Rachid Roukbane, président du groupe du progrès démocratique à la Chambre des représentants, estime que si la mission du ministre de la Communication s'annonce difficile, c'est en raison du manque de soutien politique. Dans cet entretien, le député du PPS explique les dysfonctionnements d'un processus où la HACA n'a pas joué le rôle attendu. Rachid Roukbane, président du groupe du progrès démocratique à la Chambre des représentants. Votre groupe parlementaire a été l'un des premiers à avoir réclamé la tenue d'une rencontre avec le ministre de la Communication au sujet des cahiers des charges de l'audiovisuel. Quel rôle devrait jouer le Parlement ? Si nous avons demandé la tenue de cette rencontre, vendredi 27 avril, c'est parce que nous avons estimé cela nécessaire et même très urgent. Le débat national houleux suscité par les cahiers des charges des médias publics est suivi de très près par les professionnels, les politiques et les citoyens. Il devenait logique et obligatoire, pour nous, de le diriger vers le Parlement, afin de permettre à cette institution de servir d'espace central aux débats politiques nationaux et d'être en interactivité avec les préoccupations de la société. Nous avons également précisé dans notre demande que cette rencontre doit être ouverte, contrairement à l'usage faisant des réunions des commissions parlementaires permanentes un secret. La nouvelle Constitution, dans son article 68, offre désormais la possibilité, dans certains cas, de lever ce secret, conformément à l'article 105 du règlement interne. Notre requête a été prise en compte et cette rencontre est la première du genre à se tenir officiellement publiquement après l'adoption de la nouvelle Constitution. Pourquoi ce débat autour des cahiers des charges de l'audiovisuel a-t-il suscité autant de polémique? Ce qui nous semble capital, c'est d'abord l'implication de toutes les composantes concernées, de près ou de loin, à l'objet du débat. Il n'est pas celui d'un parti, d'un ministère, d'un gouvernement ou même d'une majorité, mais celui de tous : professionnels, politiques, associations et autres. Le processus d'élaboration de ces cahiers des charges aurait relevé d'une simple routine s'ils n'avaient pas apporté des nouveautés. Dans le contexte actuel, marqué par une sorte de sensibilité vis-à-vis du PJD et la crainte manifestée par certains milieux d'un éventuel recul sur des acquis et principes, l'approche participative pour laquelle a opté le ministre de la Communication devait être un peu plus approfondie. Il est vrai que Mustapha El Khalfi a mené multiples consultations, avec différentes parties ; mais selon sa propre méthode. Il aurait été meilleur, à notre sens, qu'il entreprenne une autre manière de faire. Quels reproches faites-vous au ministre de la Communication ? Avant de présenter les cahiers des charges, Mustapha El Khalfi devait, d'abord, solliciter l'approbation de la majorité. C'est un secteur qui concerne l'ensemble et non pas seulement un ministre ou un secteur indépendamment de l'autre. S'il avait été soutenu par les composantes de la majorité – et pourquoi pas, l'opposition aussi -, sa tâche aurait, aujourd'hui, été plus facile. L'autre problème qui s'est posé, c'est celui de la rapidité de ce processus. Elaborer ces cahiers des charges nécessite normalement du temps et il aurait été préférable qu'il en soit ainsi, afin que cette mission soit accomplie sans risque. Rien ne nous empêche de disposer du temps nécessaire, au lieu de nous engager dans une course contre la montre. La réforme a toujours été un processus graduel. Cela dit, au sein de notre groupe parlementaire, nous approuvons plus de 80% des dispositions contenues dans les cahiers des charges. Nous sommes pour, entre autres, la moralisation de la vie publique, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, la reddition des comptes et la promotion de la production nationale. Qu'est-ce qui vous dérange dans les cahiers des charges ? Certains milieux prennent un malin plaisir à diaboliser ce débat autour des cahiers des charges ; ce sont, pour nous, des poches de résistance anti-réforme, auxquelles notre parti s'oppose. Les différences que nous soulevons s'inscrivent dans notre quête d'une unanimité qui fera la force des cahiers des charges. Nous sommes ainsi – et en toute légitimité – préoccupés par certaines questions dont celle de l'interdiction des publicités des jeux de hasard ou de loterie. Ce qui nous importe, c'est de savoir si le ministre de la Communication a consulté le premier concerné : le ministère de la Jeunesse et des sports avant d'agir. C'est 200 millions de dirhams que draine annuellement la Marocaine des jeux au développement du sport. Et, partant de la logique du ministre arguant cette interdiction par la protection des jeunes spectateurs, il serait désormais justifié également d'arrêter la diffusion de ces jeux concours par voie de SMS ou encore l'émission « Studio 2M ». Nous avons, par ailleurs, remarqué dans les cahiers des charges une absence de l'obligation de diffusion d'émissions en direct. Pourtant, celles-ci consacrent la liberté d'expression et la démocratie. Toucher également à la programmation et aux horaires n'a pas été un choix judicieux, à notre sens, mais une atteinte à l'indépendance professionnelle. Il faudra, dans le but d'assurer cette indépendance, mettre fin à la présence de l'administration qui s'accapare souvent la télévision. Malgré les ambitions affichées par les cahiers des charges, notamment en ce qui concerne la promotion de la production nationale, nous émettons un doute sur les réels moyens dont dispose le Maroc pour atteindre autant d'objectifs alliant qualité du produit et des ressources humaines. Et la HACA dans tout cela ? Elle n'a pas joué le rôle escompté dans cette histoire. La HACA devait prendre le temps nécessaire de bien étudier les cahiers des charges au lieu de ne consacrer que 24 heures pour accorder son approbation. Il aurait été judicieux que ce travail se fasse parallèlement au débat de société afin que la HACA puisse agir en interactivité avec ce dernier. Ce qui s'est passé est tout à fait le contraire. Nous présenterons nos amendements au ministre, et le gouvernement tranchera par la suite.