Le roi Mohammed VI a eu, jeudi dernier au Palais de l'Elysée, des entretiens en tête à tête avec François Hollande, président de la République française. Le sens d'une visite. Juste après avoir reçu le souverain à l'élysée, François Hollande a eu un entretien téléphonique avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika. «Le chef de l'Etat a salué le processus de réforme démocratique, économique et sociale en cours dans le royaume, à l'initiative du roi Mohammed VI. La France se tient au côté du Maroc dans la voie qu'il a choisie de modernisation économique et d'approfondissement de l'Etat de droit ». C'est en ces termes que le Palais de l'Elysée a exprimé , entre autres, l'esprit de l'entretien que le roi Mohammed VI et le président de la République française, François Hollande, ont eu jeudi 24 mai. Le Maroc d'abord L'effet de surprise est certain, même si des observateurs avisés s'en doutaient quelque peu et le prévoyaient même : l'entretien qui les a réunis bouscule les agendas verrouillés. Le souverain aura été le tout premier chef d'Etat du Maghreb – le premier chef d'Etat tout court – à rencontrer le nouveau président de la République française, avant un certain Abdelaziz Bouteflika ou Moncef Marzouki, dont on ne cesse d'affirmer qu'il s'éloigne de la France pour se rapprocher des Etats-Unis et de l'Emirat du Qatar…. En somme, peu importent et l'endroit et le moment. Dans l'histoire de la Ve République française, excepté de Gaulle, tout chef d'Etat élu qui se rend au Maghreb, commence par le Maroc et se conforme à une tradition devenue, à force, un rituel. C'est une consécration évidente de la place privilégiée que le Maroc tient toujours auprès de la France. François Hollande, aussitôt élu le 6 mai dernier, les langues se sont déliées. Qui pour nous dire, sur le ton le plus assuré, qu'il se rendra d'abord en Algérie, qui pour nous rappeler que avec Faouzi Lamdaoui, son conseiller algérien, c'est toute sa politique maghrébine qui sera revue et réorientée, bien entendu au détriment du Maroc. D'aucuns, dressant un parallèle avec la victoire de Mitterrand en 1981, ont même pris un malin plaisir à affirmer que l'arrivée de François Hollande à l'Elysée constitue « un coup dur pour la Monarchie ». Rien n'est moins sûr ! Le roi du Maroc a donc devancé les pronostics et la règle a été maintenue tout en s'inscrivant dans l'exception. Ce n'est pas le chef de l'Etat français qui vient chez le roi, mais celui-ci qui se déplace à l'Elysée. Et s'il y avait encore un doute à nourrir, il sera vite dissipé. La photo qui a été publiée au terme de leur entretien dans la grande salle lambrissée, le fameux « bureau doré » des présidents français au premier étage, a donné le ton : un entretien cordial, une atmosphère détendue et une sobriété à toute épreuve. Pas le moindre signe de crispation, nul artifice. Les deux hommes n'ont, de toute évidence, sacrifié à aucun protocole et autre formalisme. Un peu plus de quarante minutes d'échanges, sanctionnés par un communiqué idoine de l'Elysée, des indiscrétions recueillies ici et là sur la teneur de l'entretien précisant que tous les sujets d'intérêt commun, selon la formule consacrée, ont été abordés : les réformes engagées par le Maroc, le Printemps arabe, la coopération bilatérale, le Sahara occidental, le partenariat euro-méditerranéen, et, ce qui n'est pas le moindre aspect, cette dimension symbolique d'une relation franco-marocaine exceptionnelle. L'Elysée a publié un communiqué officiel pour annoncer l'entretien en ces termes : « Le président de la République a reçu cet après-midi, au Palais de l'Elysée, Sa Majesté Mohammed VI, roi du Maroc, à l'occasion d'une visite privée qu'il effectue en France ». Le rédacteur du communiqué, aurait pu préciser que le roi Mohammed VI est le tout premier chef d'Etat à se rendre à l'Elysée, une semaine à peine après que François Hollande s'y est installé ! Celui-ci a « réaffirmé son attachement à l'amitié entre la France et le Maroc et souligné son caractère exceptionnel grâce aux nombreux liens entre nos deux pays et nos deux sociétés et la volonté commune de construire un espace euro-méditerranéen ». On relèvera le terme de « caractère exceptionnel » qui, dans le lexique d'une tradition socialiste n'est pas fortuit. Pour tous ceux qui suivent l'évolution des rapports entre les deux pays, une telle audience a vite pris valeur de symbole. D'autant plus que, d'une rumeur à une interprétation sémantique, des informations ont été colportées depuis le 6 mai dernier que le nouveau président français consacrera sa première sortie maghrébine à Alger. Autrement dit, que le premier chef d'Etat maghrébin prévu dans son agenda sera son homologue algérien ! C'est donc un démenti cinglant qui leur est opposé. L'Algérie aussi Pour autant, quand bien même l'information ne serait pas encore confirmée, elle continue à se répandre que François Hollande se rendrait à Alger en visite officielle, en principe en juillet, à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Il convient de souligner, cependant, que parallèlement au communiqué publié à l'issue des entretiens avec le roi du Maroc, le président français s'est entretenu au téléphone dans la foulée avec son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, au cours duquel il a tenu à lui exprimer « son attachement profond aux relations d'amitié franco‑algériennes » , soulignant « sa volonté de développer encore les nombreux liens existant entre la France et l'Algérie et de renforcer le partenariat entre les deux pays dans tous les domaines ». Toute ambiguïté est manifestement dissipée, la France – quel que soit son régime - affichant sa volonté rédhibitoire de renforcer les mêmes rapports avec l'un et l'autre pays. Il convient de rappeler que sur la question essentielle qui oppose le Maroc et l'Algérie et sur laquelle la France ne cesse d'être interpellée, à savoir le Sahara, François Hollande a réaffirmé la même position officielle de son pays : le soutien au plan d'autonomie adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Les responsables marocains, qui n'en espéraient pas tant, se réjouissent « mezza voce » de ce néoréalisme politique, dicté à vrai dire par le souci d'un équilibrisme affiché. Le Maroc et l'Algérie incarnent les deux pays qui connaissent une évolution politique stable, échappant aux désordres encourus par les « Printemps arabes », mettant en place des institutions nouvelles. C'est la certitude que les deux pays devraient être placés au même niveau des préoccupations et des intérêts. * Tweet * * *