l De Copenhague à la Conférence des Nations unies de Cancun, à se tenir en décembre prochain, les négociations sur le climat reprennent et mettent un accent tout particulier sur l'agriculture. l Une réflexion qui n'a pas échappé au Congrès sur le financement rural et agricole tenu à Marrakech. q aurélie martin u'est-ce qu'une intervention sur l'impact des négociations autour du climat pouvait bien venir faire dans un congrès sur le financement du secteur rural et agricole ? La question est déroutante. Pourtant, l'assemblée de banquiers, financiers et ingénieurs, présents cette après-midi du 29 octobre, n'en a pas laissé une miette. Et pour cause désormais, les financements réservés à l'adaptation des pays au cours des négociations sur le climat, doivent également prendre en compte l'agriculture. C'est ce qu'a su rappeler Sébastien Treyer, ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, également docteur en gestion de l'environnement et directeur des programmes de l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Guidé par deux questions phares : «Qu'en est-il des négociations sur le climat après Copenhague ? Quel est leur impact sur l'agriculture ?», il aborde les notions de réduction des émissions agricoles, de financements ainsi que la nécessité de changer de modèle agricole pour la sécurité alimentaire comme pour l'environnement. Nous ne le répèterons jamais assez, l'Accord de Copenhague a nourri les déceptions. Aucun engagement international, seule une somme d'engagements nationaux ont été obtenus qui restent néanmoins insuffisants pour atteindre l'objectif d'une réduction de 50% des gaz à effet de serre d'ici 2050. Consensus Le maintien d'une augmentation globale de la température inférieur à 2°C, et ce, sans aucun impératif de durée ne fit office de verdict final. Pourtant, dans ce flot de déceptions……, de nouvelles négociations apparaissent concernant une augmentation des émissions de gaz à effet de serre causée par la déforestation et la dégradation des forêts. Une déforestation notamment engendrée par la multiplication des terres agricoles industrielles, venant satisfaire une population mondiale toujours plus importante. Ainsi, de Copenhague à Cancun, les négociations sur le climat reprennent avec un intérêt tout particulier porté à l'agriculture. Les scientifiques et un comité d'experts techniques de la convention internationale réfléchissent actuellement à un consensus à partir d'un programme de travail. Mais alors, de quelle manière l'agriculture entre-t-elle dans les négociations sur le climat ? Parmi les engagements nationaux enregistrés en février 2010, au lendemain de Copenhague, l'agriculture a souvent été mentionnée comme l'un des secteurs clé des efforts pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien plus, selon les scientifiques, les objectifs d'adaptation et de lutte contre le changement climatique ne seront pas atteints si l'agriculture ne figure pas au cœur des négociations internationales sur le climat. Dès lors aussi décevant soit-il, Copenhague a eu le mérite de lancer la mise en place d'un programme de recherche sur le potentiel de réduction des gaz à effet de serre et les opportunités de financement pour les projets agricoles. Ce même programme envisage la nécessité d'un changement du modèle actuel, passant notamment par des innovations organisationnelles, telles que l'assurance, le crédit ou l'accès au marché international. La conférence des Nations unies de Cancun, qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre, sera donc l'occasion d'approfondir et de valider les réflexions sur la transition vers une agriculture dite intelligente. Transport des aliments L'agriculture a un rôle unique dans l'absorption du carbone émis par les autres secteurs. Pourtant aujourd'hui, les exploitations agricoles mondiales émettent environ 30 % de l'ensemble des gaz à effet de serre. Les raisons : le transport d'aliments provoque des gaz à effet de serre, les systèmes de monoculture basés sur l'utilisation d'intrants limitent l'humidification des sols – et donc les stocks de dioxyde de carbone–, favorisent l'émission de dioxyde d'azote –le 3e gaz à effet de serre– ainsi que l'émission de dioxyde de carbone par l'élaboration et le transport des intrants, l'utilisation des tracteurs, la transformation des aliments. Selon les scientifiques, les principaux secteurs d'émission de gaz à effet de serre provenant de l'agriculture, sont les énergies telles que les fertilisants et les serres, les récoltes et engrais, et enfin le bétail. Ainsi la réduction des émissions agricoles doit passer par la prise en compte des nouveaux types de culture, des nouvelles infrastructures physiques visant à rendre l'agriculture plus résistante, ainsi que des nouvelles institutions nationales et internationales qui soutiennent cette résistance. L'agriculture peut diminuer ses émissions en introduisant des changements dans les technologies agricoles et les pratiques de management. Le choix de plantes plus pérennes avec des racines plus profondes permettrait par ailleurs de stocker davantage de carbone dans le sol. Egalement, un labour moins important et des modifications en matière de génétique des cultures, d'irrigation, d'utilisation d'engrais, des espèces de bétail et des pratiques d'alimentation peuvent réduire les émissions. Pour ce faire, un investissement accru – et notamment par les subventions- dans la recherche en agriculture, les infrastructures rurales, les assurances, l'accès au crédit et au marché pour les petits cultivateurs est essentiel. Néanmoins une dernière question ne cessera jamais de mobiliser les esprits : la somme d'argent attendue vaudra-t-elle le coût de transaction du mécanisme qui devrait être mis en place ? «Le paiement pourrait arriver précisément au moment de la transition d'un modèle de pratique agricole à l'autre», lance Sébastien Treyer. Systèmes participatifs de garantie Les systèmes participatifs de garantie sont des systèmes d'assurance qualité orientés localement. Ils s'intéressent aux normes locales à appliquer et à respecter pour maintenir la qualité des produits dans un souci de lutte contre le changement climatique. Après une visite de l'exploitation et la rédaction d'un rapport, un programme par étapes est délivré à l'agriculteur lui permettant d'accéder au statut de ferme 100% bio. Les systèmes participatifs certifient les producteurs sur la base d'une production active des acteurs concernés et sont construits sur une base de réseaux et d'échanges de connaissances. La certification a pour but de garantir la qualité d'un produit et ainsi de favoriser les liens de confiance entre producteurs et consommateurs. Elle permet également au producteur de s'associer à un circuit de commercialisation, lui-même, certifié bio. Il peut exister autant de systèmes participatifs de garantie que de contextes sociaux, naturels et économiques.