Le travail est un droit constitutionnel octroyé à tous les Marocains par la collectivité. La matérialisation de ce droit est probablement le chantier le plus lourd que doivent porter les gouvernants du pays. Chaque année, et jusqu'en 2030 (source HCP), le Maroc devra créer 240 000 emplois par an pour accueillir les nouvelles générations. D'autre part, notre pays devra absorber un stock de 1,2 million de demandeurs d'emplois. Or, l'économie du royaume ne crée, au rythme actuel, que 130 000 emplois nets par an, produisant un stock supplémentaire annuel de 110 000 demandeurs d'emploi. Pour atteindre le seuil du quasi-plein emploi, avec un taux de chômage cible de l'ordre de 5% dans les 10 prochaines années, notre économie se devra de créer plus de 300 000 emplois par an, et doit donc tripler sa cadence actuelle. Si l'objectif est simple à définir, la stratégie pour l'atteindre est des plus complexes. L'emploi est souvent associé à la croissance, qui reste un concept peu maîtrisé par l'ensemble des acteurs de la société. L'équation de la croissance se décompose en une évolution naturelle assistée qui nous mène aux 5% actuels avec des potentiels d'accélération grâce à l'amélioration du climat des affaires, à un soutien plus accru au pouvoir d'achat des ménages les plus fragiles, au renforcement des filets sociaux, à l'émergence de nouveaux secteurs économiques et à la réappropriation des cycles de création de valeur.L'amélioration du climat des affaires, à travers la dématérialisation administrative et la refonte du système judiciaire pour un traitement rapide, impartial, équitable et transparent des dossiers, est de nature à améliorer les liquidités, renforcer les investissements et accélérer les échanges entre les divers acteurs économiques. Ce vaste chantier, s'il est mené à bien, est capable de libérer, selon divers économistes, environ 2 points de croissance additionnels, créant mécaniquement 60 000 emplois supplémentaires.Les revenus de chaque ménage marocain se situent autour de 5500 DH par mois. L'augmentation de ce niveau aux alentours de 7 000 DH, à travers l'amélioration des revenus les plus bas, serait à plus de 80% réinvestie dans l'économie nationale, accentuant la demande au niveau des secteurs du bâtiment, de l'agro-industrie, de la santé, de l'équipement et des loisirs. Cette mesure aurait pour impact de réduire, provisoirement, la compétitivité de ce certaines industries qui devront réinvestir pour créer plus de valeur ajoutée. Une telle mesure pourrait contribuer à la création de 30 000 emplois supplémentaires par an.Le renforcement des filets sociaux à travers une assurance chômage à revenus plafonnés et la généralisation de la couverture maladie pourrait dégager un pouvoir d'achat de l'ordre de 500 DH mensuels par ménage et générerait à travers la consommation 10 000 emplois supplémentaires par an et autant d'emplois dans le secteur de la santé. L'émergence de nouveaux secteurs économiques liés au développement durable, aux services à la personne, à l'économie culturelle, aux nouvelles technologies, à la finance et au commerce international, tout en accélérant les plans de développement des infrastructures et en repensant le modèle d'émergence industrielle, permettrait le gain d'un point supplémentaire de croissance et la création de 30 000 emplois annuels. La réappropriation des cycles de création de valeur est un enjeu majeur de tout circuit économique ouvert vers l'extérieur. Il est impensable que l'effort consenti par la collectivité pour améliorer le pouvoir d'achat se traduise par l'importation sans contrepartie des biens consommés par les ménages. Les relations économiques futures avec l'ensemble de nos partenaires devront se baser sur une réciprocité des échanges, tant quantitativement que qualitativement, à travers un arsenal de mécanismes de protections passives et de mesuresconcrètes et équitables pour équilibrer les échanges à échéance prédéterminée, y compris à travers une gestion proactive de la monnaie. L'énoncé des mesures proposées permettrait de passer à un rythme de création de 270 000 emplois annuels et demande des investissements publics de l'ordre de 40 milliards DH annuels avec un retour direct estimé à 30%, à travers l'impôt, et de 20% supplémentaires à travers l'activité supplémentaire générée ; le reste étant financé par la libéralisation partielle des produits aujourd'hui compensés, projetant le Maroc au rang des pays émergents, en créant un nouveau cycle vertueux de croissance. Des générations de Marocains de plus en plus formés et avides de contribuer à l'effort collectif, tout en se construisant un avenir, se heurtent à une économie trop faible pour les accueillir. Osons leur ouvrir les portes de l'emploi, à travers un effort massif et une refonte de notre système de pensée socioéconomique!