Un document du haut commissariat au plan passe le secteur du tourisme à la loupe. Les résultats sont surprenants : l'indice de performance du niveau de compétitivité du tourisme au Maroc établi par le Conseil mondial du tourisme fait ressortir que le Maroc est globalement en retard. Axe fort de développement économique, le tourisme est au centre des préoccupations des hauts responsables marocains. Déjà en 2001 et pour la première fois, des objectifs à atteindre ont été définis et une stratégie s'est mise en route par l'accord conclu le 30 octobre 2001 à Agadir. Cet accord a détaillé l'ensemble des opérations relatives aux plans de l'investissement, de la formation, de la promotion, de la professionnalisation des métiers, de l'amélioration de la qualité et de la régionalisation. En réalité l'ex-ministre de l'Economie et des Finances a tablé sur la multiplication par quatre le nombre des arrivées de touristes étrangers pour atteindre les 10 millions de visiteurs à l'horizon 2010. Cet optimisme justifié par le simple fait que le Maroc dispose de nombreux atouts par sa situation géographique, son climat, ses plages, sa nature, son patrimoine culturel et ses opportunités dans le tourisme rural, s'amplifie et laisse songer de la création à l'horizon 2010 de 80 000 chambres, 600000 emplois nouveaux et d'une contribution du tourisme au PIB à hauteur de 20%. Dans 22 mois, nous serons déjà à la veille de 2010 et donc sur le point de rendre des comptes. De ce fait, nous sommes en droit de nous poser la question suivante : Une telle vision qualifiée de commune permet-elle d'atteindre les objectifs fixés? Certes, le développement de l'industrie du tourisme au Maroc a exercé une série d'effets d'ordre économique et financier, tant sur le plan national que régional. Mais l'apport socio-économique est loin d'être au niveau des aspirations. D'après un rapport du Haut commissariat aux plans (HCP), la demande touristique internationale adressée au Maroc, excluant les MRE en visite temporaire dans le pays a été multipliée par neuf. Il a atteint 3 056 000 en 2005 au lieu de 370 000 entrées en 1964, soit un taux annuel moyen d'accroissement de 5.3%. Partons d'un simple effet multiplicateur ou de principes de la règle de trois, il faut tabler sur un effectif des entrées additionnel et cumulé de 6 944 000 entre 2006 et 2010. Il est clair que l'objectif de 10 millions de touristes risque d'être raté. Quant à la production locale générée directement par le secteur touristique, elle est de l'ordre de 50.66 milliards de DH en 2005. La valeur ajoutée a permis l'estimation du PIB du secteur transversal que constitue le tourisme. Il ressort du rapport des estimations effectuées que le PIB direct du tourisme est de l'ordre de 33.9 milliards soit l'équivalent de 6.2% du PIB global qui a été estimé pour l'année 2005. Après quatre ans d'exercice dans le cadre de la politique de relance du secteur touristique la représentativité du PIB de ce secteur dans le PIB national est à peine de 6.2%. Quelle baguette magique faut-il pour que cette représentativité soit de 20% en 2010 soit une hausse additionnelle de 13.8/° en l'espace de 5ans ? L'emploi direct généré par les activités touristiques, est estimé à près de 407 000 emplois dont près de 202 000 d'employés salariés. L'ex-ministre de l'Economie et des Finances a tablé sur la création de 600 000 emplois. Si en 2005 seulement 200 000 emplois salariés sont créés (200 000 sont à statut non déterminé du fait de la prédominance des activités liées à la saison), la vitesse doit passer au cycle supérieur pour aboutir à 600 000 emplois créés. Sans conteste, la politique de relance ayant coïncidé avec la vision 2010 ne passe pas sans effet positif. L'activité touristique participe à l'équilibre de la balance des paiements. Elle détient, ces dernières années, la deuxième place après les transferts des MRE voire la première place si leurs dépenses en devises au Maroc sont inclues. Mais l'indice de performance du niveau de la compétitivité du tourisme au Maroc, établi par le Conseil mondial du tourisme, fait ressortir que le Maroc est globalement en retard par rapport à la moyenne des pays pour tous les indicateurs de performance. La vision 2010 et ses limites L'offre est spécialement concentrée et peu diversifiée. L'analyse de la distribution de la capacité offerte sur l'espace touristique révèle une forte concentration. Moins de 10 villes concentrent près de 80% de la capacité totale. La forte concentration de la capacité d'hébergement sur le littoral et dans les villes impériales est aussi la conséquence de la faible diversification de l'offre touristique au Maroc. Cette faible diversification engendre naturellement une faiblesse de l'impact attendu du tourisme sur l'ensemble du territoire. Si les touristes français représentent, du fait des liens historiques, plus du quart de la clientèle, les Allemands, Scandinaves, Suisses et les Autrichiens viennent très peu au Maroc. Ces touristes «potentiels» optent pour un produit composé de la baleinière et surtout d'un passage du désert. Ce n'est ni la richesse végétale qui couvre actuellement 5 millions d'hectares dont 90% de forêts naturelles ni les sites naturels arides qui manquent. Mais c'est plutôt la stratégie de développement du tourisme rural dans le cadre de la politique de régionalisation et de désenclavement, qui fait immense défaut. Bien que plusieurs études sectorielles aient été lancées et des terrains à vocation touristique mis à la disposition des promoteurs avec la contribution de l'Etat à hauteur de 50% et ce depuis 2001, la région demeure loin du centre du management touristique car les importants déficits en matière de ressources humaines et les contraintes administratives accentuées par la faiblesse de l'indice des infrastructures, lestent la croissance du secteur touristique et constituent des facteurs limitatifs du développement touristique. C'est dans ce genre de situation que la prospective, qui permet d'explorer de nouvelles solutions, prend tout son sens. La vision 2030 fixe l'objectif de maximiser les retombées positives de la vision 2010 et inclut un changement de génération. L'enjeu est celui d'une forte maîtrise du développement touristique grâce à une meilleure connaissance de la demande segmentée par type de besoin, de la concurrence de l'offre et de la circulation des revenus. De ce fait, l'organisation mondiale du tourisme a fixé des objectifs à atteindre pour que le secteur du tourisme soit une véritable locomotive de croissance économique à l'horizon 2030. Organisation mondiale du tourisme Tendances lourdes du tourisme 1. Augmentation des richesses dans de nouveaux marchés émetteurs (Chine, Russie, Inde. 2. Transition démographique : augmentation du tourisme des personnes âgées. 3. Facilité des formalités de voyage et harmonisation des normes de contrôle et de surveillance. 4. Partenariat public- privé dans une industrie touristique transversale et multiforme. 5. Techniques de communication et d'information qui augmentent la transparence de l'offre touristique Consommateurs aux commandes grâce à Internet. 6. Terrorisme ne contrecarrant nullement les voyages 7. Amélioration des conditions de vie et envies de voyage, avec plus de tourisme influence par le désir d'apprendre, de connaître et d'ajouter un sens au vécu des hommes (produits touristiques de «divertissement, émotion, éducation»). 8. Intensification de la compétitivité entre destinations. 9. Emergence du multilatéralisme et des groupements régionaux en réponses aux défis globaux de l'environnement et de la sécurité. Avec de telles tendances lourdes, le Maroc pourra t-il disposer dans 25 ans d'un touriste de grand volume ? L'aboutissement de la vision 2030 en passant par celle de 2015 est un défi difficile à relever en l'absence de stratégies publiques et privées destinées à consolider la Zone commune des scénarios à longue période.