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Nezha Rahil : le cinéma sans concessions
Publié dans Le Soir Echos le 19 - 08 - 2011

Dans un paysage cinématographique fluctuant, Nezha Rahil continue de glaner des rôles «selects» et bien réfléchis. Actrice fétiche de son mari Faouzi Bensaidi, elle est à l'affiche de son nouveau film «Mort à vendre», et y campe un petit rôle qui vient s'ajouter à ses prestigieux galons de comédienne.
Sereine, douce et sans fard, aux antipodes du cliché des actrices déjantées et extravagantes, Nezha Rahil respire la simplicité. Exigeante et opiniâtre, elle est également discrète et se complaît dans son statut d'actrice fondue dans la masse. «Je vis dans ma bulle et on ne me voit pas beaucoup, je suis très bien dans l'ombre et pas du tout à l'aise dans les mondanités». Elle se revendique casablancaise mais navigue entre les excentricités contraignantes de sa ville natale et l'anonymat revigorant de la bulle parisienne. Résidente entre ces deux villes et se disant «urbaine et libre», maman de deux garçons, elle enseigne des cours de théâtre dans des écoles primaires à Paris tout en guettant les rôles qui titilleraient ses envies professionnelles.
Insurgée contre le «fast-food à la marocaine» et désabusée face au laxisme ambiant, elle est foncièrement tournée vers le cinéma sérieux versus racoleur, et refuse de tomber dans la platitude cinématographique, voire télévisée. «Je ne joue pas pour la télévision, je ne fais que du cinéma, je suis protégée de la médiocrité régnante dont nous sommes tous responsables d'ailleurs. C'est nous artistes qui avons formé l'audience et le public n'est qu'habitué qu'à ce qu'on lui montre», déplore-t-elle. Elle défend avec ferveur le cinéma civilisé et s'érige en porte-voix d'un Maroc bien pensant. «Le métier n'est pas valorisé, n'importe qui peut jouer, c'est tellement arbitraire et amateur. Le Maroc est un des pays les plus faciles au monde, tout le monde peut faire acteur ou journaliste, ou autre. Nous sommes un pays qui fonctionne sur l'affectif».
Dans son approche professionnelle, beaucoup lui reprochent sa proximité avec son mari-réalisateur, maillon éminent de la chaîne des cinéastes marocains, qui en a fait son actrice fétiche. En effet, le couple jouit d'une complicité sans doute jalousée, et collabore étroitement depuis belle lurette. «Je connais Faouzi depuis 20 ans, du temps de l'école de théâtre de Rabat, et j'ai joué dans tous ses courts et longs métrages. Je suis un peu sa conseillère artistique et je donne souvent mon avis sur ses projets. D'ailleurs j'ai toujours aimé accompagner un projet artistique, au-delà de mon rôle de comédienne».
Diplômée de l'Isadac de Rabat, puis du Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, elle est également brillante en dessin. Partagée entre le stylisme et la vocation de comédienne, elle avait finalement opté pour cette dernière. Nezha a débuté avec un rôle de call-girl vivant à Tanger dans un film de Jilali Farhati. Elle a enchaîné avec «Adieu forain» de Daoud Aoulad Syad, endossant le rôle d'une campagnarde qu'elle campera aussi en 2003 dans le premier film de Faouzi Bensaidi, «Mille mois». En 2006, elle joue le rôle qui lui ressemble le plus, Kenza l'agent de circulation ou la Casablancaise qui tombe amoureuse (par téléphone) d'un mystérieux tueur à gages (son talentueux de mari) ensorcelé par le son de sa voix. Elle y livre une interprétation sans fioritures et réussit à se fondre dans ce film ambigu et irascible. «C'est un rôle fait sur mesure mais c'est aussi celui qui a demandé le plus de travail», dit-elle.
Nezha ne verse pas dans la surenchère, et aborde son métier avec un savant dosage de justesse et de conviction. En 2009, elle tourne «Number one» de Zakia Tahiri, film sociétal grand public sans grandes ambitions esthétiques, dans lequel elle rentre dans la peau d'une femme au foyer qui se venge d'un mari dur et indifférent, y insufflant une agréable pointe de sensibilité. En 2004, Nezha suivit une nouvelle formation à Paris, celle de l'exploitation des salles de cinéma, suite à laquelle elle collabora pendant huit mois à la direction de la salle de la cinémathèque de Tanger, projet dirigé par la photographe Yto Berrada. Aujourd'hui, elle est dans «Mort à vendre» de Faouzi Bensaidi, qui sera en avant-première au Festival de Toronto en septembre.
Devant et derrière les projecteurs, Nezha Rahil ne se prête pas au jeu des starlettes pailletées et ne force pas les portes récalcitrantes de la gloire. Dans la vie, nous la casterions bien pour le rôle d'une volontaire, mi-muse mi-maman, délicieusement nature et avenante.


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