D'emblée, je reconnais que les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir, de même que la définition du chômeur reste très sensible aux critères retenus. La formule généralement retenue est celle du Bureau international du travail (BIT), car elle permet d'effectuer des comparaisons internationales. Ainsi au sens du BIT, la population active occupée comprend «les personnes âgées de 15 ans et plus ayant travaillé (ne serait-ce qu'une heure) au cours d'une semaine de référence, qu'elles soient salariées, à leur compte, employeurs ou aide dans l'entreprise ou l'exploitation familiale». Cette chronique ne se veut donc pas une remise en question du taux de chômage déclaré dans notre pays, encore que l'exercice en vaille la peine, tellement la méthodologie adoptée par le HCP est approximative, consistant en échantillonnage et sondage sur un spectre de ménages assez réduit (40.000 urbains et 20.000 ruraux). D'ailleurs, on l'a vu, les statistiques du ministère de l'Emploi, élaborées sur la base de fichiers de demandeurs d'emploi, contrastent avec celles du HCP établies sur des bases déclaratives. Les chiffres de cette dernière instance laissent perplexe, car il est paradoxal que le taux du chômage ne soit pas en corrélation avec l'évolution du PIB et il est surtout invraisemblable lorsque le taux du chômage est inversement proportionnel à celui du PIB. L'on comprendrait mal un taux national de chômage tendant à la baisse (9,1% en 2009 vs 9,8% en 2008), au moment où non seulement le taux du PIB enregistré en 2009 a été moindre par rapport à 2008, mais encore a été moindre le niveau des emplois créés, (127.000 en 2007 ; 133.000 emplois en 2008, contre seulement 95.000 pour 2009). Edifiant ! Les statistiques du ministère de l'Emploi, élaborées sur la base de fichiers de demandeurs d'emploi, contrastent avec celles du HCP établies sur des bases déclaratives. Le taux de chômage vaut surtout par les enseignements que l'on peut en tirer, en décortiquant particulièrement ses caractéristiques, au-delà de la controverse des taux. Et on n'insistera jamais assez pour rappeler que les statistiques, notamment sur le chômage, doivent déboucher sur un état des lieux, le vrai, pour corriger les dysfonctionnements en opérant une politique volontariste de l'emploi. Le pire c'est quand ces statistiques sont établies pour tordre ou carrément occulter la réalité, parfois amère, aux fins de dédouanement ou du satisfecit indu. Premier constat : les chiffres du HCP révèlent que le chômage ménage mieux les «sans diplômes» (5%), pour, en revanche, affecter lourdement les diplômés de niveau moyen (≥ 18%) et plus lourdement encore ceux de niveau supérieur (≥ 22%). Le deuxième constat aussi alarmant que le premier est que le chômage s'abat davantage (4 fois plus) sur les zones urbaines (≥20%) que sur les zones rurales (5%). Si le taux de chômage des sans-diplôme demeure stable dans la fourchette de 4 à 5%, en revanche celui des «diplômés», lui, ne cesse de s'alourdir pour passer de 18% en 2006 à plus de 22% en 2009 et ce n'est pas fini. Si le taux de chômage des sans-diplôme demeure stable dans la fourchette de 4 à 5%, en revanche celui des «diplômés», lui, ne cesse de s'alourdir pour passer de 18% en 2006 à plus de 22% en 2009 et ce n'est pas fini. Ce constat fait le procès de notre système éducatif dans son ensemble, un système désuet et en complète déphasage avec les compétences requises par le monde du travail ; un système qui, au lieu de former des savants et des hommes de sciences, il ne fabrique plus que des chômeurs en masse. Il y va de l'avenir de notre pays en termes de recherche et développement et de positionnement dans l'économie mondiale du savoir et du progrès technologique. Là où le bât blesse, c'est que ce piètre système d'enseignement absorbe à lui seul 6% de notre PIB et plus de 27% du budget de l'Etat (cf. Tunisie : 20% ; Algérie : 16%). Quelle dilapidation des deniers publics ? Et quel triste avenir pour nos jeunes diplômés ? L'on se souvient encore de l'échec de l'expérience du CNJA (Conseil national pour la jeunesse et l'avenir) qui a été détourné de ses objectifs. Je crains que le même sort ne soit réservé à l'ANAPEC (Agence nationale pour la promotion de l'emploi et des compétences) qui a pris la relève du défunt CNJA. Quant au taux de chômage en milieux urbains, où plus d'un jeune sur trois est sans emploi, soit 33,9% de la population, il fait, lui, le procès de l'absence d'une politique de la ville de même que l'absence de la vision globale pour engager une politique équilibrée de gestion de l'espace économico-territorial. Enfin le procès est fait à l'extraversion sans discernement d'une industrie de sous-traitance, de faible valeur ajoutée, qui crée de moins en moins d'emplois, qui se ressent le plus des crises économiques et financières importées de l'étranger, outre les siennes propres. L'autre plaie dont souffre le marché du travail dans notre pays reste le sous-emploi et le travail précaire qui touchent 20% des effectifs occupés dans les zones urbaines et 35% pour les moins de 25 ans. Ces simulacres d'emploi et ces expédients, quoiqu'ils épargnent de l'oisiveté et de l'inactivité, ne font que grossir les bancs de ce que l'on appelle les «poor workers». Le mot de la fin. La qualité de l'emploi dans notre pays répondrait-elle et dans quelle proportion à la trilogie voltairienne qui voudrait que le travail puisse «épargner de trois grands maux : le vice, le besoin et l'ennui?» .