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Ahmed Kaddour et la sérigraphie de l'inqualifiable
Publié dans Le Soir Echos le 27 - 10 - 2011

Les amateurs d'art marocains ne sont sans doute pas nombreux, hors tel avocat casablancais qui le collectionne, à avoir pu découvrir le travail de l'artiste-peintre syrien Ahmed Kaddour qui vit à Paris depuis une vingtaine d'années. Il est pourtant un cinéaste marocain, feu Mustapha Hasnaoui qui s'est intéressé de près à l'œuvre de Kaddour. Les deux compères ont concocté ensemble un petit film en hommage à l'écrivain égyptien Sonallah Ibrahim.
On pouvait lire à l'écran en dessous de la nuque et des épaules nues d'un homme placé sous une lumière menaçante des phrases de Sonallah Ibrahim exprimant le rejet ressenti face aux exactions, sur ce ton amèrement ironique propre au romancier qui avait été lui-même incarcéré. C'est en prison qu'il avait écrit : « Il y avait de la trivialité dans la beauté d'un pet lâché dans un salon bourgeois. Et puis, ne fallait-il pas un peu de laideur pour rendre celle d'actes ‘‘physiologiques'' tels que frapper à mort un individu sans défense, introduire une pompe à air dans son anus, et un fil électrique dans son urètre ? ».
Les violences commises contre ceux qui refusent d'obtempérer en ces temps de détresse que vit le pays natal d'Ahmed Kaddour ont si fortement perturbé l'artiste qu'il a choisi d'en témoigner à sa manière dans des œuvres présentées en juin et juillet derniers au Carré Saint-Lazare, là où Saint Vincent de Paul accueillait entre autres les enfants trouvés et abandonnés.
Le lieu fut une prison où ont été incarcérées Louise Michel et, plus tard, Mata Hari, avant de devenir un hôpital qui ferma en 1998.
Ahmed Kabbour a écrit un petit texte intitulé Les blessures du Carré dans lequel il rappelle l'histoire du lieu avant d'y faire surgir le tragique de l'histoire immédiate : « à Hama, la rivière est sortie de son lit charriant le corps d'Ibrahim Kachouch. Le chanteur de la révolte, torturé et la gorge tranchée ».
La sérigraphie, nous dit le dictionnaire Robert, est un procédé d'impression sur bois, verre, etc., à l'aide d'un écran (en soie à l'origine) formé de mailles dont on laisse libres celles qui correspondent à l'image à imprimer.
Enseignant la sérigraphie à Paris-Ateliers, une école d'art municipale logée au Carré Saint-Lazare dans le dixième arrondissement, Ahmed Kaddour s'est livré cet été à ce qu'il pouvait nommer à juste titre de la Syrigraphie. Les violences allant jusqu'au meurtre de civils, comment un artiste peut-il en rendre compte ? Kaddour y parvient de façon saisissante.
Dès 2003, il avait publié dans le numéro 26 de la revue Passerelles consacré à l'art contemporain arabe et où figuraient notamment des textes d'Abdelkébir Khatibi et de Jean Sénac ainsi qu'une interview du peintre algérien Abdellah Benanteur, un Traité de Syrigraphie : « La terre n'est pas un exil, elle est Sykes-Picot ou un plan de métro, plus belle qu'un massacre, moins belle qu'une patrie ».
Kaddour qui a vécu à Philadelphie se demandait : « Où commence la Syrie et où Seattle finit ? ». Ce nom de Seattle, sous la plume d'Ahmed Kaddour n'évoque pas la ville de l'automobile. – où cette industrie souffre d'ailleurs d'un grand déclin. Seattle, c'est Chef Seattle (Seathl) né vers 1786 d'une mère duwamish et d'un père suqwamish, dans ce qui est aujourd'hui la ville de Seattle, dans l'Etat de Washington.
C'est pour un petit livre signé cent trente ans après son décès par Chef Seatle : Quelques heures, quelques hivers… (éditions Alternatives, 1998) que j'ai rencontré pour la première fois Ahmed Kaddour qui illustra ce recueil de préceptes et de récits de tribus indiennes d'Amérique du Nord.
La passion de Kaddour pour l'échange, le geste, et la restitution picturale des avatars de la relation entre individus et même entre civilisations, on en trouve une explication dans le texte qu'il signait en ouverture de Quelques heures, quelques hivers… : « À l'origine, je n'étais que geste… Mais un jour, en cours de langue française à La Sorbonne, le professeur de phonétique me demanda d'imiter la voix du canard, j'ai émis un ouak-ouak et il affirma que c'était un canard syrien qu'il entendait là. Non, ai-je répondu, c'est un canard migrateur ».
Les textes amérindiens recueillis dans Quelques heures, quelques hivers… étaient parfois des contes d'hiver sur peau de bison. Malheureusement, aujourd'hui, ce ne sont pas des contes qu'illustrent les derniers travaux d'Ahmed Kaddour, les corps qu'il dessine imprimés sur voilage transparent sont des corps martyrisés, amputés, démembrés, décapités et dont le spectre en taille réelle hante à jamais leurs spectateurs impuissants. Comment affronter ce que signifient d'inqualifiables ces corps qui ne sont plus que traces du détraquement honteux qui se perpétue aujourd'hui et qui tue ?


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