Dans sa dernière publication, le centre marocain de conjoncture revient sur le lien étroit entre qualité des institutions et croissance économique. Les temps ont changé ! Les crises récentes « ont montré que pour être au service de la croissance , les institutions en place doivent s'adapter aux changements qui induisent de facto la destruction des institutions stabilisatrices anciennes et la création d'autres plus conformes aux exigences des nouvelles donnes». C'est l'une des conclusions parlantes que l'on peut tirer de la dernière lettre mensuelle du centre marocain de conjoncture (CMC), un numéro spécial Institutions. Est-ce à dire que le cadre institutionnel en vigueur est inefficace, voire inadapté ? Les conjoncturistes pensent en effet qu'avec la nouvelle réforme constitutionnelle, le Maroc est entré dans une nouvelle ère empruntant désormais de nouvelles voies de réformes et d'amélioration de son environnement institutionnel. Cependant des défis restent à relever et «beaucoup reste à faire». Du fait que la croissance et le développement économique et social demeurent fortement tributaires de la qualité des institutions, l'échec de toute relance économique dans un contexte de sous-développement s'expliquerait principalement par la qualité de ces dernières, note-t-on, et pas seulement - comme on le laisse croire - par le retrait des agrégats économiques (investissement, consommation épargne…). Les chercheurs fondent leurs conclusions sur bon nombre d'études économiques internationales effectuées dernièrement. En effet, le FMI dans une de ces études récentes, souligne que le revenu par habitant en Afrique subsaharienne pourrait s'apprécier de 80 % si la qualité moyenne de ses institutions arrivait à s'accrocher à celle des pays asiatiques en développement. Par qualité des institutions, il est entendu, entre autres, qualité de la gouvernance et qualité de la gestion des affaires publiques, aussi bien les institutions économiques que celles politiques sont montrées du doigt. Sans oublier le cadre juridique qui régit leur fonctionnement et les règles encadrant l'exercice du pouvoir politique, à commencer par le système judiciaire qui «marque des dysfonctionnements à biens d'égards». «Désormais, l'échec de toute relance économique, dans un contexte de sous-développement, s'expliquerait principalement par la qualité des institutions». A la lenteur, trait caractéristique de l'élaboration et l'adoption des lois, viennent s'ajouter les difficultés d'accès à l'information juridique, la mauvaise gestion des affaires judiciaires et les lacunes flagrantes en termes de formation du personnel de la justice. En dépit des campagnes de sensibilisation sur le rôle de la médiation et de l'arbitrage menées tambour battant, les recherches réalisées ont montré «une nette préférence de l'approche contentieuse des litiges de la part des justiciables, comparativement à celle de la négociation». En somme, bien des lacunes sont enregistrées au niveau du droit des affaires, ce qui ne manquerait pas de détourner l'attractivité du Maroc en termes d' investissements. Les économistes soulignent également le retard trop patent du pays en matière d'éducation et de formation : « Le Maroc doit renforcer la coordination entre les politiques d'éducation, de formation et d'emploi, développer une offre d'éducation diversifiée et de qualité (…) et accompagner le développement des compétences…», recommandent les conjoncturistes du CMC. Les systèmes financier et fiscal ne sont pas en reste. Par ailleurs, la nouvelle Constitution qui consacre l'économie de marché met en valeur le rôle de la régulation économique. L'installation et la mise en avant du Conseil de la concurrence a pour objectif de rompre avec «le fonctionnement spontané» observé jusque-là. Ce qui n'est pas une sinécure : la marge de manœuvre dont dispose le Conseil de la concurrence n'est pas sans remettre en cause son statut «autonome». D'ailleurs, parmi les questions à traiter sur ce volet, figure celle de «définir les bases d'une collaboration efficace entre les autorités sectorielles, comme l'Agence nationale de réglementation des télécommunications et le Conseil de la concurrence», explique le CMC. Et le grand défi qu'aurait à affronter Abdelali Benamour, le président du Conseil de la concurrence, est, si l'on en croit le CMC, celui de la reddition des comptes.