L'avenir des enfants trisomiques, au Maroc, est toujours très inquiétant. Les parents d'enfants trisomiques sont portés uniquement par l'amour pour leur enfant. Des listes d'attente interminables dans les rares structures d'accueil existantes. V otre enfant est trisomique». Cette annonce, lancée par le gynécologue à un parent durant la grossesse ou au moment de l'accouchement, est le plus souvent vécue comme un choc. Comment réagir face à ce coup du sort ? Si certains baissent d'emblée les bras, en demandant une interruption volontaire (et illégale) de grossesse, d'autres ne se laissent pas abattre. Leur combat commence. Pour eux, il est impensable de se «débarrasser» de leur enfant. Si des tests prénatals sont réalisés pour dépister la trisomie 21 chez le fœtus, ils ne sont pas automatiquement réalisés par les gynécologues. Lorsque la femme ne fait pas partie de la population à risque, le choix lui est souvent donné de faire ou non les tests. Le père de Karim, enfant trisomique, accuse d'ailleurs la gynécologue. «Aucun test n'a été réalisé durant la grossesse, nous avons appris la nouvelle le jour de la naissance de Karim. Or, il y a des antécédents familiaux dans la famille de mon épouse, puisque ma belle-sœur venait d'accoucher d'un enfant trisomique». En effet, en plus de l'âge de la mère, risque le plus connu, les facteurs favorisant cette anomalie génétique sont nombreux. Le sur-poids ainsi que la consommation de tabac en font notamment partie. Une autre mère dira : «Mon gynécologue m'a conseillé de pratiquer une amniocentèse (prélèvement d'une partie du liquide amniotique). J'ai appris que l'enfant que je portais était trisomique, et cela après trois mois de grossesse. C'était mon premier enfant, j'avais 22 ans, et je ne pouvais supporter l'idée de mettre fin au fruit de notre amour, sous prétexte qu'il ne sera pas «comme nous». Ce qui l'inquiétait le plus, comme de nombreux parents dans sa situation, c'étaitent l'environnement et les conditions de vie dans lesquelles allait grandir leur enfant trisomique. Auditives, motrices, visuelles ou encore intellectuelles, les déficiences dont souffrent les enfants trisomiques sont multiples. Face à cela, le rôle des parents est souvent essentiel ! Ils sont portés par l'amour pour leur enfant, certes, mais celui-ci reste insuffisant. Des structures d'accueil spécialisées et des médecins formés pour améliorer leurs gestes quotidiens et leurs qualités sont indispensables ! Seulement, des structures, nous en manquons cruellement. Et lorsque les écoles spécialisées existent, encore faut-il disposer des moyens financiers pour y inscrire son enfant ! Entre 400 et 2.700 DH par mois sont demandés par l'association ANAIS (Association nationale pour l'intégration des personnes en situation de handicap mental), basée à Casablanca. Mais «la liste d'attente est aussi longue que la liste de Schindler» chez ANAIS, nous avouera cyniquement l'un des parents qui a eu la chance d'accéder à l'association grâce à un simple tirage au sort. ANAIS est, pour rappel, détentrice, depuis octobre dernier, du prix 2010 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la recherche sur le syndrome de Down (autre nom de la trisomie 21). En dehors des grandes villes, les structures d'accueil sont rarissimes, voire inexistantes. Dans plusieurs centres accueillant des personnes souffrant d'un retard mental, les enfants trisomiques sont souvent mis «dans le même panier», sans prise en compte de la différence des cas et des âges. Etonnant, lorsqu'on apprend que «le quotient intellectuel est extrêmement variable d'un enfant trisomique à un autre», comme nous l'apprend une pédiatre de Fès. Plus le handicap est lourd, plus il est difficile pour les parents de trouver une place au sein de ces structures. «Quand je vois la situation de ma fille, je remercie Dieu. Elle est dans une école spécialisée, mange et s'habille toute seule, et ne bave pas», se rassure la mère de Samia, 9 ans. Avant d'ajouter : «Quand je me mets à la place des autres familles, je me demande comment elles font !». En plus des structures, les parents peinent également à trouver des orthophonistes et des psychomotriciens, spécialistes peu répandus au Maroc et pourtant indispensables à l'amélioration de la qualité de vie des enfants trisomiques. Le chromosome de l'amour Il suffit de fréquenter un enfant atteint de trisomie 21, ou d'entendre ses parents en parler, pour retenir le constat unanime : ces enfants sont faciles à vivre, et débordent d'affection. Nous retenons le témoignage du père de l'un d'eux, ravi d'être accueilli après une dure journée de travail par deux petits bras potelés et un sourire radieux, qui viennent l'entourer de toutes leurs forces. En référence à cette anomalie génétique caractérisée par la présence d'un chromosome supplémentaire dans la 21e paire, ce père lance avec émotion : «Ce chromosome, en plus, c'est le chromosome de l'amour !». Dans plusieurs centres accueillant des personnes souffrant d'un retard mental, les enfants trisomiques sont souvent mis «dans le même panier».