Le Symposium international de sculpture, organisé cette année par l'association Art Point, a siégé du 1er au 14 octobre à Taroudant, dont la place est désormais ornée de huit œuvres emblématiques. En 2000, Ikram Kabbaj, sculptrice hors pair, organise le premier symposium de sculpture à El-Jadida, gratifiant la ville d'une jolie kyrielle de sculptures. L'initiative se poursuit dans trois autres villes du Maroc dont Fès, Essaouira et Tanger, mais s'arrête brusquement en 2004. Ce n'est qu'en 2011, voire il y a quelques mois, qu'un certain Gianpietro Moretti, Italien résidant à Taroudant et grand féru d'art, président de l'association Art Point qui œuvre à promouvoir la culture à Taroudant, décide de dépoussiérer ce projet inachevé. L'idée d'un symposium de sculpture avait germé dans l'esprit de l'entrepreneur, qui savait pertinemment que l'exécution d'un tel projet nécessitait l'expertise d'une connaisseuse. Mission : convaincre Ikram Kabbaj, désabusée par la faible mobilisation qu'elle avait récoltée lors des précédentes éditions. Pari vite gagné. Ikram, gagnée par l'enthousiasme de Moretti, décide de remettre le projet sur les rails, et invite sept artistes internationaux, rencontrés précédemment dans différents symposiums, à Taroudant. L'aventure commence. Taroudant, ville méridionale pétrie d'histoire, lovée derrière des remparts imposants datant de 1 000 ans, d'une quiétude et d'une dignité inégalables, heureuse élue d'une rencontre conviviale et prolifique, s'est mobilisée entièrement pour l'occasion. Maire, gouverneur, wali et citoyens de la ville s'en sont donnés à cœur joie, prêtant, avec enthousiasme, main forte aux artistes. Ces derniers, réunis tous les jours sur la place Bab-Lahter, centre névralgique de la ville jouxtant la province, ont façonné, taillé, coupé, modelé le marbre marocain pendant 15 jours, livrés à leur sensibilité et à leurs regards frais sur cette ville sereine, une des plus anciennes du royaume. Plongeon dans l'histoire L'Italien Francesco Mazzotta, le Grec Anthony Myrodias, le Bulgare Petre Petrov, l'Egyptien Hany Mahmoud Faisal, le Belge Patrick Crombé et la Japonaise Haruko Yamashita, le Turc Kemal Tufan ainsi que la Marocaine Ikram Kabbaj ont uni leurs talents, avec un réel plaisir, pour baigner la ville dans un univers de matière et d'esthétique, oscillant entre abstraction et figuration, entre l'ésotérique et le géométrique. Des réflexions individuelles qui se sont couronnées, vendredi dernier, par une cérémonie d'inauguration révélant les huit sculptures qui marqueront à jamais le paysage de Taroudant. Hantée par la destruction de son pays à la suite du tremblement de terre dévastateur, Haruko Yamashita a vu dans Taroudant une nouvelle genèse. Sa sculpture est un triptyque en forme de germe, mélange de terre, d'eau et de vie. L'Italien Francesco Mazzotta a sculpté un œuvre d'une beauté intrigante, un travail hybride montrant un profil de femme voilée supplantée d'une tour aux marches élégantes. Ascension ? Equilibre ? Unité ? Quoi qu'il en soit, un vrai plaisir visuel. Hany Faisal, comme à son accoutumée, a puisé dans les temps anciens, ceux des pharaons, des Romains et des premiers coptes, qui ont foulé son Egypte, et a façonné un cadran solaire, mélange de nature et d'histoire, thème récurrent dans ses travaux. Une œuvre parlante. Chez Kemal Tufan, sculptrice turque dont la galerie a participé à Marrakech Art Fair récemment, le fonctionnel a primé. Sa trottinette en disait long sur sa réflexion à dimension sociale. « Cette œuvre est destinée aux enfants et aux visiteurs du parc qui nous ont montré beaucoup d'intérêt ; elle est là pour interagir avec eux», a-t-il expliqué. Un concept probant qui met encore plus en avant la portée de l'art dans l'espace public. Promouvoir l'art public Contrairement aux autres pays arabes – dont une Egypte, une Syrie et un Liban dotés de sculpteurs laborieux et d'une scène urbaine foisonnante en sculpture –, le Maroc n'a jamais été porté sur cette expression artistique. Rares sont les sculptures qui ponctuent les grandes artères ou places des villes du royaume, ou même les maisons privées et les jardins des institutions étatiques. D'où la portée même du symposium : placer les sculptures dans un endroit public, offrant à l'œil du pur bonheur. À ce propos, Ikram Kabbaj, directrice artistique du symposium, relève : « L'essence d'un symposium est de promouvoir la sculpture, et surtout l'art public. L'art ne doit pas être enfermé dans un musée. Il doit rayonner dans un endroit public ; c'est là qu'il existe». C'est simple. L'objectif à Taroudant était de partager un ressenti et une esthétique qui, même figée dans le marbre, nous fait vibrer.