Dans cette interview, Othmane Fassi Fihri, DG de la société nationale Autoroutes du Maroc, revient sur la situation déficitaire de la société qui ne verra le bout du tunnel qu'en 2033 ainsi que sur d'autres questions relatives à l'investissement et à l'usage des autoroutes… Othmane Fassi Fihri, DG de la société nationale des Autoroutes du Maroc. Le résultat net de la société nationale Autoroutes du Maroc (ADM) est déficitaire de 1,54 milliard de dirhams en 2011 et le sera à -1,61 cette année, selon vos prévisions. De plus, vous prévoyez un déficit record de 22,6 milliards de dirhams en 2022 pour n'avoir l'équilibre financier qu'en 2033. Pourquoi en êtes-vous arrivés à cette situation inquiétante ? Je vous rappelle qu'ADM est en phase d'investissements très importants. L'actuel contrat-programme 2008-2015, signé avec l'Etat, a prévu, pour faire face à cette phase, un certain nombre de mesures, afin de garantir la permanence de la société. Ces mesures sont d'ordre comptable et financier. En effet, il est prévu une recapitalisation de l'Etat de l'ordre de 1,4 milliard de dirhams par année et, dernièrement, le Conseil d'administration a enregistré la dernière augmentation de capital pour 2012. En plus, il y a une garantie aux emprunts obligataires qui permettent de faire face au déficit d'exploitation. Ces mesures sont conformes et sont suivies par un comité où le ministère des Finances prend part. Ensuite, le bilan qui est fait à l'occasion de ce suivi montre qu'ADM agit conformément aux prévisions et même avec des indicateurs meilleurs que ce qui a été prévu. Par ailleurs, ce déficit est tout à fait ordinaire et il ne sera résorbé qu'à long terme vu que le rendement sur ce genre d'investissements pour de grandes infrastructures est pour le long terme. A fin 2015, le réseau autoroutier marocain devrait atteindre quelque 1 800 km grâce au contrat-programme avec l'Etat, qui prendra fin la même année. Y aura-t-il un autre plan d'investissement, notamment pour les lignes régionales ou les voies express ? Le ministère de l'Equipement a un programme d'investissements pour les voies express. Ce type d'aménagement convient très bien aux corridors où il y existe beaucoup de trafic local et qui s'affecte très difficilement sur une autoroute. Pour ce volet, le ministère a en effet annoncé au gouvernement des échéances qui prendront fin en 2015, pour l'actuel programme. Cela ne signifie pas nécessairement la réduction du programme autoroutier. La Direction des routes du même département a mis à l'étude un schéma directeur des autoroutes qui prévoit de nouvelles sections. Je crois que le gouvernement est en train d'étudier tout cela. Donc, il se peut qu'un nouveau programme d'investissement voit le jour avant 2015. Il ne restera alors que la structure et le montage financier pour assurer la réalisation de cet éventuel nouveau programme. Des concessions aux opérateurs privés seront-t-elles envisageables ? La concession au privé est un mode de financement qui convient très bien aux secteurs commerciaux et qui génère des plus-values tout en permettant de faire du project financing. Cela permet de démultiplier les capacités d'investissement de l'Etat, une orientation du gouvernement actuel. L'idée est de ramener des capacités d'investissement supplémentaires au profit de la collectivité sans peser à court terme sur le budget. Ce que je peux vous dire, c'est que ce type de projets est en réflexion car la Direction des établissements publics et des participations de l'Etat, relevant du ministère des Finances, a créé une cellule PPP (Partenariat public-privé), et c'est en cours d'études. Certaines dessertes ne sont desservies que par des axes autoroutiers payants et n'offrant aucune alternative, comme celle de Casablanca-aéroport Mohammed V. Trouvez-vous cela normal ? Le cas de la desserte que vous citez en exemple n'est pas un cas extraordinaire, puisqu'il en existe de pareilles de par le monde. De plus, on a mis en place un abonnement spécifique à cette autoroute à haute fréquence, qui rend le déplacement bon marché. D'autre part, nous avons mis en place cette année une desserte parallèle à l'autoroute qui permet à tous les riverains, qui ne souhaitent pas payer au prix marginal une autoroute, d'arriver aux environs de la commune de Nouaceur et de l'aéroport sans payer quoi que ce soit. Mais jusqu'à quand l'usager des autoroutes va-t-il encore payer pour utiliser ces autoroutes, alors qu'à l'étranger, des autoroutes sont gratuites ? Vous devez savoir qu'actuellement le prix que l'usager paye ne tient pas du tout compte du véritable prix. Un investissement dans ce type d'infrastructures est amorti sur une durée de 50 ans. L'usager se comporte en tant qu'agent économique intelligent, il fait son analyse et son évaluation du coût et il arbitre et va vers l'autoroute car c'est le moyen qui offre le moindre coût pour lui. Ceci-dit, le trafic sur l'autoroute augmente plus vite que celui des routes. Il y a plus de gens qui prennent les autoroutes parce que le prix du péage est inférieur au prix perçu. Le péage ainsi que les agents de péage sont voués à la disparition grâce ou « à cause » du télépéage… La réponse à votre question est «oui». Cependant, je tiens à souligner que le télépéage est un mode alternatif de perception des recettes, où l'usager ne s'arrête pas. Le télépéage permet un plus grand débit et moins de gêne pour l'usager au niveau des barrières de péage. Notre objectif est de supprimer les barrières de péage. Pour cela, on prévoit un test au niveau de Bouznika et Tit Mellil. On prévoit d'équiper toutes les autres gares à partir de l'année prochaine afin de permettre ainsi une plus grande fluidité, grâce au télépéage. * Tweet * * *