Le ministre de l'Agriculture et des pêches Aziz Akhannouch était très attendu à la présentation officielle du plan d'aménagement pélagique, tenu jeudi 25 février à Casablanca. Mais il s'est désisté à la dernière minute pour se rendre dans le Nord afin d'assister à une activité royale. Même en l'absence d'Akhannouch, le débat était très animé, non pas par apport aux dispositions mais aux contestations survenues bien avant sa présentation officielle. En effet, la présentation des mesures du plan n'a pas trop retenu l'attention de l'assistance. Tout simplement parce que les détails avaient filtré dans la presse depuis le début de la semaine du 22 février. La première question soulevée dans le débat est celle relative à la grogne des opérateurs du sud, notamment entre Laâyoune et Dakhla. Ces derniers se plaignent, comme nous l'indiquions dans une précédente édition, du fait que la majorité des prises de pêche sont faite dans leur région, alors que la majorité des opérations de valorisation sont menées dans le nord. A ces critiques, la directrice des Pêches maritimes, Bouchra Driouech répondra que les opérateurs de la région étaient liés par un contrat au ministère qui leur permettait de réaliser du congelé à bord et l'exporter directement pour pouvoir payer leurs dettes, «bien que cette opération (l'exportation du congelé à bord) ne rapporte aucune valeur ajoutée pour l'industrie au sol. Ceci dit, «rien n'empêche ces opérateurs de participer à l'appel d'offres des projets intégrés et d'installer des unités de transformation sur place», lance-t-elle.«En plus ils auront droit à un quota supplémentaire de 30.000 tonnes», indique Amine Tahraoui, chef du cabinet du ministre. Au-delà des arrangements et des dispositions du plan, la position des opérateurs du Sud est jugée claire. Pourquoi, on permet à tout le monde de venir pêcher dans la région alors que la transformation se fait ailleurs ? «Tout le monde qui ? ceux qui vont pêcher dans la zone C sont aussi des Marocains», s'exclame le directeur juridique du département de la Pêche, Abdelouahed Benabbou. «De toute façon, il y a 600.000 tonnes de prises de pêches qui sont jetées chaque année dans la zone C car elles ne trouvent personne pour les valoriser. On a le choix de rester les bras croisés ou de mettre en place un mécanisme qui permet la valorisation de la ressource», soutient Tahraoui. Qu'en est-il du grand port atlantique et des zones industrielles intégrées que demandent les opérateurs du sud ? «C'est un projet comparable à Tanger Med», lance d'emblée le chef du cabinet du ministre, qui reconnaît d'ailleurs que c'est le moyen optimal pour valoriser les ressources du stock C. «C'est un modèle adopté à l'échelle internationale. L'idée est de mettre en place un port de grande envergure et d'y déverser les captures. Ensuite, les unités mitoyennes réalisent les premières opérations de valorisation (congélations,…). Ces captures deviennent ensuite des commodities qui sont vendues au gré de l'offre et la demande non seulement au niveau local mais à l'international», explique-t-il. Néanmoins, «ce projet nécessite un consensus politique et économique et la création de toute une ville autour de Dakhla. Mais nous y travaillons sérieusement», précise-t-il. Pour clore ce débat, la directrice des Pêches maritimes a clairement indiqué que «ce plan ne se focalise sur aucune région en particulier. Il est vrai qu'Agadir apparaît à maintes reprises dans les discussions mais l'ensemble des industriels de la pêche qu'ils soient à Safi, Casablanca ou ailleurs sont aussi concernés». D'ailleurs, Tahraoui estime les investissements prévus dans le cadre du plan d'aménagement à 8 milliards de DH. Des opérateurs estiment que l'obligation de garder les captures à l'état frais met les armateurs en position de faiblesse et les industriels en position de force. Autre contestation qui a surgi, celle de l'obligation de déversement des poissons frais dans les ports marocains. Les opérateurs ne contestent pas la limitation aux ports marocains. Mais certains d'entre eux estiment que l'obligation de garder les captures à l'état frais met les armateurs en position de faiblesse et les industriels en position de force. Cette préoccupation n'a pas lieu d'être selon la directrice des Pêches qui précise que «la destination des captures est connue d'avance car l'armateur est engagé à livrer son partenaire industriel. «Le plan fournit de la visibilité à long terme aussi bien pour les armateurs que pour les industriels», précise Tahraoui. Comment donc le département de la Pêche maritime répond-il aux critiques de certains industriels de la pêche qui se disent au bord de la faillite et que ce plan ne résout pas le problème pour eux ? «Si ces opérateurs ont des difficultés, c'est parce qu'ils n'ont pas accès à la ressource. Ce plan vient résoudre leur problème. Au lieu de donner une nouvelle licence de pêche qui ne va finalement servir à rien, on lie deux opérateurs qui ont tout intérêt à travailler ensemble. D'un côté, les armateurs qui ne trouvent pas assez de ressources dans leurs zones d'intervention et les industriels en maque de matières premières. On leur donne la possibilité de profiter mutuellement de profiter du stock C, afin d'accroître la profitabilité de leurs unités», explique la directrice des Pêches. «Néanmoins, si tout le monde veut faire du congelé à bord sans produire de la valeur ajoutée, ça c'est une autre histoire», note-t-elle. D'ailleurs, ce plan permettra selon Zakia Driouech de contrôler les pêcheries destinées à l'industrie peu valorisante de la farine, en limitant la matière première autorisée pour cette activité aux déchets des armateurs et des industriels (5% des prises). La volonté étatique est là, mais comment mobiliser les opérateurs dans un secteur aussi effrité et désorganisé que la pêche côtière ? Les responsables du ministère reconnaissent que cela ne se fera pas en un claquement de doigts. «Mais c'est un plan qui a été mis en place en collaboration avec les associations professionnelles qui l'ont d'ailleurs toutes approuvées dans les réunions que nous avons eues avec eux», note Tahraoui. Objectif : multiplier la quantité moyenne par 1,5 La présentation officielle du plan pélagique était l'occasion de clarifier des éléments juridiques liés au plan pélagique. En effet, le directeur juridique du département des Pêches a précisé que ce texte remplace l'ensemble des textes précédents destinés au développement du secteur. Le pouvoir juridique pour le faire est tiré d'un arrêté qui permet au ministre de l'Agriculture de produire les textes nécessaires pour légiférer dans le secteur. Le décret relatif au plan sera d'ailleurs prêt dans les six à sept mois à venir, période durant laquelle la procédure de soumission et d'adjudication des appels d'offres va se dérouler. Aussi, le décret relatif au contrôle des bateaux par satellite devrait être adopté dans les jours à venir. Le consommateur a presque été oublié dans le débat. Mais une dernière question a permis aux responsables de préciser que l'objectif est de multiplier par 1,5 fois la consommation moyenne annuelle par habitant qui se limite actuellement à 10-12 kilos par an. D'ailleurs, des appels d'offres sont programmés pour les opérateurs qui veulent installer des chaînes de distribution de poissons frais ou congelés. Aussi, un texte de loi régissant l'activité de mareyage est désormais en cours de validation au Parlement, selon le directeur juridique. Objectif : limiter le nombre d'intermédiaires et améliorer les conditions d'hygiène. A noter qu'une question a été posée par rapport aux menaces qui planent sur l'accord de pêche avec l'UE mais elle est restée sans réponse.