Le programme d'aménagement de Marchica se voit doter de la plus grande station d'épuration des eaux usées du sud de la Méditerranée. Quels sont les enjeux économiques, sociaux et environnementaux d'un tel projet ? Depuis son lancement en juillet 2008 par SM le roi Mohammed VI, le projet d'aménagement de la lagune de Marchica est au cœur des attentions environnementales. Et pour cause, Marchica est l'une des plus importantes lagunes de la Méditerranée par sa taille (11.500 hectares) et sa biodiversité. Longtemps dégradée par de nombreuses sources de pollution telles que les rejets liquides urbains et industriels, la pollution agricole, les déchets solides ou encore les activités de pêche, la lagune a été identifiée comme « Haut spot de pollution en Méditerranée » par le Plan d'Action pour la Méditerranée (PAM) initié en 1975 sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). C'est dans ce contexte que l'Office national de l'eau potable (ONEP) a été chargé du projet d'assainissement liquide du Grand Nador, cofinancé par l'ONEP (70%) et les collectivités locales (30%) afin de préserver l'écosystème de la lagune. Conjointement à ce programme, le développement touristique de la Marchica, porté par la réalisation de sept projets à savoir la cité d'Atalayoun, la cité des Deux Mers, la ville nouvelle de Nador, la Baie des flamants, Marchica Sport, les Vergers de Marchica et le village des pêcheurs, sans oublier des golfs et des espaces dédiés au sports nautiques et équestres, est l'occasion d'investir une région longtemps laissée à l'abandon. Pour Saïd Zarrou, directeur de l'agence Marchica Med chargée de l'aménagement de la Marchica, développement touristique et assainissement du Grand Nador vont de pair : « Les nouvelles cités de Marchica s'intègrent dans une approche globale d'assainissement. La ville de Nador connaît un problème urbain grave. Nous souhaitons que grâce à la Marchica, la ville puisse se positionner comme une cité phare de la Méditerranée ». Un projet ambitieux La ville de Nador et les centres de Bni Nsar et de Selouane disposaient de trois stations d'épuration victimes de nombreux dysfonctionnements. Les autres centres, quant à eux, se contentaient de rejeter les eaux usées à l'état brut dans des bassins qui rejoignaient ensuite la Marchica. Pourtant, c'est en observant la superficie, proche de 10 hectares, et les besoins en eau d'une population de 245.000 habitants –regroupés entre les municipalités et le centre de Nador, Bni Nsar, Zeghanghane, Ihddaden, Juadar, Selouane, Taouima et Kariat Arekmane– que l'on mesure l'ampleur du programme. La nouvelle station d'épuration du Grand Nador est annoncée comme la plus grande au sud de la Méditerranée. Les projets, d'un montant global de plus de 840 millions de DH, comptent deux types d'investissements. D'une part des travaux d'assainissement du Grand Nador et de dépollution de Marchica consistent en la réalisation des réseaux d'assainissement, d'interception, de transfert et d'épuration. Cette étape passe par la pose de collecteurs d'interception des eaux usées sur une longueur de 46 km, la réalisation de 5 stations de pompage ou encore la construction d'une station d'épuration à boues activées avec traitement tertiaire aux ultraviolets ainsi qu'une station d'épuration type lagunage naturel pour 30.000 équivalent- habitants pour la ville de Kariat Arekmane. Ce projet de dépollution s'élève à 437 millions de DH. Les eaux usées à épurer sont de l'ordre de 26.000 mètres cubes par jour pour la station de Nador et constituent une charge polluante estimée à 7 tonnes par jour. La station d'épuration à boues activées est maintenant mise en service et a été inaugurée par le roi Mohammed VI le 30 mai 2010. D'autre part, l'extension du réseau d'épuration des eaux usées aux communes avoisinantes est en cours de réalisation. Il implique la pose des réseaux de collecte des eaux usées sur près de 300 km, la construction et l'équipement de 3 stations de pompage et la réalisation de 28.550 nouveaux branchements au réseau d'assainissement… L'enjeu est donc de taille pour la région de Marchica et le programme, plus qu'ambitieux, doit voir sa mise en service progressive (avec la mise en service de la STEP dédiée à la ville de Kariat Arkmane) à la fin de cette année. La totalité des travaux devrait être achevée en juillet 2011. Selon l'ONEP, les projets s'inscrivent dans le cadre du schéma global de développement durable de la zone. Ainsi, l'organisme estime la réduction de la charge organique et de la matière en suspension à plus de 90% pour la totalité des eaux usées. A cela s'ajoute une réduction de la pollution azotée et phosphorée des eaux de la lagune ainsi qu'une réduction des pathogènes dans Marchica qui est, rappelons-le, une zone de prélèvement de mollusques à des fins alimentaires. Surtout, la production d'une boue organique pourrait être utilisée pour l'amélioration de la teneur des sols agricoles. L'impact d'un tel projet ne saurait tarder, tant sur le plan sanitaire, que sur le plan économique avec l'essor des activités touristiques et artisanales dans une lagune riche en biodiversité. Enfin, le Grand Nador devrait être une région où il fait bon vivre, tel que l'envisagent les premiers signes : « Le nettoyage et l'ouverture de la corniche ont généré un afflux de population sur cette zone où les gens ne venaient pas avant. Notre travail est d'étudier sur place les solutions nuisibles pour les rendre paisibles. Par exemple, nous allons transformer en parc un lac qui servait à l'ancienne station d'épuration. C'est donc la dépollution qui se transforme en zone paisible », explique Saïd Zarrou. Pourtant concrètement, il faut compter entre deux et trois ans après la fin des travaux d'assainissement et la nouvelle ouverture de la passe entre Marchica et la Méditerranée pour que l'auto-nettoyage de la lagune soit effectif. Ceci sans oublier l'importance d'un nettoyage physique régulier, d'ores et déjà mis en place, sur les 64 km de périmètre de côtes.