« El Chino », film du cinéaste argentin Sebastian Borensztein est un opus sur la mondialisation, la perte, la solitude à travers le destin de deux hommes, l'un Argentin, l'autre Chinois. Le comédien Ricardo Darin, porte l'intrigue et sera au 65e Festival de Cannes. Le cinéma argentin se situe à la frontière des genres, affichant une belle vitalité. Après le personnage fiévreux de Sosa, auquel Ricardo Darin impulsait une densité tachycardique et sa parfaite mesure dans « Carancho », thriller tendu de Pablo Trapero, le comédien argentin emporte « El Chino » de Sebastian Borensztein vers une réalité, à la fois placide et douloureuse. La vie et le temps de Roberto (Ricardo Darin) sont minutieusement rythmés par la trotteuse qui bat d'avant en arrière entre sa quincaillerie, les allées et venues d'un client qu'il surnomme « connard », tant l'insupportable homme redouble de demandes exaspérantes dans la petite boutique, son attention particulière pour les nouvelles insolites et sombres, qu'il collectionne dans les journaux, le souvenir chéri de sa mère disparue. Taiseux, solitaire, vieux garçon, son personnage sonne pourtant l'heure d'une révolte citoyenne, et même politique, qui donne le ton de « El Chino ». Il prend le temps de cuisiner de vraies pommes de terres et ne « bouffe pas de la merde » (comme le connard de client qui l'enquiquine), il veille à ne pas spolier son prochain en ajoutant toujours plus de poids aux pièces qu'il vend, il ne laisse pas errer un chinois esseulé sans le sou, éjecter brutalement d'un taxi, alors qu'il pique-nique tranquillement sur le bord de la nationale. On ignore encore dans la première partie de ce film, que Roberto a vécu la guerre des Malouines, et malgré son renoncement au monde, on sent mûrir chez ce Robinson de l'Argentine d'aujourd'hui, une chaleur humaine, une caractéristique solaire, un être entier. Roberto a été moins passif, cassé par l'existence et misanthrope dans une première vie. Autour du monde C'est sa rencontre avec son frère étranger, « El Chino », Jun, (Ignacio Huang) le Chinois, qui va le mener peu à peu dans la marche du monde et dans l'action. Roberto décide d'héberger, Jun chez lui, puisqu'il ne parle pas un mot d'espagnol et lui, pas un de chinois, la cohabitation devrait être sans heurt pour cet homme taciturne. Le prétexte dramaturgique de ce buddy movie, improbable, va révéler la véritable nature de Roberto. Il conduit son ami chinois, au poste de police afin de l'aider à retrouver son oncle, puis à l'ambassade de Chine à Buenos Aires, et enfin dans le quartier chinois. On aime son franc-parler contre l'apathie de l'administration, sa violence en réponse à un flic qui abuse de son pouvoir et de son uniforme, sa compassion jamais démentie pour Jun. L'humour, toujours proche du désespoir de certaines situations, distillé par le cinéaste Sebastian Borensztein, est en totale harmonie avec la partition du compositeur Lucio Godoy. Et le discours des personnages sur notre rapport à la différence, a une teneur universelle. On retient les mots de Mari dans une lettre, (Muriel santa Ana), follement amoureuse de Roberto, qui la fuit tout au long du film : «je sais reconnaître deux choses chez les gens comme toi, la noblesse et la douleur ». Comme une autre phrase de Mari, alors qu'elle montre ses photographies à Jun, « il comprend les images ». Dans le flot interrompu de la mondialisation, emporté par l'individualisme, Sebastian Borensztien, nous replonge dans un cinéma humaniste, proche de « Puzzle » de la cinéaste argentine Natalia Smirnoff ou encore « Io sono Li » du réalisateur italien Andrea Segre, met à flot l'avènement, d'une force narrative définitivement tournée vers l'humain. Le cinéma argentin se situe de plus, à la frontière des genres, affichant une belle vitalité : la présence de nombreux opus n'est plus à compter parmi les salles et les festivals des quatre coins du monde. Six films étaient représentés au 63e Festival de Cannes. Et cette année est marquée par le retour de Pablo Trapero, au 65e Festival de Cannes, qui y présente « Elefante Blanco , en compétition officielle dans la section « Un Certain Regard », porté par l'excellent, Ricardo Darin.