La politique est-elle l'affaire exclusive des grands partis ? Les petites formations, qui pullulent et se débattent pour se faire admettre sur l'échiquier national, ont-elles voix au chapitre ? [chemin-de-croix] Depuis maintenant une quinzaine d'années, on assiste à une sorte de bourgeonnement de titres et de tendances : FFD, Parti du travail, PSU, les Verts, etc... En choisissant d'entrer en politique, sous une forme que l'on dirait « minime », les petits partis défendent d'abord leurs idées et entendent se distinguer sur l'échiquier. Leur caractéristique est une volonté de se différencier des autres, la démocratie ouvrant ainsi la voie à toutes les expressions et sensibilités. On dénombre quelque trente-deux formations politiques et, si l'on exceptait les cinq grands partis qui dominent à l'image de « mammouths », ils sont plus de vingt de moyenne et surtout de petite taille. Ils se bousculent au portillon du parlement, interpellés par la réalité du fameux 6 % qui constitue le seuil de la représentativité au sein de « l'hémicycle »... Le nombre rend t-il service à la démocratie ? En attendant, plus ils sont nombreux et petits ou moyens, plus ils pensent jouer un grand rôle et rendre service à la démocratie marocaine. Elle se prévaut, en effet, d'une grande diversité, mesurée à l'aune du nombre des formations qui s'expriment. La loi électorale avait libéralisé le champ et les énergies, tant et si bien que, ne sachant pas maîtriser leurs ambitions, les uns et les autres se sont lancés dans l'arène. Depuis maintenant une quinzaine d'années, on assiste à une sorte de bourgeonnement de titres et de tendances : FFD, Parti du travail, PSU, les Verts, etc...La liste serait fastidieuse à énumérer, tant il est vrai que le citoyen y perd « son latin » et ses repères. Cette nébuleuse ne s'arrête pas à un chiffre rond, elle est le miroir grossissant d'un champ « miné », où le coude à coude se fait pressent et serré. Dans quelle mesure la démocratie marocaine peut-elle profiter de cette multitude de formations qui sont donc une multiplicité de voix ? Comment ne pas s'interroger sur l'efficacité ou son contraire face à trente-deux partis qui s'efforcent de souligner chaque jour leur différence mais qui se ressemblent à la limite dans leur finalité ? Les partis traditionnels, c'est-à-dire ceux qui existent depuis l'orée de l'indépendance , défendent constamment leur prétendue légitimité au motif qu'ils sont nés, les uns sur la décombres de la décolonisation, les autres pendant les années de plomb, quand un certain ministre de l'Intérieur, dénommé Oufkir , connétable s'il en est avait décidé de réprimer toutes velléités politiques et dessinait jusqu'aux configurations des partis. Le Parti de l'Istiqlal est né pour combattre le protectorat, il constituait la mamelle de tous les autres, l'UNFP pour démocratiser le Maroc libéré avant de donner naissance à l'USFP, immense bloc d'espoir de la gauche, le Parti communiste, devenu plus tard PPS pour défendre la classe ouvrière et les travailleurs, le Parti populaire le monde rural... Les partis dits de l'Administration On eût pu se contenter d'un tel paysage, articulé sur des structures non pas importées de l'extérieur, mais adaptées à nos réalités nationales. Le plus significatif est que ces formations ont toujours pignon sur rue, elles ne se démentent jamais, ne s'usent pas non plus...Peut-être se muent-elles, le temps ne les a nullement corrompues ou érodées. Leurs dirigeants, leurs cadres deviennent presque inamovibles...C'est si vrai que, lorsque sont arrivées certaines formations à partir des années quatre-vingt, notamment le Rassemblement national des Indépendants (RNI), ainsi que d'autres prétendants, les anciens partis – que l'on dit historiques par euphémisme – se sont fait forts de les taxer de « partis de l'administration ». Le RNI, l'Union constitutionnelle, création de Ahmed Réda Guédira qui avait lancé autrefois le FDIC, n'ont pas échappé au couperet...Au sein du premier, sont issus le PND et le Parti de l'environnement, deux formations quasi effacées, réduites en tout cas à un silence absolu, mais qui ont réussi le tour de force de s'imposer à des moments cruciaux. La césure du paysage politique marocain a donné lieu à l'émergence d'une scission morale, elle-même générant des divergences d'opinions et d'intérêts. L'éclatement qui a suivi la publication d'une loi électorale très libérale, est si vaste et profond, qu'il autorise donc toutes les « intempéries politiques » et libère les appétits. L'éventail politique est devenu en l'espace de quelques années le plus large et le moins cohérent possible. Les vingt-cinq petits partis sont mobilisés à longueur d'année, scrutant les échéances pour récolter des voix et justifier leur existence. Comment vivent-ils, quels financements ont-ils ? L'interrogation n'a pas de réponse immédiate, si l'on excepte les subventions de l'Etat qui pourvoient à quelques dérisoires activités, notamment qui relèvent de la presse du parti...Aux élections diverses, ils y vont de leur couplet de leur mobilisation tous azimuts. Récolteraient-ils des voix ? ils ne seraient guère mécontents de les instrumentaliser, leur objectif étant l'accès au temple parlementaire. Les petits partis sont d'abord la représentation d'hommes qui se jettent dans la politique pour défendre des projets ou des idées à la limite individuels, ou de cercles, ou de groupes confinés dans le temps et dans l'espace. La carte politique issue au lendemain des élections, législatives ou communales, sanctionnent et délimitent leurs vocations. Mais ne les éliminent pas pour autant. Ils sont la contre voix , titillante, mâchonneuse, comme ils sont aussi la mauvaise conscience qui incarne, on l'a vu avec l'une des célèbres sorties médiatiques de Abdallah Kadiri du PND, le langage de vérité ou le « dire vrai » en politique. Force d'appoint au parlement éventuellement, les petits partis traduisent une réalité politique bigarrée, souvent nécessaire. Ils heurtent les convictions des uns et des autres parce qu'ils grignotent des voix sur les terres des grands partis, mais ils apportent la preuve que sans eux, cette équation démocratique difficile du Maroc pluriel n'existerait peut-être pas.... * Tweet * * *