Sa première sortie à l'étranger, Benkirane l'a réservée au Forum de Davos en Suisse. A la tête d'une importante délégation comprenant, notamment, le ministre des Affaires générales et de la gouvernance Najib Boulif et le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc, Mohamed Horani, le chef du gouvernement s'est approché des grands décideurs de ce monde. L'édition de cette année de ce Forum a connu la participation d'une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement et de plus de 2 500 dirigeants d'entreprises et d'économistes de renommée mondiale. Au cours de son séjour suisse, Benkirane a tenu, comme le rapporte la MAP, « une réunion avec le secrétaire général de l'Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE), Angel Gurria. Les échanges entre les deux parties ont porté sur la collaboration entre le Maroc et l'OCDE et le rôle de leadership que joue le royaume dans l'initiative MENA-OCDE visant à promouvoir l'investissement et la bonne gouvernance. Les deux responsables ont convenu, à cette occasion, d'intensifier les échanges sur les sujets de la bonne gouvernance aux niveaux global et sectoriel, sujets sur lesquels l'OCDE travaille de manière énergique et diffuse les meilleures pratiques». L'ouverture martelée Endossant l'habit de l'avocat du royaume, Benkirane a surfé sur la vague de la spécificité marocaine par rapport aux autres pays de la région qui ont connu des changements de régime, soulignant que les Tunisiens et les Egyptiens étaient gouvernés «de main de fer». En revanche, le Maroc a initié des initiatives réformatrices, voilà une bonne vingtaine d'années. Selon le chef du gouvernement, le changement est mis sur les rails en vue de « réaliser des réformes au service des pauvres et des nécessiteux». Afin de dissiper toutes les craintes de certains milieux d'affaires qui redoutent la montée des islamistes au Maroc, le chef du gouvernement s'est voulu très rassurant, précisant que «nous sommes très ouverts. Nous pouvons garantir, et de la meilleure manière qui soit et mieux qu'auparavant, vos intérêts et vos investissements. Qu'est -ce que vous voulez de plus?». Poursuivant sur sa lancée, Benkirane a lancé au monde des affaires, réuni à Davos, que «nous avons des intérêts complémentaires. Nous avons besoin de vos investissements et nous allons œuvrer pour les attirer chez-nous». Le chef du gouvernement a consacré, également, une partie de son intervention au dossier des islamistes intégristes, préconisant de les «intégrer dans la vie politique afin de les rendre modérés». Il n'hésite pas, en cela, à se citer, ainsi que son parti, en exemple. « Certes, il nous est arrivé, à un moment de notre histoire, d'avoir des idées arrêtées. Mais dès lors que l'Etat s'est ouvert à nous, nous avons commencé à nuancer nos positions et de les porter vers un terrain autrement plus utile, celui de la modération », a-t-il dit. La modération affichée par le chef du gouvernement est allée un peu loin, au point d'aborder, et sans retenue, la question palestinienne et les relations avec Israël. Alcool, un vrai faux débat Selon le site du très sérieux quotidien libanais As-Safir, Benkirane et le Premier ministre tunisien auraient lié l'avenir des relations de leurs pays avec Israël à «la résolution du dossier palestinien ». Un autre site israélien iba.org (en arabe, ndlr) rapporte la même information, ajoutant que Benkirane et Rached Ghanouchi, le chef du du parti Annahda, auraient confié au correspondant de Radio Israël que «c'est aux Palestiniens de déterminer la nature des relations à avoir avec Israël» et que «les mouvements islamistes agiront en conformité avec la décision des Palestiniens». Un autre appel de pied aux investisseurs pour encourager les deux balbutiantes expériences des deux gouvernements islamistes respectivement en Tunisie et au Maroc. On retiendra également de ce déplacement le vrai faux débat soulevé suite à la déclaration faite par Benkirane à Davos sur l'alcool. Il aura en fait suffi qu'il affirme qu'il est prêt à « s'attabler avec n'importe quel investisseur ou décideur, pourvu que le vin ne soit pas servi à la table où je me trouve» pour qu'une véritable levée de boucliers soit opérée, notamment sur les sites sociaux. A un moment où les vraies questions, sur le chômage, la démocratisation, la santé et l'éducation le monde rural…n'ont toujours pas de réponses. On ira loin.