Kacem Benhaddou DG d'Eaton Electric, leader dans les énergies électriques et hydrauliques, détaille, dans cet entretien, les fondamentaux du secteur électrique, son potentiel de croissance au Maroc et dans la région, avec un paramètre de taille, celui de la crise. Quels sont vos principaux clients au Maroc ? Au Maroc, nous sommes spécialisés dans le domaine électrique et nos clients sont principalement ceux du tertiaire et de l'industriel : des banques, des opérateurs télécoms, de grandes administrations, des usines… Les grands donneurs d'ordres industriels comme l'OCP, l'ONEP, etc. Le secteur phare reste le tertiaire. Nous avons beaucoup de chantiers d'hôtels, immobiliers, de zone offshore, notamment. Le Maroc reste toutefois un pays peu industrialisé. Et les particuliers ? Pas spécialement. Nous avons des produits que nous appelons «Entrée de gamme » comme les multiprises ou les petits onduleurs de protection électrique destinés aux particuliers. Cela dit, ce segment représente une part marginale dans notre activité. Le système de «retail » n'est d'ailleurs pas encore fort au Maroc. Nous avons récemment assisté à l'ouverture de la Fnac au Morroco Mall où on peut proposer quelques produits. Par contre, dans des pays comme l'Allemagne ou la France, Eaton est en mesure d'accompagner le secteur « home » des particuliers, avec des solutions spécifiques et adaptées. Quels est votre produit phare et quelle part représente-t-il dans votre activité ? Historiquement, Eaton a été créée au Maroc en 2007, après le rachat des activités de MGE de Schneider. L'onduleur reste donc notre produit vedette au Maroc. Nous sommes leader du marché des onduleurs au Maroc. Nous avons plus de 50 % de part de marché et cela nous fait plaisir de continuer à commercialiser ce produit. Concernant sa part dans l'activité, je ne peux malheureusement pas vous donner le chiffre exact. Le chiffre d'affaires de Eaton est globalement consolidé d'une manière particulière, car d'autres entités Eaton en Europe et aux Etats Unis commercialisent leurs produits au Maroc. Mais si nous prenons le « business onduleur », nous avons pratiquement multiplié par 3 notre chiffre d'affaires en 4 ans. Quels sont les canaux de distributions dont vous usez ? Pour le «business onduleurs », nous passons par les distributeurs informatiques. Nous avons des grossistes informatiques partenaires qui assurent la distribution de nos produits. Nous passons également par la distribution électrique. Nous utilisons également un troisième canal qui est celui des gros installateurs et des installateurs. Ce sont des clients que nous accompagnons dans les chantiers pour toute la partie matériels électrique et onduleurs en général. Enfin, nous faisons du direct, c'est-à-dire que nous allons directement frapper chez le client final. Comment estimez-vous la croissance du secteur ? Depuis pratiquement l'année 2000, nous maintenons une croissance à deux chiffres. Par contre, l'année 2011 est une année difficile. Il y a un ralentissement et un esprit d'attentisme. Nous nous sommes surtout battus pour garder nos parts de marché. Cela dit, il y a encore de la croissance. Le Maroc reste un pays qui n'est pas très équipé, il reste beaucoup à faire. Quels sont les objectifs de croissance d'Eaton ? Le double. Nous avons toujours cet objectif : faire le double de la croissance du marché. Nous avons également l'objectif d'accéder à d'autres secteurs et à d'autres clients, avec bien évidemment de nouvelles solutions. C'est d'ailleurs pour cela que le catalogue de Eaton est immense. Il y existe un énorme potentiel sur le marché. Quels sont les autres points forts avec lesquels vous comptez servir cet objectif ? L'équipe. C'est une question d'hommes. Les produits sont presque similaires chez tout le monde. Maintenant ce qui fait notre point fort, c'est comment nous commercialisons nos solutions, comment nous accompagnons nos clients et, enfin, le service après vente. Je pense que la qualité des recrutements et celle des équipes jouent un rôle déterminant dans la croissance d'Eaton au Maroc et dans la région. Quels sont les indicateurs sur lesquels vous vous basez pour établir les prévisions de croissance du marché ainsi que la vôtre ? D'abord les indicateurs locaux. Il s'agit essentiellement des prévisions de croissance et des projets annoncés par les ministères, mais aussi la loi de Finances 2012. Grâce à cela, nous avons une idée sur les budgets de l'Etat qui reste le plus grand donneur d'ordres dans le pays. Nous avons également des informations sur les projets suivis par quelques bureaux d'études sur beaucoup de chantiers pour le compte de grandes multinationales déjà présentes ou qui essaient de s'implanter au Maroc. Des chantiers qui représentent un gros potentiel. A partir de là, on construit les prévisions de croissance du marché et également la nôtre. Avez-vous pris en considération les impacts de la crise ? Absolument, parce que nous commençons justement à être affectés. Par contre, pour l'année 2011, nous ne pouvions pas le faire, car les prévisions de l'année suivante sont établies entre octobre et novembre. Et si on prend la fin de l'année 2010, personne n'avait parié sur le Printemps arabe ou sur la crise européenne. Maintenant, s'agissant de l'année 2012, l'Europe aura pour priorité d'aider les pays en difficulté comme la Grèce ou l'Italie, mais certainement pas d'apporter du business et d'investir au Maroc. De plus, quand on voit ce qui s'est passé en Afrique du Nord (des banques et des bourses fermées, instabilité politique, etc.), c'est un grand coup pour le business dans la région. Quels sont les pays où vous avez subi le plus grand impact ? L'Egypte, qui représentait le plus grand potentiel de la région. La Libye était au point mort, car toute l'activité liée au pétrole était en arrêt pendant des mois. Les Libyens n'achetaient plus rien. Ils n'achetaient, en contrebande, que les produits de première nécessité. La Tunisie, également, où les banques procèdent à des restrictions pour les paiements et pour faire sortir les devises. Tout cela a fortement affecté toute la manière de faire du business. Avez-vous l'ambition de compenser ces pertes en allant dans des pays ou il n'y a pas de crise ? Effectivement, nous avons cette ambition. C'est d'ailleurs le principal avantage d'être une entreprise internationale. Dans la région, l'Egypte et la Tunisie démarrent, la Côté d'Ivoire aussi. Le Nigeria s'en sort plutôt bien grâce à son pétrole. Le Gabon représente un bon potentiel, avec notamment l'organisation de la Coupe d'Afrique. Et enfin, le Maroc, le pays qui se porte le mieux dans la région.