François Truffaut et Jean Pierre Léaud ont tourné sept films ensemble, tout au long d'une collaboration qui fut l'une des plus fructueuses et des plus attachantes du cinéma français moderne. Les 400 coups fut le premier. On a souvent évoqué la relation filiale qui les liait, Truffaut dans le rôle du mentor protecteur et Léaud dans celui du miroir plus jeune. La ressemblance était bien là, pas forcément dans les traits physiques, mais dans une attitude commune, faite de traces de l'enfance, d'une sensibilité exacerbée et d'une expression proche. Truffaut est un jeune critique qui fait parler de lui dans les années 50. Son travail au sein des Cahiers du cinéma, la bande qu'il formait avec Godard, Chabrol, Rohmer, etc. et qui devint plus tard un mouvement culturel qui bouleversa bien des codes, ses courts métrages,… en avaient fait un personnage attendu dans le monde du cinéma. Les 400 coups est le film du lancement d'une carrière riche en influences. Léaud participe au casting parmi une soixantaine de jeunes adolescents et il est finalement retenu bien que plus âgé que le personnage. Pour son premier film, Truffaut puise en grande partie dans sa propre histoire pour raconter une enfance malmenée, celle d'Antoine Doinel, fils mal aimé par sa mère, comprenant qu'il n'est pas celui de son père, cancre à l'école où il s'ennuie ferme mais aimant la littérature, le cinéma, les femmes et la mer. Entre école buissonnière, virées dans les cinémas de la Place de Clichy, petits larcins, copain turbulent et mensonges à répétition, Antoine fait vite de se mettre à dos ses parents qui décident de l'envoyer en maison de correction… Filmé dans un Paris façon Robert Doisneau, Les 400 coups revêt une dimension à la fois tragique, universelle, tendre et comique. Il s'agit là, sans aucun doute, d'une œuvre qui n'est pas une simple chronique d'une enfance turbulente. De manière subtile, Truffaut invente un style qui apporte un souffle nouveau, une certaine fraîcheur au cinéma français de l'époque, qu'il critiquait si vertement. Le cinéaste se révèle, prend des libertés et livre un message fort. Antoine, malgré son jeune âge, a un passif lourd et des rêves plein la tête. Truffaut porte un regard humaniste sur le personnage et l'excuse de tout ou presque, ce qui donne au film une certaine légèreté malgré un contexte sociétal étouffant où la famille, l'école, la justice sont autant de freins pas forcément bienveillants. Truffaut souligne ainsi que face à la délinquance, l'autorité grossière n'est pas forcément la meilleure des réponses. Les 400 coups ne sont en réalité que le premier épisode des aventures d'Antoine Doinel, miroir intime de la vie du cinéaste. Il trouve en Léaud son alter ego idéal et charismatique. Le jeune acteur transperce l'écran dans cette première apparition et devint la coqueluche du Festival de Cannes où le film fut présenté et où il récolta le prix de la mise en scène en 1959. Truffaut y touche ce qui fera son cinéma : un mélange de gravité et de légèreté, un certain humour et une certaine érotisation de ses actrices. Quant aux aventures d'Antoine Doinel, biographie qui se déploiera sur trois décennies, elles reprendront dans L'amour à vingt ans, Baisers volés, Domicile conjugal et L'amour en fuite. Ce premier épisode demeurera un immense hymne à la liberté et une référence absolue en matière de film sur l'enfance.