Hors-la-loi », production algéro-franco-belge, n'en finit décidément pas de susciter la controverse et la polémique. Déjà, présenté en ouverture du Festival de Cannes, il rompait la tradition du glamour et des paillettes de la Croisette, par sa vocation «militante». En rappelant précisément à la France, son amnésie propos de la guerre d'Algérie. Car, c'est là où le bât blesse, «Hors-la-loi», opère surtout un travail de mémoire sur un volet ayant trait à la guerre d'Algérie, souvent méconnu, passé sous silence dans les manuels scolaires de l'Hexagone, où les chérubins à têtes blondes et brunes apprennent l'histoire de leurs ancêtres les Gaulois… Ces mêmes gosses, qui ont « grandi », à l'ombre des bancs de l'Education nationale française, sont à présent des Rachid Bouchareb qui signait à travers «Indigènes» (2006), le destin des oubliés du «Chemin des dames» lors de la Première guerre mondiale, les tirailleurs maghrébins, africains, nos frères humains, chibanis aujourd'hui, esseulés vivant pour certains d'entre eux, dans des foyers Sonacotra - ou des Yamina Benguigui, qui réalisait le documentaire « Mémoire d'immigrés » (1997). L'histoire de « Hors-la-loi », est celle de trois frères, trois Algériens ayant vécu les massacres de Sétif, et qui, indemnes, partent vivre en France où ils s'engagent pour l'indépendance de leur pays, tout en menant des vies de petites frappes. En compétition officielle à Cannes, ce sont ses références historiques, qui étaient alors mises en cause. Le 23 avril 2010, le député UMP des Alpes-Maritimes, Lionel Luca, qui n'a pu voir le film mais s'est fié à un rapport du service historique du ministère de la Défense, a accusé l'œuvre de « négationnisme » et de « falsification historique ». On sait les liens étroits et profonds de cette frange politique, et de la région aux mains du Front National, ces mêmes élus de la République qui ont connu la guerre d'Algérie. Cette guerre qu'ils ont mise des décennies à nommer comme telle, préférant parler auparavant « d'événements ». Une fois, le mot guerre prononcé, les mêmes messieurs assis, très à droite, sur les bancs de l'Assemblée Nationale, ont une nouvelle fois crié au loup, en rappelant les faits positifs de la colonisation… Pour en revenir à « Hors-la-loi », la polémique autour du film continue d'enfler, et le 3 mai dernier, André Mayet, élu non encarté de la majorité UMP de Cannes et président de la Maison des rapatriés de la ville, a appelé le préfet à « prendre ses responsabilités » et à « interdire » la projection du film, invoquant les risques de troubles à l'ordre public. Au cœur de la polémique : les massacres de Sétif. Période sanglante de l'histoire algérienne, le 8 mai 1945, jour de la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie, des nationalistes algériens organisent une manifestation qui vire au cauchemar. La police réprime le mouvement de foule et tue un jeune Algérien, provoquant des affrontements entre Algériens et Européens. L'armée française intervient, et c'est le massacre : entre plusieurs milliers et plusieurs dizaines de milliers de morts côté algérien, plus de cent morts côté européen. Aujourd'hui, la mauvaise histoire se répète et la mauvaise mémoire se brouille à nouveau : « Hors-la-loi », présenté en avant-première à Marseille le 20 septembre, à la salle « Pathé-Madeleine » a encore provoqué l'ire d'une cinquantaine de personnes, pour la plupart des militants du Front National et des nostalgiques de l'Algérie française, qui se sont rassemblés en signe de protestation reprochant au Conseil le financement du film. Outre, ces faits, Rachid Bouchareb est visé par une plainte pour contrefaçon par deux scénaristes. L'avocat, du cinéaste réfute ces accusations et dénonce « une procédure abusive ». En attendant, « Hors-la-loi », a tenté d'éclairer une zone d'ombre de l'histoire algérienne, une séquence où la mémoire est toujours à vif, comme une blessure qui n'a pas suffisamment cicatrisé.Rachid Bouchareb a le mérite de l'évoquer, sous l'angle de la fiction, en tant qu'artiste, fils d'Algériens et enfant de l'Algérie et de la France. Qui a parlé de l'épisode tragique du métro Charonne, ou rappelé ces mots de Flaubert, qui ne qui ne figurent évidemment pas dans le Lagarde et Michard ? « Sans le connaître, je plains l'Algérien».