La constitution de la personnalité de l'enfant se faisait naguère à travers la contribution d'une famille élargie abritée sous le même toit occupé en permanence par la gent féminine qui portait à bout de bras la lourde charge de transmission entre les générations, relayée en cela par les «fqihs» des «msids» ou «kouttab» qui continuent de dispenser, avec verve et talent, les rudiments du culte musulman. Aujourd'hui, la cellule familiale se réduit à sa plus simple expression parents/enfants qui, elle-même, se décompose de plus en plus en familles monoparentales pour éventuellement se recomposer par ailleurs. Plus de la moitié des mamans occupent aujourd'hui un emploi à plein temps pour contribuer aux ressources financières du foyer. En France, une étude récente fait apparaître que les enfants préscolarisés arrivent au CP avec plus de 500 mots d'avance sur les autres quand ils ne savent pas d'ores et déjà lire, compter et ont acquis une grande partie de la motricité fine nécessaire à l'écriture. Les enfants préscolarisés se concentrent plus facilement, comprennent les règles de vie en commun et ont déjà acquis un rythme scolaire quand les autres découvrent un nouveau monde avec toute la capacité d'adaptation nécessaire, élargissant dès les premières heures de cours le fossé social entre les enfants «bien nés» et les autres. Diverses études menées au Québec ont démontré que le retour sur investissement des frais employés pour préscolariser un enfant est de 7 à 17 dollars canadiens récoltés par la société pour un dollar investi. Au Maroc, le taux de préscolarisation s'élève, selon le ministère de l'Education nationale, à 60% ; préscolarisation encadrée par la loi 05.00 et les décrets, arrêtés et circulaires s'y référant. 80% des enfants préscolarisés fréquentent une école coranique qui, au-delà d'une culture musulmane de grande qualité, offre aux enfants des possibilités d'acquisition d'un vocabulaire riche, d'une motricité fine et d'un certain sens de la discipline. Cet enseignement est dispensé selon des méthodes qui restent toutefois très traditionnelles et dans un cadre qui laisse peu d'espace à la créativité et à l'éveil des enfants. Dans un monde où la connaissance est accessible en un clic à tous, les adultes de demain ont plus besoin de développer des capacités d'adaptation et de communication que d'aiguiser leur mémoire. Les enfants préscolarisés, ont besoin, au-delà des acquisitions de langage classiques, d'identifier des limites et d'apprendre à évoluer et à vivre ensemble à l'intérieur de celles-ci. Ainsi, l'adulte en devenir saura communiquer, écouter, identifier les problématiques qui l'entourent pour tracer son propre parcours car contrairement à ce que nous avons connu par le passé, plus de 80 % des postes à pourvoir en 2030 n'existent pas encore à ce jour. Nos enfants auront besoin de se réinventer en permanence pour pouvoir répondre aux besoins d'une société qui se transforme de plus en plus rapidement. Nous sommes les héritiers d'une société qui a, depuis toujours, scolarisé ses enfants à un âge précoce. Nous pourrions aujourd'hui exiger une préscolarisation obligatoire dès 3 ans tout en adaptant les infrastructures, les méthodes et les connaissances à transmettre aux besoins et aux attentes de la société d'aujourd'hui. L'évolution de notre pyramide des âges nous en offre l'opportunité sans avoir à engager des investissements d'exploitation colossaux car nous avons naturellement de moins en moins d'enfants en âge d'entrer au primaire et pourrions donc réaffecter de plus en plus de ressources à une scolarisation plus précoce. Les vertus de la préscolarisation ont été scientifiquement prouvées à maintes reprises et 50 % de nos enfants fréquentent régulièrement une école coranique. Au-delà des principes religieux et des vertus de la mémorisation, nous leur offririons des capacités de socialisation, de création et de raisonnement selon des méthodes d'apprentissage mises à jour qui leur permettraient non seulement d'entamer le cycle primaire avec plus d'aisance mais aussi de préparer de futurs patriotes (au sens positif du terme) respectueux de leur religion, maîtrisant une voire deux langues et vivant harmonieusement avec autrui. La scolarisation dès 3 ans n'est pas un remède miracle à tous les maux de notre société mais se révèle être un outil de qualité contre l'échec scolaire, les extrémismes de tous bords et pour le développement de comportements normalisés de vie en société. Au Maroc, nous avons une opportunité budgétaire unique (engendrée naturellement par la démographie) d'offrir cet outil à tous nos enfants à moindres frais ; ne nous en privons pas car comme disait si bien Ernest Renan : «L'essentiel dans l'éducation, ce n'est pas la doctrine enseignée, c'est l'éveil».