Cheikh Al Islam, Sidi Mohamed Belarbi Alaoui Mohamed Belarbi Alaoui, connu sous le nom de cheikh Al Islam a été de tous les combats de la libération nationale. Né en 1880 à M'daghra, dans la région de Tafilalet, il a rallié le mouvement des premières révoltes contre le colonialisme, ce qui lui a valu des séjours dans les geôles françaises. Figure emblématique du renouveau spirituel et culturel dans le pays, cheikh Al Islam estime que dans une société juste, il est nécessaire qu'il existe des lois pour garantir les droits des individus, et un appareil démocratique chargé de mettre en vigueur et de défendre ces garanties. Pour le Fqih, “la justice est bonne, mais elle est meilleure, quand elle est issue des gouvernants” Il disait souvent à ses disciples : “Lorsque Dieu veut du bien pour un gouvernement, il lui procure un ministre (assistant) conforme à la justice qui, quand l'émir oublie, le ministre lui rappelle. Et quand il se rappelle, il l'aide. Et si c'était le contraire, Dieu procure à l'émir un ministre injuste, quand l'émir oublie, il ne lui rappelle pas, et s'il se rappelle, il ne lui vient pas en aide”. Le Fqih avait toujours soutenu que ce furent là les principes essentiels et les principaux objectifs de l'Islam : établir la justice et faire prévaloir un équilibre total de la société dans la cité. Son argumentaire, en l'objet, était puisé du Coran et notamment du verset suivant : “Nous avons envoyé Nos messagers avec des preuves claires, et Nous avons fait descendre avec eux le Livre et la balance pour montrer ce qui est juste et ce qui est erroné, et ce, afin que les gens puissent se conduire avec équité”. Le Fqih avait toujours soutenu que, pour établir l'équilibre, il était nécessaire que chaque chose fût à sa place. C'est ce qu'on appelle, en l'occurrence, dans notre jargon moderne de droit constitutionnel, la séparation des pouvoirs : les uns constituant les contrepoids aux autres. Etant donné que tous les hommes sont, à la base, égaux, l'Islam n'admet pas qu'un individu ait une position spéciale ou une prévalence quelconque. L'Islam a proclamé la foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans le respect des libertés sans distinction de race, de religion ou de langue, dans la résolution à favoriser les progrès culturels et le développement social dans le sens d'un niveau de vie suffisant et du bien-être des familles. Tous les hommes sont nés d'un même ancêtre et d'une nature commune. La discrimination et la ségrégation entre les droits et les obligations sur la base de la race, de la classe et du lien tribal, sont, inexorablement, rejetées, bannies et récusées en Islam. L'Islam avait mis clairement en exergue son point de vue en l'objet à un moment où les privilèges de certains groupements sociaux, l'approche discriminatoire dans les positions, dans les droits et dans les obligations, étaient considérés comme naturels et logiques dans les plus grands pays qui se prévalaient de cultures et de civilisations éminentes de l'époque. L'Islam ne prône guère qu'un groupe en particulier ou une classe déterminée soit nés pour être asservis, et un autre pour asservir. Aucun groupe n'est né pour avoir un statut d'esclave assimilé à un animal alors que d'autres jouissent de la dignité seigneuriale et dominatrice, comme cela prévalait dans la position légale et sociale sous les systèmes révolus d'autrefois ; aussi bien en Asie qu'en Europe et en Amérique. L'Islam est la première religion à proclamer officiellement que : “Tous les hommes sont égaux comme les dents d'un peigne”. “Vous être les descendants d'Adam, et Adam a été créé d'argile”. “Cette communauté qui est la vôtre est une communauté unique, et Je suis votre Seigneur. Adorez-Moi donc”. Avec cette conception de cosmologie divine que l'Islam a de l'homme, il est naturellement nécessaire qu'il existe entre les individus une sorte d'unité, d'harmonie et d'égalité en matière de droits légaux fondamentaux. A partir du moment où un système, quelle que soit sa nature, ne reconnaît de statut particulier ni aux individus ni aux groupes déterminés, d'aucuns ne peuvent prétendre qu'une position préférentielle ou un travail avantageux, serait son privilège exclusif. Personne ne peut considérer les autres individus ou groupes comme étant astreints à lui obéir, à être à son service et à s'occuper uniquement de basses besognes et de servitudes avilissantes. Il va sans dire que nul n'a de droits spéciaux ni de privilèges déterminés et nul n'a moins de droits ni moins de privilèges. L'Islam est la religion du juste milieu ; aussi les extrêmes sont-ils ipso facto, répréhensibles, pourfendus, stigmatisés et réprouvés. Sur la base de cette conception, la justice n'est pas synonyme de sujétion ou de privation pour la grande majorité, ni de jouissance par une minorité particulière, de toutes les faveurs, de toutes les sinécures et de tous les conforts de la vie et du droit d'exploiter les autres à son propre avantage. Nul ne jouit d'un statut spécial et tous les membres de la communauté ont la possibilité de développer leurs talents et de faire la preuve de leurs capacités et leurs aptitudes. Telle était la conception philosophique de la justice et des relations humaines du Fqih. Il n'avait jamais eu de cesse de le clamer “urbi et orbi” en toutes circonstances et en toutes occurrences. Il enseignait ex cathedra (ces propos nous ont été rapportés par certains de ses disciples et confirmés par d'autres), que si nous considérons l'homme sous un angle purement matériel, il est fort probable que nous parvenions à une conclusion intellectuellement et idéologiquement insoutenable. Si, à titre d'exemple, nous approchons l'homme, exclusivement comme un être vivant ayant diverses capacités de croissance et de reproduction, et certaines caractéristiques physiologiques et biologiques aboutissant à un système nerveux développé, nous en déduisons qu'il y a une grande différence entre les individus, sur les plans de leurs muscles, la forme de leurs membres, leur taille, leur poids et leur capacité à effectuer différentes corvées physiques. Si nous définissons l'homme comme un être générateur de technologies, nous constaterons que tous ne sont pas semblables dans leur capacité de générer ni dans leur habileté manuelle ou spirituelle. De même, si nous jugeons un homme à l'aune de sa valeur humaine et à sa force de production, nous remarquerons que sur ce plan aussi, il y a une grande différence d'un individu à un autre, d'une société à une autre. Sur cette base, on pourrait être tenté de faire croire que c'est la nature humaine qui est à l'origine de la différence dans les positions, les droits et les obligations des membres de la même communauté. Or, ce genre de raisonnement nous conduit inéluctablement à l'ancien système de clans et consacre la discrimination entre les peuples et entre les individus. Le Fqih insistait sur le fait que du point de vue de l'Islam, l'humanité de l'homme ne réside ni dans ses apparences physiologiques, ni dans ses aptitudes manuelles ou spirituelles. Elle réside, disait-il, dans le fait que l'homme est un être social conscient ayant une volonté indépendante et le pouvoir de choisir dans le cadre circonscrit d'un système organisé où chacun doit tenir compte de l'autre. C'est ce qu'on appelle le statut du citoyen. A ce sujet, tous les citoyens possèdent des valeurs spécifiques “sui generis” composées tout autant de droits et d'obligations, de permis et d'interdits. Même du point de vue matériel, ajoutait le Fqih, ce qui importe, finalement, réside dans le fait que tous les hommes sont créés d'argile. Cela constitue leur trait commun.Leur nature est la même. A partir de cette perspective, la problématique liée à une quelconque discrimination ne se pose plus.Le Fqih n'avait de cesse de clamer devant ses auditoires, qu'à la base, l'adoration est dédiée exclusivement à Allah sans aucune intermédiation. Toutes les sources naturelles exploitables par l'homme ou le citoyen dans la cité sont en principe la propriété de Dieu, mises à la disposition de ceux qui en tirent le meilleur rendement ; le meilleur fruit. En vertu de cette conception philosophique du Fqih, la richesse naturelle n'est primitivement la propriété privée de personne ; cependant, et pour ne pas verser dans le désordre et l'entropie, des systèmes d'appropriation sont adoptés pour sa mise en valeur optimale et son exploitation au profit de la collectivité. En principe, tout individu qui cesse de la valoriser doit en être dépossédé. Aucun groupe ni aucune classe ne peut en revendiquer la propriété, ni empêcher les autres de les utiliser, ni réduire ceux-ci à un statut de serfs, d'aliénés, de dépendants et de tributaires. Personne n'est tenu de se soumettre servilement aux volontés de quelqu'un d'autre. La justice sociale La justice, selon le Fqih, signifie, comme le Coran le commande, que : “Où qu'il se trouve, l'homme trouve ses moyens d'existence”. Ou comme le proclame l'imam Ali : “Quiconque a une étincelle de vie, a le droit d'obtenir ses moyens de subsistance ; ceux-ci doivent lui être assurés par les gouvernants dans la justice et l'équité”. La justice sociale, selon le Fqih, signifie que tous les citoyens doivent pouvoir obtenir les viatiques nécessaires et indispensables à leur existence dans la dignité. Le Fqih part du principe évident et apodictique que le citoyen est un être apte à l'évolution, au progrès et à la promotion sociale. Aussi la position d'un individu dans la société est-elle représentée par l'opportunité qui lui ouvre la voie vers l'évolution et le développement et qui le protège et le guide sur cette voie, afin qu'il obtienne ses droits naturels, en se conformant à ses obligations. Le citoyen, selon le Fqih, a la latitude et l'opportunité incompressibles et la liberté raisonnée de penser et de choisir. C'est pourquoi une société équitable est celle qui lui offre la possibilité d'exercer librement sa volonté : qui lui assure la liberté de pensée, et qui ne lui impose aucune contrainte “numerus clausus” ou une quelconque limitation discriminatoire émanant d'une classe particulière pour l'accessibilité à une opportunité en vertu d'une disposition injuste. Selon le Fqih, la restriction de la liberté de pensée, de quelque façon que ce soit, entrave l'évolution et prive le citoyen de son droit inné ; en l'occurrence, le libre arbitre, la dignité, la considération et les égards. Une société juste et démocratique, selon lui, accorde au citoyen le droit de faire un choix libre et conscient, d'exprimer en toute indépendance son point de vue. On ne peut attendre du citoyen, dans l'acception moderne du terme, qu'il fasse son choix avec les yeux et les oreilles fermés, ni sous la contrainte et la pression, ni contre la voix de sa conscience. Le Fqih estime, à juste titre, que la suppression, l'amputation, voire même une simple décontraction, altération ou restriction du droit de choisir est une déviation et une dérive caractérisée de la normalité et de la raison. Celles-ci provoquent un déséquilibre dans la société ; favorisent les uns au détriment des autres et ouvrent les portes grandes ouvertes aux inégalités, à la ségrégation et partant à l'oppression qui a pour corollaire l'injustice et l'iniquité. En tout cas, eu égard à ces questionnements, il est socialement recommandable et humainement nécessaire qu'une orientation, des éclairages et des opportunités constructives et édifiantes soient offertes aux citoyens afin qu'ils puissent penser librement mais convenablement, consciencieusement et scrupuleusement.Ils doivent être en mesure d'opérer les meilleurs choix et prendre les décisions les plus appropriées pour eux-mêmes et pour la société à laquelle ils appartiennent et pour les systèmes dont ils relèvent. Clairvoyance, désintéressement et abnégation En fournissant cette orientation, disait le Fqih, il peut y avoir un péril occulte qui doit être évité, autant que faire se peut. Il s'agit de la volonté délibérée de malveillance et de malignité de celui qui oriente. En effet, l'orientation doit être axée dans le sens de la clairvoyance, le désintéressement et l'abnégation. Elle doit être procurée pour servir le citoyen et favoriser l'épanouissement de ses capacités latentes, et non avec le dessein malveillant de l'exploiter et de vicier son civisme et sa citoyenneté. Le citoyen, selon le Fqih, a la capacité d'apprendre et d'atteindre la connaissance. Il faut l'y encourager afin qu'il puisse libérer toutes ses énergies pour l'acquérir et s'en servir à bon escient. L'accès à la connaissance est, indubitablement, son droit naturel et nul ne peut, ni ne doit l'en frustrer. Une société juste est celle qui offre à chacun la possibilité d'avoir un certain degré d'instruction, de faire des études et d'acquérir des aptitudes et des compétences protéiformes appropriées. Cette opportunité ne doit, en aucun cas, être restrictive et/ou réservée à une catégorie de citoyens à l'exclusion des autres. Point de “numerus clausus” en l'objet. Tout individu, selon le Fqih, a le droit de profiter des ressources naturelles du pays dont il est ressortissant. Mais cela ne peut se faire qu'en participant, par son travail, par ses efforts, à l'édification et au développement de sa nation. En Islam, préconisait-il, il ne saurait y avoir de place pour les fainéants, aux oisifs, aux paresseux et aux indolents. Aussi, est-il nécessaire que l'occasion de travailler soit offerte à chacun, et que chacun soit formé pour qu'il puisse utiliser, pleinement, ses capacités intellectuelles, mentales et pratiques, et s'engager dans une activité constructive, de nature à réaliser le développement de l'économie et de la société. Le Fqih donnait lui-même l'exemple en cultivant ses légumes et en entretenant son petit poulailler dans sa modeste résidence de Fès. Il ne faut pas oublier que le citoyen est un être social qui doit vivre avec les autres dans la société. Il doit donner autant qu'on lui donne. Sa liberté s'arrête là où commence celle d'autrui. Il est du droit de tous les citoyens et non d'une élite à l'exclusion des autres, d'avoir la possibilité de promotion sociale et d'amélioration constante des conditions de vie tant matériellement que spirituellement. Mais tous doivent mettre la main à la pâte. L'éducation d'un citoyen ne doit pas intervenir au prix de la privation des autres, et que l'emploi d'un citoyen ne doit pas être au prix du chômage des autres. Dans le même ordre d'idées, la jouissance et le bénéfice, par quelqu'un de conforts, de commodités, voire du luxe de la vie ne doivent pas être une cause de privation, de frustration et d'indigence pour les autres. Le Fqih n'est pas contre les riches ; il est contre la pauvreté. Il est à noter que selon l'opinion que professe le Fqih, ce n'est pas parce que quelques individus acquièrent leurs droits que les autres doivent être privés des leurs. C'est, en fait, à cause de la transgression et de l'excès commis par quelques individus que les autres en sont dépouillés. Le Fqih a toujours manifesté et défendu, manu proprio, et ostensiblement ces idées révolutionnaires, puisées de l'Islam, jusqu'au dernier souffle de sa vie. Il a été, admirablement, constant dans le combat autant avant qu'après l'indépendance. A ce titre, il lui plaisait souvent de se référer à son aïeul, Ali qui disait : “Je n'ai jamais vu de l'argent thésaurisé sans qu'il y ait à côté des droits oubliés”.Il ajoutait :“Personne ne peut avoir faim sans qu'il y ait un homme riche qui ait trop mangé…Il ne peut y avoir de privation si chacun se contente de son dû”. Dans une société juste, il est nécessaire, selon le Fqih, qu'il existe des lois pour garantir les droits des individus, et un appareil démocratique chargé de mettre en vigueur et de défendre ces garanties.Les lois sont édictées pour consacrer les principes d'égalité, de justice et d'équité. Elles doivent servir l'intérêt général et celui de chaque citoyen et créer une atmosphère favorable à la prospérité et au développement matériel et spirituel de tous. Il n'y a, quasiment, pas de société qui ne parle des droits et de la loi, ni d'appareil exécutif qui ne se considère comme le protecteur et le garant des droits et des obligations de la communauté et du citoyen. Le Fqih, d'après ses disciples, a toujours attiré l'attention qu'une analyse sociétale minutieuse devrait permettre de savoir si ceux qui sont chargés de faire respecter les lois le font dans l'impartialité et sans préjugés ou s'ils appliquent celles-ci pour satisfaire leurs propres désirs et appétits ou pour favoriser leur propre gloire. Au lieu de faire valoir la vérité, ils se contentent de sauvegarder leurs pulsions égocentriques en faisant de leurs propres intérêts la loi de ceux qui les entourent. Or dans l'éthique publique de l'Etat, la justice signifie, fondamentalement, la préservation de l'intérêt général. Ainsi, l'aptitude, la valeur intrinsèque et la compétence doivent-elles être les seuls critères d'acquisition de positions dans la hiérarchie sociale. Le Fqih s'était toujours insurgé contre le népotisme, le clientélisme et le clanisme. Pour lui, et il l'a toujours clamé “urbi et orbi”, tous les Marocains sont égaux dans les droits et dans les obligations ; campagnards, et citadins doivent être mis sur un pied d'égalité. Pour lui, la compétence est déterminée sur la base des règles et des standards que chaque système institue lui-même et l'applique à tous. En tout cas, toutes les formes d'égoïsme, d'appétit du pouvoir, de fraude et de subjugation sont contraires à l'idée que le Fqih se faisait de la justice sociale ; elle-même issue du Coran, des occurrences du Prophète et des valeurs universelles.Une société juste, disait-il, exige aussi une judicature consciencieuse, honnête, impartiale et résolue, capable de protéger vraiment les droits des gens, et de prévenir toute forme de transgression et de corruption.Pour lui, il est exclu que le pouvoir judiciaire soit aux ordres ; son indépendance doit être indiscutable et ne faire l'objet d'aucune atteinte. Justice et équité Le sens de la responsabilité et de l'autonomie du cadi, selon lui, est l'un des facteurs les plus importants qui garantissent le maintien et l'application de la justice.Pour cela, chacun doit connaître ses droits et ses obligations, et l'Etat doit en être le garant en premier et dernier recours.Critiquer d'une façon positive et constructive, et exhorter les citoyens à faire le bien et à s'abstenir de faire du mal sont nécessaires à cet égard. Il existe dans la société musulmane un lien spirituel et une relation d'amour et d'affection mutuels qui unissent tous ses membres. L'Islam a mis fortement l'accent sur la fraternité humaine, laquelle est l'un des facteurs les plus importants du maintien du système juste et équitable. Cette superstructure spirituelle et ce lien sentimental jouent un rôle fondamental dans la sauvegarde des droits des citoyens et la protection de leurs intérêts individuels et collectifs. En dernier lieu, l'accent que le Fqih mettait sur la formation du caractère, l'effort permanent, l'éradication des vices, et la promotion des qualités morales fut un facteur important de l'établissement et de la préservation d'un système social juste et équitable. Selon le Fqih, ce sont la corruption, les turpitudes, le dévoiement et les errements délétères de ceux qui gèrent les systèmes, qui causent des préjudices et des déprédations à ceux-ci ; lesquels, à l'origine, étaient fondés sur la sauvegarde des droits et des intérêts des gens et leur servaient de remparts inexpugnables. Il ajoutait que les buts originels se trouvent ainsi très souvent omis et marginalisés à cause de l'égoïsme de ceux qui sont dépositaires de l'autorité et du pouvoir à cause des rivalités et de la course boulimique et effrénée à l'enrichissement illicite qui prévalent entre eux. La prévention de tels dommages et de tels travers, précisait le Fqih, n'est pas possible sans une autocritique continuelle, constante et dynamique, un réveil de la foi et de la conscience spirituelle. En fait, seuls des citoyens actifs, avec une conscience pure et vive, pourraient amener à l'existence d'un système sain, et eux seuls pourraient le maintenir et l'entretenir. Selon le Fqih, chaque citoyen veut, de par sa nature, que sa vie soit aussi réussie et aussi fructueuse que possible. Chacun de nous, disait-il, est désireux de mener la vie la plus réussie, et fait tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre ce but. Dans cette lutte sociétale, il est toujours possible que chaque citoyen soit en mesure de se saisir d'un avantage particulier, au mépris de tout son entourage. Les individus peuvent s'opposer et se quereller entre eux, à moins qu'il y ait des règles générales et impersonnelles qui régissent leur conduite et déterminent les limites de chacun.Ce qui détermine ces limites s'appelle, précisément, la loi et le règlement. La loi et le règlement constituent un corpus de règles et de prescriptions définies démocratiquement qui ont une force exécutoire et une autorité reconnue socialement et qui déterminent les droits, les obligations, les limites et les responsabilités de tout citoyen vivant sur un territoire donné au sein d'une société nationale donnée. Tous les citoyens, à quelque niveau qu'ils appartiennent, doivent souscrire à ces règles et prescriptions et accepter les conséquences de leur violation, de leur inobservation ou transgression. II ressort, à la faveur de ce qui précède, que le Fqih, dès l'aurore du siècle dernier, avait une conception démocratique de la vie dans la cité. II prônait, déjà, la séparation des pouvoirs, la prévalence de la “vox populi” dans le choix des gouvernants à travers ceux qui la représentent authentiquement par leur maîtrise des préceptes coraniques et des prescriptions de la Sunna. II s'agit, en l'occurrence, des Oulémas et des jurisconsultes dont l'autorité scientifique, la probité et l'intégrité morales sont indiscutables. Le Fqih a puisé cette conception, en premier lieu, du Coran et en second lieu, de la tradition du Prophète telle qu'elle a été interprétée par l'imam Malek, à travers ce qu'il est convenu d'appeler le rite malékite adopté par le Maroc comme étant le seul rite applicable en matière de la chariaâ.