L'instauration d'une réglementation du traitement des huiles usagées permettra à la filière de s'organiser et fixera les modalités de l'intervention de l'Etat. Sur les 80.000 à 100.000 tonnes d'huiles usagées produites durant l'année 2010, et qui viennent s'ajouter annuellement aux reliquats non évalués des années précédentes, seules 617 tonnes ont emprunté le circuit formel, soit un peu moins de 1%. En parallèle, «il y a une quantité de 56.000 tonnes d'huiles usagées pour laquelle nous ne disposons d'aucune statistique et qui alimentent principalement le secteur informel», affirme Mehdi Daoudi, consultant expert. Le temps et le vide législatif et réglementaire ainsi qu'une capacité de traitement équivalant au dixième des quantités rejetées annuellement ont favorisé la propagation de l'informel dans cette niche. Le néant juridique perdure Quel est donc la situation sur le plan législatif ? «Un décret relatif à la collecte, au stockage et au traitement des huiles usagées est fin prêt pour adoption dans les semaines qui viennent », promet Abdelmajid Hatimi, chef de la division de la réglementation technique et de la prévention des risques au département d'Etat à l'énergie et aux mines. Il a dans ce sens exposé les grandes lignes du décret 2-09-85 : une ingénierie logistique conforme aux standards en vigueur et aux recommandations internationales, des autorisations formelles d'une durée de 5 ans ainsi qu'un référentiel technique qui place d'emblée la barre très haut pour les opérateurs marocains désirant s'activer dans cette niche. Grand perdant dans ce scénario : l'environnement. Et pour cause, 1 litre d'huile usagée peut contaminer 1.000 m3 d'eau. D'autres facteurs jouent un rôle significatif dans cette avancée au ralenti des aspects législatifs et réglementaires qui tardent à voir le jour. En effet, le secteur informel rémunère la collecte des huiles usagées. «Le prix moyen de la tonne se situe à 1.500 DH», précise Azeddine Berrada, gérant d'une station-service. De plus, ces collecteurs informels sont moins procéduraux, et pallient à l'insuffisance de capacité actuelle (la seule unité de traitement dans les normes ne dispose que d'une capacité de 10.000 tonnes en combinant déchets solides et liquides). De l'autre côté, une initiative PPP collecte gratuitement les huiles usagées en vue de leur traitement avec le risque d'une «reverse logistic» qui fait fuir un grand nombre de stations-service. Résultat, en 6 ans, le concept, même s'il constitue une tendance entrepreneuriale, s'essouffle. Pour preuve, le nombre de stations-service adhérentes de cette démarche a baissé à 50 en 2010 contre 61 adhésions un an plus tôt. Pas de carotte, pas d'adhésion Raisons évoquées : l'absence d'éco-compensations ainsi qu'une baisse des recettes des stations-service, face «à la concurrence des petits garages qui prestent ce service depuis qu'une circulaire communale est venue compliquer davantage la situation», assène un gérant de station-service. Pas assez pour ne pas adhérer à cette initiative. Des questions de fond subsistent donc. Pour Eric Gosse, le patron de Total Maroc qui compte le plus de stations-service adhérant à la solution Ecoval : «Large concertation est le mot pour avancer dans ce dossier». Pour convaincre les plus réticents (surtout les gérants des stations-service qui perdent au change), il est utile de rappeler à notre souvenir les dégâts que peuvent causer de tels déchets. Il suffit de se remémorer la catastrophe du pétrolier Erika : l'écosystème sur des dizaines de kilomètres de côtes françaises a subi des dommages irréversibles. Dans ce sens, l'imminent décret du ministère de tutelle devrait faire avancer significativement les choses. Toutefois, face à un secteur privé qui peine à dépasser 1% du volume total déversé annuellement, l'Etat doit dimensionner clairement sa contribution effective sur le terrain.