Suite à la vague d'arabisation qui a fouetté le pays, les défenseurs de la langue amazighe se comptent à la pelle. Ils profitent du vent de réformes pour défendre leur amazighité et espèrent qu'elle sera désignée comme seconde langue officielle dans la nouvelle Constitution. Lorsqu'une réforme est annoncée, l'idée trotte dans toutes les têtes : c'est le moment de faire entendre sa voix. Parmi celles qui s'élèvent depuis l'annonce, le 9 mars, de la réforme constitutionnelle, figure celle des défenseurs de la langue, de la culture et de l'identité amazighe. Jeudi dernier à Rabat, la température des débats est montée d'un cran lors d'une conférence-débat organisée à l'occasion des « Jeudis de MSI (Management systems international) » à la bibliothèque nationale (BNRM). 28 % d'amazighophones Au coeur des discussions animées par le militant serein et parfaitement trilingue, Ahmed Aassid, membre fondateur du mouvement amazighe des droits et des libertés, figurait le thème des « langues et identité de la nouvelle Constitution ». « Nous voulons que ce qui a été dit en 2001 soit mis en pratique », lance-t-il à une salle absorbée par ses paroles. Par 2001, il sous-entend le discours royal d'octobre de cette année, au cours duquel le roi avait évoqué la nécessité de promouvoir l'amazighe dans l'espace socio-culturel, éducatif et médiatique. Les faits qui ont suivi son discours ont causé une grande déception chez les amazighophones, qui estiment que malgré les efforts fournis, les résultats restent mitigés. La diversité de la population marocaine continue selon eux d'être étouffée, l'Etat ayant voulu, au lendemain de l'indépendance, uniformiser pour unifier (cf trois questions). Or, « la reconnaissance de la diversité est ce qui renforce l'unité d'un pays » défend Ahmed Aassid. En somme, malgré le discours, la protection de l'amazighité ne peut être garantie sans une protection juridique. A titre d'exemple, les prénoms amazighes ne sont pas encore tolérés, ce qui pousse certains à parler de « discrimination ». Plusieurs intervenants présents à la rencontre de jeudi dernier, ont souligné leur désir de voir l'amazighe visible dans les tribunaux, les hôpitaux et l'ensemble des lieux publics. « Même aux Pays-Bas, les Marocains originaires du Rif peuvent parler leur langue pour se défendre dans les tribunaux. Un interprète est là pour traduire leur défense », souligne un des participants. Mais l'une des revendications phares des défenseurs de l'amazighité, et la meilleure preuve de sa reconnaissance, est que la langue amazighe soit élevée au rang de langue officielle, au côté de la langue arabe. Ils comptent sur la nouvelle Constitution pour lui accorder ce statut. Au Maroc, 28 % de la population parle uniquement en amazighe. « Si on y ajoute toutes les familles dans les grandes villes qui sont amazighophones et qui maîtrisent également d'autres langues, on peut dire qu'ils représentent plus de 50 % de la population », lance Ahmed Aassid. Et ce, après cinquante ans d'arabisation ! Une langue enracinée, qui refuse de se laisser ignorée. En quoi l'amazighité est-elle dévalorisée ? L'amazighe comme langue, identité et culture, a toujours été dévalorisée à cause de la politique publique qui néglige la diversité et ne reconnaît pas le pluralisme. Depuis l'indépendance, le Maroc a adopté le modèle jacobin de l'Etat-Nation centralisateur. Le résultat a été l'exclusion de la diversité. La politique officielle a imposé une seule langue, une seule culture, une seule identité, ce qui a sacrifié l'amazighité du Maroc. Ce qui vous pousse même à parler de « discrimination »… Bien sûr. C'est une discrimination dans les tribunaux, dans l'administration, à la télévision… Il était interdit de produire des émissions télévisées en amazighe jusqu'à novembre 2006 ! Les émissions pouvaient aborder le thème de l'amazighité, mais en utilisant des langues comme l'arabe ou le français. L'amazighe n'a été introduite dans l'école publique qu'en 2003. Avec l'officialisation actuelle de l'amazighe, le problème va, je l'espère, être résolu. Qu'attendez-vous de la réforme constitutionnelle ? On espère une reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle à l'instar de l'arabe, et une officialisation de l'identité amazighe. Ceci va permettre de reconstituer le concept de nationalisme marocain. Avant, on définissait le nationalisme marocain comme étant l'identité arabo-islamique. Avec la reconnaissance de l'identité et de la langue amazighes, on va retrouver notre identité globale et réaliser une réconciliation nationale.