Nouveauté de la troisième édition du Women's Tribune, qui a fermé ses portes ce dimanche à Essaouira, la dernière table-ronde sur le lien entre les femmes et la religion, a suscité beaucoup d'intérêt, du côté des invités comme dans la salle. Impossible de parler religion sans évoquer les textes sacrés qui la portent et leurs nombreuses interprétations. D'emblée, dans ce genre de débats, une inégalité frappe : en matière d'exégèse, les femmes n'ont qu'une place réduite. Une réalité qui contraste avec la place que s'arrache petit à petit la femme dans plusieurs domaines. Pourquoi continue-t-elle à rester sur le bas côté de la religion, et comment peut-elle se faire une place là où l'homme est omniprésent ? En clôture de la troisième édition du Women's Tribune, qui s'est tenue le week-end dernier à Essaouira, ces questions ont agité la salle. Bariza Khiari, sénatrice française d'origine algérienne, met d'entrée le feu aux poudres, pointant du doigt le coupable masculin. Le mâle ferait du mal. « Cela fait 2 000 ans que les hommes ont le monopole du sacerdoce religieux. Et l'évaluation est nulle ! Et s'il était temps que la femme commence à s'en occuper? », lance-t-elle d'un ton provocateur. Pourtant, comme le rappelle Asma Afsaruddin, professeur spécialiste de l'islam à l'université américaine de John Hopkins, les femmes n'ont pas toujours été exclues de la chose religieuse. « Aïcha (femme du prophète) a eu l'occasion d'interpréter les textes, et beaucoup d'autres femmes se sont également essayées à l'interprétation. Les femmes ont toujours été actives dans la transmission des hadiths ». Mais leurs voix n'ont pas trouvé d'échos, restant « marginalisées dans des sociétés de plus en plus patriarcales ». L'heure serait donc venue pour les femmes de se réapproprier la place qu'elles s'étaient jadis arrogées. Par ailleurs, la plupart des intervenants ont souligné la nécessité de flexibiliser l'interprétation des textes. Or souvent, c'est à ce niveau que le bât blesse. Les partisans de l'adaptation des textes au contexte, sont confrontés aux bornés du sacré. Pour ces derniers, réinterpréter revient à remettre en cause un texte intouchable. Adil Hajji, écrivain marocain, explicite ces deux visions des choses. « Deux camps s'opposent. Ceux pour qui l'interprétation est infinie et ne peut jamais être close, et ceux qui prônent une interprétation littéraliste. Ils occultent les différents niveaux du texte religieux, et se rabattent vers le sens le plus pauvre et le plus prosaïque du texte ». Or, cette seconde vision des choses serait contradictoire, puisque « le spirituel est dans la déprise, il ne faut pas vouloir prendre prise sur lui ». D'autres vont beaucoup plus loin, comme Zineb Rhazoui, militante féministe marocaine, qui emprunte le chemin de l'abolitionnisme. Citant l'un des versets du Coran, elle témoignera du fait que « certains passages sont ce qu'ils sont. On aura beau les tourner dans tous les sens, les faire interpréter par des femmes ou par des hommes, leur sens est clair ». Sans vouloir se lancer dans de la provocation gratuite, Zineb Rhazoui veut surtout en venir à une issue claire : Séparer radicalement le religieux du politique. Au fil de la discussion, d'autres intervenants la rejoindront sur cette nécessité. Le mot brûle toutes les lèvres : « Laïcité ». Citant le cas de son pays, l'avocate syrienne Hind Kabawat, de confession chrétienne, encourage la voie laïque. « Nous sommes un peuple mosaïque, extrêmement cosmopolite. A Damas, je vis dans un quartier où toutes les religions sont représentées ». Mêlant cette idée au thème central de la rencontre souirie, Hind Kabawat définira la citoyenneté comme le fait « d'accepter toutes les personnes qui nous entourent, quelles que soient leurs confessions ». Mais une telle solution serait elle possible au Maroc ? Pour l'instant, la laïcité n'a pas la majorité.