Cesaria Evora, la diva aux pieds nus a tiré sa révérence, samedi 17 décembre, au Cap-Vert. Cette ambassadrice de la morna a connu le succès tardivement. Retour sur une carrière atypique. Le monde musical est en deuil. La diva aux pieds nus s'en est allée, laissant ses fans dans une profonde nostalgie. Cette même nostalgie qui l'a propulsée sur le devant de la scène internationale avec son titre Saudade, extrait de l'album Miss Perfumado. Le succès est arrivé tardivement alors qu'elle avait 50 ans. Pourtant, sa carrière, Cesaria l'a démarrée à 16 ans. Elle chantait dans les bars de son Cap-Vert natal. Quelques années plus tard, on lui propose de se produire à Lisbonne pour une association de son pays. Et c'est là bas qu'elle rencontre Jose Da Silva, un jeune français originaire du Cap-Vert, qui devient son producteur et la persuade de s'installer à Paris. En 1988, elle sort son premier album La diva aux pieds nus, un nom qui lui collera à la peau. Le titre de l'album fait référence à ses interventions pieds nus, en hommage aux pauvres du petit état insulaire en développement où elle est née et qu'elle évoque dans ses chansons. Plus tard, en 1991, la chanteuse décide de sortir en France un premier album entièrement acoustique, qu'elle présente au Festival d'Angoulême, puis au New Morning, la même année. Mar Azul est une véritable consécration pour Cesaria Evora, qui voit la presse française parler d'elle pour la première fois. Puis se succèdent disques et concerts où amour, saudade (nostalgie en portugais), dureté et beauté des îles, sonorités africaines et cubaines s'harmonisent comme par enchantement grâce à son style unique et envoûtant. Mais ce n'est qu'en 1992, à la sortie de la chanson Saudade qu'elle a bénéficié d'une véritable reconnaissance de son travail. Onze ans plus tard, elle reçoit un Grammy Award aux Etats-Unis et une Victoire de la Musique en France pour son album Voz d'Amor. Elle a réussi à conquérir un large public dans le monde, grâce à son style unique et envoûtant. Abus de batatinhas Malheureusement, en mars 2008, Cesaria Evora est victime d'un accident vasculaire cérébral qui la contraint de ralentir son rythme. Néanmoins, elle sort, en octobre 2009, son onzième album, Nha sentimento (Mes sentiments). «Avec Cesaria Evora disparaît l'une des voix les plus expressives et originales de la scène musicale mondiale» Francisco José Viegas. Puis, en mai 2010, la «diva aux pieds nus» est opérée à cœur ouvert six heures durant. Une alerte sérieuse qui l'oblige à annuler une vingtaine de concerts, mais ne lui fait pas arrêter la scène, sa «drogue». Selon elle, ses nouveaux soucis de santé sont dus à l'abus de batatinhas, des chips portugaises dont la consommation lui est interdite en raison de son cholestérol élevé et de son cœur fragile. «J'ai arrêté, mais je devrais en manger à nouveau pour voir si c'est vraiment ça qui m'a affaiblie», plaisantait la diva qui avait cessé de boire il y a plusieurs années mais continue d'allumer cigarette sur cigarette. Puis, le 23 septembre dernier, ce cœur fragile la pousse à renoncer à son addiction, la scène. «La vie continue, je suis venue vers vous, j'ai fait de mon mieux, j'ai eu une carrière que beaucoup aimeraient avoir», confie-t-elle alors au quotidien français Le Monde. «Un œil égrillard sur la vie » Cesaria Evora s'est éteinte le samedi 17 décembre dans un hôpital de son île natale de São Vicente, dans le Nord de l'archipel du Cap-Vert, ce«petit pays (que) j'aime beaucoup», chantait-elle. Elle a laissé le Cap-Vert et le monde entier en émoi. Au Cap-Vert, un deuil national de 48 heures a été décrété sur toute l'étendue de l'archipel, après la mort de la chanteuse. Le président de la République, Jorge Carlos Fonseca, a estimé qu'elle était «l'une des références majeures de la culture du Cap-Vert», avant d'affirmer que «cette mort attriste et désole tout le pays». «La vie continue, je suis venue vers vous, j'ai fait de mon mieux, j'ai eu une carrière que beaucoup aimeraient avoir» Cesaria Evora. Le secrétaire d'état portugais témoignera quant à lui à la presse internationale, qu'elle était une des voix les plus expressives au monde. «Avec Cesaria Evora disparaît l'une des voix les plus expressives et originales de la scène musicale mondiale», a-t-il estimé, samedi soir, avant d'exprimer ses condoléances «au nom du peuple portugais». Le chanteur français Bernard Lavilliers a déclaré au micro de la radio Europe 1 que c'était une grosse perte. «Pour moi, c'était une chanteuse qui avait le blues, avec cette voix fascinante», a- t-il raconté avec émotion. Le chanteur a partagé avec elle le titre Elle chante et estime qu'elle avait «un œil égrillard sur la vie».