Qui dit intoxication, pense nécessairement à un aliment avarié, avalé par inadvertance. Pourtant, de plus en plus d'intoxications sont le fruit de l'ingurgitation de pesticides par la victime. Ingurgitation pas toujours accidentelle. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les pesticides ne sont pas la chasse gardée du monde agricole. Il y en a partout, même au sein de nos foyers. Réunis mercredi dernier à Rabat au Centre antipoison, de nombreux professionnels de la Santé, confirmés et débutants, ont participé au 2e Colloque scientifique sur les pesticides et la santé. Une rencontre qui s'explique par l'état des lieux des intoxications par pesticides au Maroc, dont l'étendue est « loin d'être négligeable », comme le souligne Rachida Soulaymani-Bencheikh, directrice du Centre antipoison. Le Dr Mouncef Idrissi, médecin spécialiste en médecine du travail et toxicologie et responsable du Laboratoire de toxicologie et pharmacologie dudit centre, dessine les contours de cette situation alarmante. Ainsi, entre 1989 et 2009, le centre a enregistré près de 12.000 cas d'intoxications aiguës par pesticides. «L'âge moyen des personnes intoxiquées est de 21 ans, donc de jeunes adultes, les femmes étant plus sujettes à ce type d'intoxications». Autre particularité révélée par les résultats, le fait que les victimes vivent dans le milieu urbain et non rural, bien que les produits utilisés soient agricoles pour la plupart. Femmes suicidaires Si certaines sont accidentelles, la plupart des intoxications par pesticides répertoriées ont été motivées par un souhait de se donner la mort. En effet, parmi les intoxications enregistrées par le Centre antipoison en l'espace de 20 ans, 54% étaient dues à une exposition suicidaire. Substances chimiques et toxiques absorbées «par voie orale, et au sein même du domicile des victimes». «En tête des symptômes figure les douleurs gastro-intestinales», souligne Tarek Dendane, du service de réanimation médicale au CHU de Rabat, ajoutant qu'il ne faut pas pour autant privilégier le lavage gastrique. Il ne constitue pas un remède miracle, et peut dans certains cas aggraver l'état de la victime. Tout dépend donc du patient, et du type de pesticides ayant causé l'intoxication. En tête des pesticides qui causent le plus de dégâts, on trouve le phosphure d'aluminium, «utilisé à la base pour protéger les graines contre l'invasion de rongeurs», comme le souligne Sanae Achour, du CHU de Fès. Si le Maroc a ratifié la plupart des conventions qui réduisent l'usage de pesticides dangereux, d'aucuns rappellent «la nécessité de signer et pas uniquement de ratifier ces conventions». Parmi eux, Naïma Rhalem, présidente de la Société marocaine de toxicologie clinique et analytique. Au Maroc, l'intoxication aiguë par pesticides occupe la quatrième position après les aliments, les médicaments et les produits gazeux.