Deux mois après sa disparition, l'esprit du premier président de la République algérienne Ahmed Ben Bella a, pour une soirée, survolé le ciel de Rabat. Une rencontre lui a été dédiée au Théâtre Mohammed V. Le théatre national Mohammed V de Rabat était archi-combe vendredi soir. Plusieurs personnalités étaient présentes dont des anciens résistants, des hommes politiques… L'Algérie de Bouteflika lui avait organisé des obsèques en grande pompe. Vendredi soir, c'était au tour du Maroc d'honorer la mémoire du premier président de l'Algérie indépendante. Ahmed Ben Bella, de parents marocains originaires de la région de Marrakech, est décédé le 11 avril dernier à l'âge de 96 ans, mettant en émoi le Maghreb en entier. Le jour de ses obsèques en Algérie, tout ce que comptait le Maghreb comme personnalités importantes avaient effectué le déplacement, que ce soit Hemmadi Jebali ou son homologue marocain Abdelilah Benkirane. Passées ces obsèques officielles, qui ne s'étaient pas déroulées sans incidents, puisque la délégation marocaine s'était retirée suite à une brouille causée, encore une fois, par la présence du Polisario, ses compagnons de lutte marocains ont tout de même tenu à lui rendre un dernier hommage, cette fois, dans la capitale marocaine. Le théâtre Mohammed V de Rabat était archi-comble vendredi soir, partout orné de portraits géants de l'ancien président. Plusieurs personnalités étaient présentes ce soir-là, que ce soient d'anciens résistants, ou hommes politiques, avec la présence notoire de Abderrahman Youssoufi, dont les apparitions publiques se font rares. Youssoufi, l'ami de Ben Bella La rencontre intitulée « Rencontre en l'honneur de la mémoire du militant maghrébin, le regretté Ahmed Ben Bella » avait débuté par la projection d'un documentaire d'une dizaine de minutes, traçant les principaux faits historiques d'Ahmed Ben Bella, de sa naissance à Maghnia, à la frontière marocaine, à son combat pour la lutte pour l'indépendance de son pays, en passant par sa participation à la seconde guerre mondiale, suite à laquelle il avait reçu une décoration des mains du Général De Gaulle. Animée par le maire de Rabat Fathallah Oualaalou, la soirée a vu la présence d'un grand nombre de personnalités de l'USFP. « Nous voulons utiliser cette rencontre pour l'avenir, pour la réconciliation historique, pour réconcilier le présent, le passé, et le futur. Bref, pour faire revivre l'UMA. » a déclaré l'ancien ministre de l'économie et des finances avant de mettre en garde contre « les défis dangereux qui attendent les pays du Maghreb, et qui menaceraient jusqu'à leur existence même », a-t-il déclaré, un brun alarmiste, avant de donner la parole à Abderrahman Youssoufi. Ce dernier s'est levé de son siège sous des applaudissements nourris, et a, durant une petite demi-heure, fait l'éloge d'un homme qu'il avait parfaitement connu. Peu de gens le savent, mais lorsque en 1956, l'avion dans lequel se trouvait Ben Bella aux côtés des cadres du FLN était dérouté et forcé d'atterrir à Alger par les militaires français, c'était Maître Abderrahmane Youssoufi qui leur avait alors servi d'avocat, c'est dire les liens qui rapprochaient les deux hommes, et le degré d'émotion dans lequel se trouvait l'ancien Premier ministre vendredi soir. Outre Youssoufi, une douzaine de personnalités étaient assises sur l'estrade, dont le secrétaire général de l'instance nationale des moudjahidine algériens Said Abadou, l'ex membre de l'armée de libération Mohamed Bounailat, ou encore le neveu du défunt, Mohamed Ben Bella. En attendant l'UMA La rencontre a été riche d'anecdotes. Ainsi, l'on a appris que c'est le héros rifain Abdelkrim El Khattabi qui a servi de médiateur entre Ben Bella et le président égyptien Nasser, lorsque l'Algérie colonisée cherchait activement des soutiens à sa lutte contre la présence française, mais aussi des armes. Avant d'avoir pris les armes et été un des plus redoutables révolutionnaires du Front de libération national, Ben Bella avait d'abord été, élu communal de la République française, lors d'élections où les deux tiers des sièges étaient « confisqués » par les Européens. Autre fait historique assez méconnu, Abderrahman Youssoufi avait rendez-vous avec Ahmed Ben Bella le jour du coup d'état dont ce dernier a été victime, suite à la prise de pouvoir par le colonel Houari Boumedienne. Vendredi soir, c'était à Ben Bella le Maghrébin à qui on a souhaité rendre hommage. En espérant que ce Maghreb uni, qui fut l'utopie de toute une génération de résistants, ne tardera pas à voir le jour. Ben Bella le Marocain Si la presse algérienne s'amuse à ironiser sur l'origine marocaine du président algérien Abdelaziz Bouteflika, l'on oublie que ce n'est pas le premier. Le premier président de la République algérienne populaire et démocratique est bel et bien d'origine marocaine. Ahmed Ben Bella n'aurait certainement pas eu le destin qu'on lui connaît si ses parents, originaires du douar Ould Sidi Rahal, n'avaient pas émigré à Maghnia, une ville frontalière du Maroc, à la fin du XIXè siècle. * Tweet * * *