Fquih Regragui vit à Tanger et expose rarement. Exceptionnellement, ses œuvres fleuriront les murs de la galerie HD jusqu'au 16 mars. Une exposition qui témoigne de la diversité de son expression picturale, tout au long de 60 années de fertilité artistique. Fervent adepte de Goya, et de la « peinture sale », de Velasquez et de son clair obscur, de Monet et de son aura impressionniste, l'artiste n'hésite pas à prendre des risques et se laisse guider par ses états d'âme. De l'impressionnisme à l'expressionnisme en passant par la semi-abstraction voire l'abstraction pure, l'artiste change de registre, bousculant l'inconnu. Le beau et le fantastique La galerie exposera les œuvres datant des années 60, celles talonnant la période impressionniste entamée en 1950, et où le peintre se tourne vers la nature. Y figure notamment son travail sur la calligraphie arabe et la mosaïque, démarche rejoignant le mouvement d'art marocain classique, truffée cependant du fantastique qui lui est propre. Dans « Composition marocaine » par exemple, réalisée en 1967, il créé une ville qui augure d'un certain modernisme, suggéré sous les mosaïques et les perspectives. Ville violée ou sublimée? Vision d'une cité future ? Ou prédictions faisant écho à des rêves fantastiques? Pétri de visions fantasmagoriques, l'artiste creuse le sillon de cette réflexion, dans les années 90, lorsqu'il peint, dans sa série de pastels, des scènes de bataille où la violence thématique épouse l'acharnement pictural. Des tracés posés d'une main à la fois subtile et intense, où tempêtes, chevaux, cavaliers et têtes de mort forment des fresques où la hantise de la mort prime. « Ce sont des rêves, résultat d'une période de malaise et de stress, où j'étais préoccupé par la mort et la maladie ». Un déchaînement visuel cristallisé par sa relation fusionnelle avec dame nature. « Je viens d'une région où le vent est omniprésent et où les arbres bougent constamment, des mouvements dans lesquels je me retrouve », explique-t-il. Composition moderne La galerie HD exposera notamment sa récente série sur le caftan, réalisée dans les années 2000, des œuvres à cheval entre le figuratif et l'abstrait. Ses caftans, proches de la photographie, sont traversés d'un graphisme lyrique, curieusement hyper réaliste, où la démarche oscille entre patrimoine marocain et modernité. Cet objet, symbole de séduction féminine et de brillance, est déformé, stylisé, sublimé, rêvé, et traversé d'une vérité absolue, propre à l'artiste. Au gré des humeurs de l'artiste, le caftan se démystifie et se glorifie, s'effeuille et s'étoffe, s'use et s'embellit, se perd dans des plis et des replis graphiques et des déclinaisons riches d'une composition contemporaine. Eléments du nord et accessoires du sud se mêlent dans ses caftans suspendus, livrés à eux-mêmes, à la fois glorieux et humbles.