En 2010, Warren Buffet et Bill Gates, qui figurent parmi les plus grandes fortunes au monde, ont lancé un appel aux milliardaires américains dans le cadre du Giving pledge (la promesse de donner) de faire don d'au moins 50% de leur fortune au profit d'œuvres philanthropiques. Sur les presque 400 milliardaires que compte le pays, 69 s'y sont engagés à ce jour. Moins d'un an plus tard, Warren Buffet refait parler de lui dans une tribune publiée par le New York Times, en demandant à ce que l'Etat taxe davantage les revenus supérieurs à un million de dollars annuels. Au même moment, ce sont 16 grandes fortunes françaises qui demandent la même chose. Simple saute d'humeur ou mouvement de fond ? Au-delà des chiffres, c'est de l'attitude qu'il est question ici. Aux Etats-Unis, l'une des forces du pays est la culture de la reconnaissance. La majorité de ceux qui considèrent avoir réussi dans la vie reversent une part de leurs revenus, qui à sa communauté d'origine, qui à son université, qui à une association quelconque. L'idée est de rendre à la communauté une part de ce qu'elle a fait pour eux et leur a permis d'arriver là où ils sont. Bien entendu, cela ne se substitue pas à l'absence de politique sociale. Cela participe de l'American dream en renforçant l'idée de la possibilité de s'en sortir pour le plus grand nombre. Au Maroc, il existe un large réseau d'entraide spontané, mais force est de constater que les revenus du Fisc ne sont pas au niveau auquel ils devraient être. Payer ses impôts – même en optimisant – est un acte social fondamental. C'est de cet argent que proviennent les financements des infrastructures. Réfuter cela au titre que l'argent collecté serait mal utilisé est une fuite facile. Les instruments à disposition de tous les citoyens leur permettent de mesurer l'usage des deniers publics et de dénoncer les abus éventuels. Refuser de livrer bataille sous prétexte que les enjeux ne le valent pas est indigne. Pour y remédier, il faut croire en une autre donnée fondamentale : l'intérêt général.