La mixture, trop hybride, du dialecte, de l'arabe classique et du français, impacte aujourd'hui négativement le niveau de l'enseignement dans notre pays. Dans son excellent essai Drame linguistique marocain (Editions Le Fennec, 2011), notre grand penseur et écrivain, Fouad Laroui, traite de la problématique linguistique au Maroc et de ses répercussions sur plusieurs secteurs de développement du pays. L'auteur, après avoir conclu son livre, le termine par un grand appendice de 34 pages…intitulé : «La malédiction de l'écrivain marocain»…On comprend parfaitement ce cri du cœur. Personnellement, je ne suis pas écrivain, encore moins un homme de lettres, mais en tant qu'universitaire travaillant dans le domaine des sciences, si j'avais à écrire un livre pareil je l'intitulerais « La malédiction des scientifiques marocains ». Dans cet ouvrage, qui est en réalité un énorme travail de recherche linguistique et sociologique très technique, l'auteur parle de la diglossie invisible, mélange d'arabe classique (littéraire) et du dialecte (la darija) qui est très utilisée au Maroc et dans les autres pays arabes. Un mélange qui pose beaucoup de problèmes et que personne ne veut reconnaître. Fouad Laroui compare ce problème à un éléphant qui, dans la chambre, est très encombrant, mais que personne ne veut voir, par rapport à la citation anglaise « the elephant in the room ». Non seulement je suis d'accord avec lui, mais je vais rajouter dans la chambre, où il y a l'éléphant très dérangeant mais que personne ne veut voir, un corps d'une fille malade, corps agonisant et qui demande à être soigné (corps du système éducatif marocain), et au lieu de chercher à le guérir, tout le monde s'attelle à le maquiller, à l'embellir (habillage, manucure, pédicure…). On arrive même à le sortir de la chambre en se faufilant entre les pieds de l'éléphant, pour le présenter dans des salons internationaux, dans des séminaires et des congrès de toutes sortes pour tenter de vendre ses charmes. Le problème, c'est que toutes ces opérations de maquillage et de faux marketing coûtent très cher et tout le monde sait d'avance que ça ne va mener nulle part. Le plus grave dans cette histoire c'est que l'élite du pays participe dans cette comédie et ne voit ni l'éléphant ni la maladie du corps de la jeune fille qui est dans la chambre et qu'ils sont en train de maquiller, au lieu de chercher à la guérir. Fouad Laroui, parle aussi dans son livre, de l'influence du problème linguistique sur la baisse du niveau scientifique des élèves des lycées marocains, en citant des enquêtes publiées dans la presse. En réalité dans l'enseignement public marocain on doit plutôt parler de « triglossie » : mélange de dialecte (darija), d'un peu d'arabe classique et d'un peu de français. Exemple : expression suivante dans un cours de mathématiques (Iks alkabir nakis Iks assaghir au carré tend vers l'infini) ; pour exprimer l'équation : X – x² tend vers l'infini. Ce genre d'expressions, on peut l'entendre même dans des cours scientifiques diffusés par la chaîne Arrabia (4e chaîne marocaine). Cette triglossie est en train de menacer même l'enseignement scientifique universitaire. Ce problème linguistique est pour beaucoup dans la chute du niveau des élèves et des étudiants en sciences. Mais attention, le problème linguistique n'est pas LA SEULE cause des défaillances de cet enseignement. En effet, cet enseignement souffrait et souffre toujours de l'insuffisance ou de l'absence de moyens logistiques, de manipulations et de travaux pratiques. Donc, le problème linguistique même s'il n'est pas le seul incriminé, il reste un facteur aggravant. Cette précision étant faite, revenons à notre éléphant. Pourquoi le problème linguistique peut-il avoir des répercussions sur la qualité de l'enseignement scientifique ? A mon humble avis, l'explication est très simple : quand un enseignant doit expliquer un phénomène scientifique qui peut être complexe ou même très complexe, et n'ayant pas les outils linguistiques pour bien le faire, cet enseignant va avoir tendance à simplifier le phénomène. De plus, voyant que les élèves ou les étudiants ne comprennent rien, l'enseignant va encore simplifier et ainsi de suite… on imagine donc facilement les conséquences… Le plus grave dans cette histoire, c'est que cette chute de niveau, avec le temps, va toucher également les enseignants eux-mêmes…Et pas seulement au niveau scientifique mais également au niveau linguistique. Si nous continuons ainsi on ne maîtrisera ni l'arabe classique, ni le français, ni les sciences et technologies. J'arrive donc à la question fatidique : comment allons- nous faire pour stopper cette hécatombe ? Notre écrivain Fouad Laroui a donné quelques propositions dans la conclusion de son livre. A mon tour, je vais essayer d'esquisser quelques solutions possibles, mais uniquement pour l'enseignement des sciences et des technologies. Une mise au point absolument importante s'impose avant de continuer. Ce qui est incriminé dans la chute de niveau de notre enseignement primaire et secondaire ce n'est pas la langue arabe, mais c'est cette mixture entre le dialecte, l'arabe classique et le français (l'éléphant de Fouad Laroui). La langue arabe quand elle est maîtrisée et bien utilisée est un excellent outil de communication et de développement dans tous les secteurs. Quand on suit les documentaires diffusés par la chaîne satellitaire : « National Geographic » arabisée, on constate aussi que l'arabe classique peut être un excellent outil d'enseignement des sciences et technologies. Autre précision importante, la diversité linguistique n'est pas forcément synonyme de sous-développement scientifique ou technologique d'un pays ou d'une région. Je vais donner quelques exemples appuyant cette thèse. En France par exemple, il y a des régions qui ont leur langue parlée ou dialectes, qui n'ont rien à voir avec la langue française, le cas le plus parlant est celui de l'Alsace. Les Alsaciens tiennent beaucoup à leur langue, l'alsacien, qui est très parlé dans les familles et dans la vie courante, langue plus proche de l'allemand que de la langue française, et pourtant cette région est très développée scientifiquement et technologiquement. Ses laboratoires de recherche scientifique sont très réputés dans le monde, et l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, qui a son prix Nobel, abrite un nombre important de laboratoires et d'instituts dans tous les domaines des technologies nouvelles. Autre exemple très parlant, celui de la Belgique : ce petit pays européen est constitué de plusieurs communautés linguistiques. Chaque communauté tient à sa langue et l'utilise pour dispenser tout son enseignement, et pourtant toutes les communautés ont des universités et des laboratoires de recherche qui fonctionnent très bien et qui produisent ; leurs étudiants ont un niveau scientifique très élevé et sont demandés dans le monde entier…Moralité de ces histoires, notre problème à nous est loin d'être uniquement linguistique. Actuellement dans le monde, ce qui compte le plus, c'est la productivité économique et le développement industriel et technologique, peu importe comment on le fait ni avec quelle langue on le fait. Un enseignement de qualité est absolument nécessaire pour atteindre ces objectifs. Dans les activités scientifiques et technologiques, ce qui compte le plus ce sont les compétences et les réalisations. On peut pratiquer à la perfection toutes les langues du monde…si on a rien d'intéressant à dire, personne ne s'occupera de ce qu'on raconte. Par contre une personne qui produit et qui arrive à faire des réalisations importantes, tout le monde s'intéressera à ce qu'elle fait et tout le monde cherchera à la comprendre, même si cette personne est MUETTE !… Dans l'enseignement scientifique la langue n'est en définitive qu'un outil. Donc, en attendant de pouvoir bien maîtriser et de pouvoir utiliser parfaitement l'arabe classique pour arabiser tout notre enseignement du primaire jusqu'au supérieur,… et pour éviter l'usage dangereux de cette MIXTURE qu'on utilise actuellement, je propose qu'on revienne à l'usage de la langue française dans l'enseignement des sciences dans les classes primaires et secondaires. Non seulement on doit le faire, mais on doit le faire rapidement tant qu'on a encore une administration et des enseignants capables de le faire correctement. Je remercie Monsieur HAMDAOUI d'avoir lancé le débat via son article et je regrette que les lecteurs ne réagissent pas. La formation est une question centrale dans le développement de notre pays. Il nous faut un enseignement massive et de qualité. Il est urgent qu'on reviennent au moins vers le modèle des années 70. Il vaut mieux avoir contre soi un gauciste qu'un barbu irrationnel ( voir malheureusement le cas d'Oslo). Soyons constructif; une proposition: au primaire, au collège et au lycée de l'arabe, du berbère, du français et de l'anglais obligatoire ( préparer nos enfants à la recherche)réintroduire de la philo, maintenir Attarbia al Islamia mais ajouter un chapitre en histoire sur le rôle des ZAOUIA et la pensée mystique dans l'ISLAM et le maghreb. Notre histoire musulmane marocaine est riche d'érudis ouverts et tolérants. Nous n'avons rien avoir avec le salafisme ni le chiisme et ni abou attaymia. Et en fin on peut remédier à la faiblesse du corps enseignant par le E-LEARNING. Puis une mise en place d'une politique solide de recherche. Concernant l'université il suffit de veiller à ce que chaque enseignant fasse son plan de charge (un ami chercheur enseignant au Maroc de passage en France m'a assuré que 80% des enseignants de son université ne font pas leur plan de chrge (c a d ne font pas leurs heures pour lesquelles ils sont payées )il est attristé et parfois il pense revenir en France à son ancien poste. Pour la recherche les laboratoires qui produisent son peu nombreux (sauf qulques exceptions à Rabat, Casa et Marrakech…) Désolé pour les petites erreurs d'orthographe qui se sont glissées. Arabiser tout l'enseignement c'est la ruine du pays (toute la recherche se fait en anglais dans le monde entier). Revenir aux années 70 ( l'histoire et la géographie, la philo et la pensée islamique en arabe et tout le reste en français plus un bon niveau en anglais et l'espagnol) Voilà le modèle qui a donné une élite qui gère les affaire économiques et de l'état ( ils ont actuellement entre 48ans et 56 ans). Depuis que Azzedine IRAQUI a arabisé le niveau a baissé et les barbu ont progressé (plus de philo c'est normal).