurs enfants réalisent des scores scolaires moyens ou bas Les enfants dissimulent ou pire falsifient leurs notes avant que les parents s'en aperçoivent. Ils ont peur de perdre l'amour des parents après avoir perdu l'estime des maîtres et des pairs. Décelés et trahis ils détestent la classe, l'Ecole, le collège et le lycée. Ils s'absentent en secret. Les filles reviennent au foyer en prétextant l'absence du prof, une grève, ou autre mensonge. Elles s'accaparent aussitôt rentrées la TV et plongent dans les feuilletons abêtissants arabes.
Les garçons eux restent dans la rue au lieu d'aller en classe. Ils jouent aux cartes aux pas des portes ou au billard dans des salles insalubres. Ils reviennent tard au foyer ce qui inquiète les parents qui se calment de les voir rentrer sans trop se risquer à leur demander des comptes. Ces monstres en herbe finissent leur cursus scolaire en redoublant en vain plusieurs fois. Ils se donnent en échange de fausses attitudes d'adultes forts. Ils fument avec gloriole et par défi dans les coins de rue. Certains se droguent et boivent du vin dissimulé en limonade dans les escaliers sombres. Ils mentent par nécessité et volent ce qu'ils peuvent au foyer ou ailleurs. Ils ont besoin de soigner leur look et se font des copines parmi celles qui sèchent les cours. Ils deviennent capricieux, méchants, révoltés, agressifs, despotes, des tyrans envers les parents. Ils sont alors difficiles à contrôler et à diriger que l'on soit riche ou pauvre, instruit ou ignare
Ces enfants si gentils avant, étaient objet de joie, de fierté et de bonheur des jeunes parents Ils deviennent source de tristesse, de honte, de malheur et de peine pour leurs parents âgés. Les parents lucides s'attribuent une part de cet échec et se posent des questions amères. Ils se demandent où et quand ils ont manqué à leurs devoirs de père et de mère.
Dans les campagnes d'antan les enfants grandissent dans la nature comme le veut Rousseau. Au Maroc, nos bleds (tamazirts) se vident et les bidonvilles de misère se remplissent partout. Les enfants non scolarisés sont évacués tôt le matin dans les rues ou dans des msids piteux. Les parents qui ont donné la vie à cette marmaille l'oublient dehors. Ils la cherchent tard le soir pour la mal nourrir, la mal coucher et se donner le temps de fabriquer d'autres petit(e)s.
Les parents un peu plus aisés mettent leur progéniture dans les maternelles à quatre sous qui pullulent dans les quartiers populaires. (Garderies d'enfants où ils n'apprennent presque rien) Les maternelles sont une étape cruciale du parcours scolaire et doivent être généralisées. Là les enfants apprennent à vivre avec d'autres enfants venus d'autres milieux ils se font des amis (socialisation). Ils parlent vite un langage commun, s'initient à d'autres langues. Ils développent leurs sens et leurs muscles. Ils s'initient à l'alphabet (arabe, français, tifinagh) et aux chiffres. La plupart des parents marocains ne donnent pas de l'importance à ces trois années qui précédent le CP. Ils ont tort, leur démission commence déjà là avant l'Ecole. Les enfants qui ont fait une bonne maternelle partent dès le départ avec des bases solides et ce pour tout le premier cycle du Primaire. Le cycle primaire est aussi long que celui du collège et du lycée réunis. Il vise trois buts : apprendre aux enfants à lire, à écrire et à calculer Dans les fait les programmes sont lourds (Arabe difficile par sa grammaire ; Islam, Histoire, géographie, sciences ; maths et français.)
Les classes sont surchargées, les maîtres dépassés, leur horaire alourdi par les soins de l'Etat. Ils sont tenus d'enseigner plusieurs matières. Ainsi l'enseignant de français est aussi chargé des maths, mais il doit le faire en arabe savant. Le niveau de connaissance et compétences visées augmente vite à la fin (classe de 6ème). Les enfants devenus élèves affrontent seuls des obstacles, leurs lacunes s'accumulent.
Non assistés par les Maîtres et non compris par les parents ils essaient d'oublier Ils préfèrent jouer aux billes ou à la toupie que d'aller en classe. Leurs notes baissent de façon continue et peut être irréparable.
Bien des parents marocains ne font pas le suivi au jour du travail de leurs enfants au Primaire. Certains manquent de moyens (ignorants, pauvres, ou très occupés par les soucis quotidiens). Beaucoup banalisent le quotidien scolaire de leurs enfants à l'Ecole Primaire et le négligent. Ils se doivent de déceler à temps les premières difficultés en langues et en mathématiques. Ils sont tenus de contacter les maîtres et de combler les lacunes par tous les moyens (achats de documents, révisions quotidiennes, aide par un tiers) en restant affectueux envers l'enfant. Mais ils restent laxiste ou défaitistes, ils en veulent à leurs enfants à l'Ecole et aux maîtres. Résultat Les lacunes et l'échec surtout en français et en maths sont là en bonne gestation.

Malgré leur bas niveau la plupart des élèves passeront au Collège pour laisser les bancs libres. Le collège au Maroc vise : l'acquisition des savoirs fondamentaux en (langues, maths, sciences) la transmission de la culture arabe (omission délibérée de la culture amazighe), l'Islam et charia, les règles de la vie en commun et rarement les valeurs universelles (dont la tolérance). Au collège les élèves ont affaire à des professeurs spécialisés. Les contenus sont plus difficiles et le niveau d'exigences plus élevé. Aux difficultés accumulées en français, et mathématiques s'ajoutent celles des sciences physiques et sciences de la vie et de la Terre (SVT). En général les élèves sont bons en arabe (Horaire élevé, répétition des mêmes concepts, conditionnement par les TV arabes). Nous sommes à des brasses de nage de l'Europe et à des milliers de lieux de l'Orient arabe. Les langues européennes nous sont indispensables pour la vie moderne. (Français, espagnol, anglais, italien, allemand) Or ces langues sont exclues de la rue, de la maison et des mas médias envahis par les chaînes arabes. L'Ecole initie avec peine à ces langues dans un contexte social rendu hostile par la démagogie pan arabiste et islamiste.
En plus le degré de maîtrise exigé en français en fin de ce cycle (classe de 9éme) est élevé. (Textes, lectures, grammaires, conjugaisons, structures, lexique, thèmes, expression écrite). Par ailleurs en math les notions et concepts sont plus abstraits (algèbre, géométrie, logique) Elles nécessitent les pré-requis non maîtrisés. Les élèves pataugent en math et en français. Face aux reproches de la famille et des enseignants ils se réfugient dans la petite délinquance Les parents s'inquiètent de leurs comportements. Ils s'aperçoivent qu'ils n'ont pas assuré le suivi de leurs enfants durant les études au Collège et ils sont du coup désarmés et en désarroi. Résultats : à cause des maths et du français, leurs enfants ne traversent pas, ou traversent avec peine le barrage du passage du collège au lycée.
Les élèves qui se hissent au lycée ne sont plus des enfants mais des adolescent(e)s et pas encore des jeunes gens mûrs. Ils veulent être indépendants tout en restant dépendants. Les parents se doivent être affectueux et vigilants pour éviter de graves déviations possibles. Les lycéens sont orientés vers les branches littéraires, scientifiques ou techniques. Dans tous les cas le français en plus de l'anglais prend de l'importance en vue du Supérieur en français.
Les élèves sont tenus d'étudier des oeuvres classiques alors que certains n'arrivent pas à lire les textes. Le tout est sanctionné par l'examen régional où la note de français à la part du Roi et devient un boulet qui ampute le score final au bac.
Dans les branches scientifiques les maths sont plus abstraites, les sciences physiques modélisées et mathématisées, les contenus des SVT lourds et complexes. Les classes sont surchargées, il n'y a pas de TP, pas de TD et d'aide. La biologie, la chimie, la physique se font au tableau et non au laboratoire. Les enseignants transmettent, les élèves enregistrent et restituent (bachotage et non apprentissage) Résultats : mis à part les filles et fils de riches (heures sup) et des enseignants (solidarité) les performances réelles (non gonflées) sont faibles. En général bien des parents démissionnent. Mais d'autres luttent courageusement avec leurs ados futurs candidats aux baccalauréats. Ils se sacrifient pour l'achat de tous les livres (manuels, solutionnaires), pour les révisions et les cours du soir. Ils contactent les professeurs, participent aux réunions des associations des parents et autres.
La mère et le père s'investissent corps et âmes dans le projet éducatif de leurs descendants. Les filles de milieux pauvres ou aisés découvrent dans cette atmosphère familiale de solidarité que leur salut face à une société phallocrate et à un éventuel mari macho est dans les études .Elles foncent et elles accèdent aux meilleures places.
J'ai connu bien des familles démunies qui ont plusieurs enfants. La mère et le père peu ou pas instruits se sont investis avec leurs enfants dans leurs études depuis le Msid jusqu'au terme de formation et d'insertion. Ils les laissent (tranquilles !) une fois devenus Hommes et Femmes. L'Ecole a instruit l'élève, eux ils ont éduqué et construit la personne. Ils se sont sacrifiés, ils ont fait preuve de dévouement, et de courage des années durant. Ils n'ont pas connu les divers plaisirs de la vie urbaine (looks, cafés, bars, jeux, voitures, vacances, adultères) Ils ont transmis nos valeurs de persévérance et de tolérance venues de notre Histoire plusieurs fois millénaire.
Leurs enfants ont vite compris leur situation et pris conscience des sacrifices consentis par les parents. Ils sentent leur autorité morale, se construisent à leur exemple et travaillent fort. Ils sont devenus des techniciens, des ingénieurs, des PDG, des pharmaciens, des médecins, des avocats, des juges, de hauts fonctionnaires, des officiers, et des professeurs.
Ces parents d'un autre temps n'ont jamais démissionné, ils ont gagné le respect des leurs et de la Société. Par contre la majorité des parents de nos jours sont démissionnaires face à leurs devoirs de mère et de père. Ils se fient à l'Ecole publique marocaine qui est en Faillite depuis un demi-siècle !!

Azergui M Pr univ retraité
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