Créé en 1996 sous le nom de « Jazz aux Oudayas », dans la salle du musée des Oudayas, le festival de jazz de la capitale se déroule depuis 2005 dans la nécropole du Chellah. Jean-Pierre Bissot, directeur artistique du festival Jazz au Chellah nous parle de la 17e édition du festival qui aura lieu du 13 au 17 juin. Lors de l'édition 2011. En médaillon, Jean-Pierre Bissot, directeur artistique du festival. Cette année, l'accent a été mis sur «la diversité culturelle», pouvez-vous nous en dire davantage ? Dans de nombreux pays d'Europe, le jazz a fait son entrée dans les conservatoires ou écoles de musique qui dispensent un enseignement de type universitaire. Il sort de ces lieux d'apprentissage des jeunes gens doués d'une technique prodigieuse, mais aussi des artistes sensibles et modernes, qui n'hésitent pas à bousculer les esthétiques, à mélanger les influences, à tracer de nouvelles routes. Poussé par ces nouveaux musiciens, le jazz ne se limite donc plus à un seul style. Peu de festivals ont compris ce processus aussi bien que Jazz au Chellah et il en résulte un programme faisant la part belle aux diversités multiples du jazz Chaque année, les rencontres du festival sont des moments très attendus par le public. Que symbolisent ces rencontres qui sont la marque de fabrique du festival? Donnent-elles parfois lieu à de nouvelles collaborations? Les rencontres permettront à l'auditeur d'apprécier lors de moments éphémères des musiques émouvantes et magiques, véritables métissages artistiques. Elles révèlent pour chaque musicien qui y participe (d'Europe et du Maroc), ses qualités personnelles et son aptitude à l'écouter l'autre, sa capacité à explorer avec lui de nouveaux territoires. Cet exercice débouche sur une littérature du dialogue basée sur la coopération, le respect, la créativité et la solidarité. Enfin, il est exact que Jazz au Chellah peut être fier car on retrouve fréquemment aux quatre coins de l'Europe, les suites de nombreux projets développés lors des rencontres du Chellah. C'est la preuve inéluctable que nous œuvrons dans une bonne direction. Selon vous, quelles sont les valeurs que promeut chaque année le festival Jazz au Chellah selon vous ? Plus que toute autre expression musicale, le jazz est un art qui n'est jamais autant apprécié qu'en live. Cette musique est l'invention la plus originale du 20ème siècle : elle jette un pont entre les cultures occidentales et africaines, réconcilie les musiques écrites et celles de tradition orale, s'allie aux cultures du monde entier du Brésil aux Balkans, d'Inde au Portugal, …et aussi du Maroc donc! Elle concerne toutes les générations, les peuples, les pays, … Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les artistes qui seront présents pour cette 17e édition ? Quels seront les moments forts en perspective? La 17e édition de « Jazz au Chellah » rassemblera 10 bands et 43 musiciens venant de 16 pays européens. Tous ont leur propre langage, les styles seront particulièrement contrastés avec des formules instrumentales très variées. On démarre en force le festival, avec un groupe emblématique d'Europe (l'European Jazz Ensemble) qui rassemble depuis 35 années déjà des artistes de 6 nationalités différentes pour un jazz solide et un groove impressionnant. Kostas Theodorou, un artiste grec avec son jazz des Balkans aux senteurs méditerranéennes ou le sax italien Francesco Bearzatti ou Luisa Sobral, une jeune chanteuse portugaise ou encore Giulia Valle qui est une contrebassiste réputée de la scène espagnole proviennent de pays d'Europe qui sont en prise avec les difficultés de la crise économique : je tenais à ce que ces pays soient bien présent car l'art doit transcender le pouvoir de l'argent. Par ailleurs, je considère que le vibraphoniste luxembourgeois, Pascal Schumacher, le trio Das Kapital et le pianiste finlandais Alexi Tuomarila ont sorti récemment des CD qui figurent parmi les meilleures productions actuelles d'Europe. Le choix de Slang s'inscrit dans l'énergie d'un art tourné vers le futur et dans la capacité de ce trio à ouvrir de nouvelles routes. C'est pourquoi, je me réjouis déjà de les découvrir aux côtés du jeune Yacir Rami, nouveau talent du oud marocain. Le duo Machado / Sheppard propose un jazz d'un niveau exceptionnel mais qui jamais, ne pourrait émaner d'artistes issus d'un autre continent que celui de l'Europe. Ils sont aussi pour moi, symbole d'un langage européen. Pensez-vous que le dialogue interculturel peut œuvrer au rapprochement des peuples (dans le cadre du festival au rapprochement entre l'UE et le Maroc) et si oui de quelle manière? Il pourrait être paradoxal pour la structure politique qu'est l'Union européenne d'avoir choisi le jazz (une musique réputée être américaine) pour écrire un dialogue Europe – Maroc, mais lorsqu'on a dépassé les clichés d'Epinal qui collent (un peu trop) à la musique jazz, on comprend vite la pertinence de ce choix, et 16 éditions déjà ont témoigné de la pertinence de ce projet. Vous organisez cette année votre 6e édition du festival de Jazz au Chellah, qu'est-ce que cela représente pour vous? A titre individuel, je ressens que Jazz au Chellah est une partie de mon cœur, un peu comme si j'avais subi une transplantation cardiaque – côté du ventricule SUD. Que ce soit sur le plan musical ou humain, que ce soit au niveau du partenariat que nous insufflons, mon partenaire marocain Majid Bekkas et moi-même ou au niveau des équipes organisationnelles et techniques œuvrons pour sa réussite Chellah est un terreau de bonheur total car il allie la qualité de travail avec la chaleur humaine. J'espère que cela se ressent aussi sur scène.