Comment s'est fait le choix des images exposés dans le cadre de Résonances ? J'ai rencontré Brahim Alaoui, le commissaire de l'exposition, en avril dernier, je lui ai présenté « El Maghreb », un gros travail sur le rapport entre ma famille et le Maroc réalisé en 2001, 2004 et 2005. Je menais également, depuis 2006, mon travail intitulé « Entrada », une série retraçant le trajet de mon père quand il a émigré en France. L'approche de « Entrada » est bien plus violente. L'idée était de me mettre dans la peau d'un immigré, de marcher à la manière de quelqu'un qui se heurte aux éléments puis se relève. On m'a alors proposé de mettre ce travail sur l'Europe et celui sur le Maroc en vis-à-vis sur le thème « partir ». L'un est flou, froid et poétique alors que l'autre est chaud et plus réaliste. Le sujet répond aux problématiques contemporaines que sont les territoires et les frontières. Vous êtes de culture franco-marocaine et vos travaux se concentrent principalement sur l'Afrique : que cherchez-vous à explorer et à montrer de ce continent ? J'ai fait mes débuts photographiques en 1999 avec un sujet sur l'Afrique noire. Je travaillais au 6/6, une démarche très technique qui oblige une inscription dans un groupe. Puis très vite, je me suis intéressé à la question migratoire. Mes travaux sur le Maroc sont énormément touchés par l'autobiographie. Ce sont des sujets longs à mettre en place qui explorent des problématiques contemporaines et très masculines : le voyage immobile, la projection de soi. Je fais le lien entre ce que je ressens en France et ce que je ressens chez la population marocaine. A la poésie se mêle donc un contre-point journalistique. Le Maroc est un pays qui se vide de l'intérieur. Les richesses se sont perdues. Il y a une contradiction entre un pays moderne économiquement tourné vers l'extérieur, et la tradition. Justement par certains aspects, votre regard est pour le moins engagé… Je suis moins engagé quand je travaille sur l'immigration car mon ton est plus poétique. En revanche, mon engagement est beaucoup plus fort à travers des sujets où je suis dans le don, comme celui sur les enfants handicapés d'Afrique. En réalisant cette série, je voulais savoir comment et pourquoi en Afrique, l'handicap est un facteur d'exclusion et d'abandon des nourrissons. Je voulais déclencher des choses. Et qu'en est-il dans votre série « El Maghreb »? La double culture m'a permis de faire des images qu'un Marocain n'aurait pas osé faire. D'ailleurs, ces photos ont été prises dans ma famille et mon père a perçu ce travail comme une trahison. Il y a, par exemple, une image tendancieuse, d'une femme frottant le dos de son enfant au hénée. Il y a ce corps rouge et cette main orange… Je travaille beaucoup sur le moment où les gens se perdent, où les corps se rapprochent. Ce sont des images familiales prises dans des moments traditionnels et intimes. Elles ont choqué ma famille. La représentation du corps est interdite et moi je n'ai pas les clés culturelles ni la langue pour m'aider. Vous êtes diplômé assistant réalisateur de cinéma, pourquoi avoir fait le choix de l'image fixe ? Le cinéma apporte beaucoup à la photographie, mais mon parcours m'a porté vers l'image fixe. J'ai suivi une formation privée en cinéma et ça ne m'a pas plu. J'étais angoissé par mon avenir et je me suis orienté vers la photographie que j'avais apprise au lycée. À partir du moment où on fait une image, on fixe la vie dans un cadre, on est dans une écriture. L'image permet de raconter sa propre histoire comme on la ressent. J'ai besoin de cette fiction. Pourtant, je reconnais être attiré par le webdocumentaire. Par exemple la série « Entrada » s'entrecoupe avec une série de portraits en France. Avec ce format, je pourrais explorer la question de l'identité par exemple.