Après deux mois, le Parlement n'est pas en mesure de dresser un bilan réel de son activité. La clôture de la session automnale, mardi 21 février, a servi plutôt d'occasion pour le nouveau président du perchoir, Karim Ghellab, d'imposer sa griffe et d'annoncer ses priorités dont la première sera de redorer le blason de la pratique politique au sein du parlement et faire des députés un élément clé du « marketing » marocain auprès de l'Union européenne. Etablir les bases « Cette session constitutionnelle est, pour nous, celle d'une construction d'un nouveau parlement. Depuis mon élection à sa tête, le 19 décembre, et jusqu'au 21 février, je considère que le bilan est très positif », déclare Karim Ghellab à l'ouverture d'une conférence de presse qu'il a tenu, mardi soir, au parlement. Le jeune président veut jouer la carte de la transparence en maintenant une communication régulière avec l'opinion publique. Accompagné de son staff et des présidents des groupes parlementaires, Karim Ghellab estime être arrivé avec succès au bout d'un marathon au cours duquel il a été question de constituer le bureau de la Chambre des représentants et les groupes parlementaires pour aboutir enfin à « un projet qui répond au seuil minimum devant assurer l'essentiel du travail et de la communication entre l'ensemble des organes». Au total, ce sont 395 députés qui y travaillent dans le cadre des différentes structures représentant le parlement. Règlement interne : mission difficile Pour l'USFPéiste Abdelali Doumou (assis), la crise suscitée par l'accord agricole est liée à l'absence de ce rôle diplomatique que doivent jouer les députés du Maroc. Le lent processus d'adoption du règlement interne nécessitant la validation du conseil constitutionnel a été l'une des étapes difficiles et décisive du parlement. « Il fallait procéder au renouvellement du règlement interne en adéquation avec les dispositions de la nouvelle constitution », souligne Karim Ghellab. La mission a été confiée à une commission parlementaire et aux présidents des groupes. Sur 189 articles 160 ont été validés alors que le reste a fait l'objet d'observations. «Six articles jugés non constitutionnels ont été remis au conseil constitutionnel pour approbation. Nous disposons, pour le moment de 166 articles conformes à la constitution, ce qui nous permet d'assurer notre activité au sein de la Chambre des conseillers », explique Karim Ghellab annonçant une deuxième révision, dès la semaine prochaine, du règlement interne après la constitution des commissions parlementaires permanentes et l'élection des présidents, le jour même de la clôture de la session automnale. Après la clôture Pas de chômage technique, en attendant la session extraordinaire prévue au plus tard mi-mars pour l'adoption de la loi de finances. « Le parlement, c'est avant tout les commissions permanentes qui le compose et assure donc le travail entre les deux sessions. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous devions procéder à leur constitution avant la fin de la session », affirme le président du parlement. Les commissions devront préparer des projets de lois et examiner ceux que proposera le gouvernement. D'ici là, un petit recul en arrière dévoile une activité plutôt réduite en ce qui concerne le contrôle du gouvernement. Au total, ce sont deux séances de questions orales qui ont été tenus, le 13 et le 20 février. A la première séance, le parlement a proposé 127 questions d'actualité, dont 48 ont été acceptées par le gouvernement, mais seules 7 ont finalement été posées. A la seconde, sur les 66 questions d'actualité, le gouvernement a retenu 46, mais ce sont seulement 16 qui ont été posées. Toutefois, les observateurs notent que le gouvernement de Benkirane montre une plus grande disponibilité vis-à-vis des députés et accorde plus d'attention à leurs questions par rapport au gouvernement d'Abbas El Fassi. « Ce qui a marqué les deux sessions, c'est d'abord la qualité et l'acuité des questions. Les sujets sélectionnés relèvent de l'actualité chaude qui fait débat au sein de l'opinion publique, notamment l'élimination du Maroc de la CAN, les accords relatifs à l'agriculture ainsi que les événements de Taza », insiste le président du perchoir soulignant la nécessité de renforcer le débat sur les sujets d'intérêt général. Il est donc question d'élever la cote de popularité d'un parlement qui, par le passé, a souvent suscité l'ennui chez les citoyens. Députés au service de la diplomatie Ghellab promet un parlement plus proche de l'opinion public, mais aussi des organismes internationaux. Le président est convaincu que les députés doivent briller à travers les commissions permanentes, les alliances d'amitiés (120) et les échanges. « Nous procédons en ce moment à la constitutions de branches spécialisées en concertation avec les commissions parlementaires. La commission mixte entre le Maroc et l'UE a tenu plusieurs rencontres et contribué activement au vote positif pour le Maroc en ce qui concerne l'accord de pêche », indique le président. L'assemblée que préconise l'Association parlementaire pour l'Union pour la Méditerranée le 25 mars permettra à la partie marocaine de confirmer sa volonté. Le parlement compte assurer une présence régulière au sein du parlement européen et participer à ses activités d'une manière permanente ou quasi permanente. « Nous allons établir un programme pour une diplomatie efficace, nous avons besoin, pour cela, d'instruments diplomatiques permanents. Nous ne nous voilons pas la face, il y a une faiblesse en matière de communication avec le parlement européen », reconnait l'USFPéiste Abdelali Doumou, 5e vice-président de la Chambre des représentants. Selon ce dernier, la crise suscitée par l'accord agricole est essentiellement liée à l'absence de ce rôle diplomatique que doivent jouer les députés du Maroc. « Le refus par les européens a été dicté par la mauvaise foi de nos détracteurs dont la présence et l'influence sont très fortes, mais aussi par l'ignorance d'une grande partie de ce parlement de notre pays, de ses avancés politique. C'est ce que nous avons remarqué sur place », explique Doumou, qui a été l'un des députés ayant participé à désamorcer la crise par la signature de l'accord Maroc-UE sur l'agriculture. Les moments forts «La session automnale a été inaugurée sous une constitution et clôturée sous une autre. Les attributions de la Chambre des représentants ont changé dans cette transition dont le fait le plus marquant reste l'adoption du programme gouvernemental. La majorité a tenté d'assurer son rôle de contrôle, mais nous ne pouvions pas réellement le faire sans la présence des commissions », rappelle le président du groupe justice et développement, Abdelaaziz Omari. La précipitation a agi négativement sur les prémices du contrôle gouvernemental. L'opposition n'a pas encore trouvé le terrain propice pour affirmer et confirmer son travail. Mais le RNI et l'USFP ont d'ores et déjà affirmé leur volonté de frapper fort, lorsqu'ils se sont retirés lors de l'adoption du règlement interne le 13 février. Le PAM, lui, se montre comme « un agitateur positif » qui s'est fait entendre par la voix du président de son groupe parlementaire, Abdellatif Ouahbi, à chacune des séances plénières. Les bons ingrédients sont réunis, il ne reste plus qu'à attendre la reprise du parlement. La discussion de la loi de finances risque d'être très houleuse. Un parlement nouveau sans absents Karim Ghellab veut moderniser le parlement à tous les niveaux. Une télévision parlementaire, un site web relooké, des élections par ordinateur, indépendance financière par rapport au gouvernement…, le lifting se fera progressivement. En parallèle, c'est aussi l'assiduité des députés qui compte. Sur ce point, le président est clair : plus d'absence sans argument valable. Assurant que l'assiduité des députés a été très importante aux deux séances, Ghellab a promis d'être sévère et de prévoir des sanctions en cas d'absence injustifiée (publication des noms sur le web et sur le BO). « Avant cela, nous ferons en sorte d'assurer toutes les conditions de travail nécessaire afin de faire du parlement un espace de débat politique par excellence », dit-il. Efficacité oblige, la notoriété du député se mesurera à sa présence politique avant tout.