Les réserves de changes ne couvrent que 7 mois des importations. Un solde monétaire nul pour la première fois depuis plusieurs années. Le ratio de solvabilité moyen des banques se situe à 11,7%. Après presque de trois mois d'attente, le gouverneur de Bank Al Maghrib Abdellatif Jouahri a présenté, samedi dernier, devant le roi, le rapport annuel de la Banque Centrale sur l'évolution de la situation économique du pays. Contrairement au discours gouvernemental qui insiste à chaque fois sur le fait que le Maroc est épargné de la crise mondiale, la présentation de Jouahri retrace fidèlement la réalité. Le gouverneur de la Banque Centrale rappelle au début de sa présentation que la croissance du PIB non agricole s'est limitée à 1,4%, «traduisant ainsi une synchronisation accrue de l'économie nationale avec le cycle d'activité des principaux pays partenaires». Le rapport parle, certes, d'une bonne dynamique de demande interne. Mais cette dynamique n'aurait pas été aussi bonne si la campagne agricole n'avait pas été aussi favorable. Le rapport de la Banque Centrale garde toujours son franc-parler en évoquant la situation de la balance des paiement. En effet, le document reconnaît que ni les transferts des MRE, ni les recettes touristiques ni même l'allègement du déficit commercial n'ont permis de réduire le déficit. Résultat des courses, le déficit du compte courant demeure stable à 5% (contre 5,2% en 2008). Ajouter à cela la chute des investissements étrangers, l'Etat a dû emprunter 18 milliards de DH de plus pour financer ses opérations courantes. Pour clore ce chapitre, le rapport de la Banque Centrale tire la sonnette d'alarme par rapport aux réserves de changes qui ne couvrent plus que 7 mois des importations. La belle époque où ces réserves couvraient 11 mois d'importation n'est qu'un lointain souvenir. La réduction des réserves de change n'est pas à s'estomper si le statu quo persiste. Le rapport de Bank Al Maghrib met en garde contre la croissance effrénée de la demande des produits importés et la faible dynamique à l'export. Ce qui ne ferait que détériorer davantage la situation du compte courant. Les stratégies « Emergence » et « Maroc Export » ne semblent pas encore donner leurs fruits sur le terrain, deux ans environ après leur lancement. Ceci dit, le rapport met en avant le maintien du déficit budgétaire à un niveau de 2,2% avec un niveau d'endettement qui se stabilise autour de 47% du PIB. Des équilibres, certes, fragiles mais l'appareil des finances publiques a tout de même réussi à se maintenir. Les effets de la crise se manifestent également au niveau de la masse monétaire dont les progressions à deux chiffres ne sont elles aussi, qu'un lointain souvenir. Sa progression s'est limitée à 4,6% au terme de l'année dernière. De ce fait, l'excédent monétaire s'est établi en fin 2009 à un niveau quasi-nul pour la première fois depuis plusieurs années. Cette évolution des agrégats monétaires est une résultante logique de la baisse du rythme de progression des crédits bancaires, la réduction de la valeur des actifs boursiers et immobiliers… Cette tendance n'a affecté en rien les performances des banques de la place dont la rentabilité ne fait que progresser à des rythmes inédits. Ils affichent en plus de cela un niveau de résilience irréprochable. En effet, le ratio de solvabilité moyen du secteur s'établit à 11,7% alors que celui des fonds propres de base ressort à 8,8% à fin 2009. Encore faut-il préciser que les interventions massives de la Banque Centrale sur le marché interbancaire et les levées de fonds sur le marché obligataire par les banques ont sensiblement contribué à ces performances. À noter que Jouahri n'a pas manqué de préciser dans sa présentation que le taux de bancarisation frôle désormais les 50%. Cette performance n'aurait pas été réalisable sans l'intégration de la clientèle des services financiers de la Poste, formalisés dans le cadre d'Al Barid Bank. Une fois le bilan de la situation économique et financière dressé, le gouverneur de BAM passe aux recommandations. Dans le document qu'il a présenté au roi, les priorités se situent au niveau de l'amélioration du système éducatif et de la productivité. Ce sont les premières clés pour résister aux incertitudes liées à la crise. À cela s'ajoutent la bonne gouvernance des politiques publiques et l'amélioration du climat des affaires. Le succès de ces réformes dépend de la préservation de la stabilité macro économique et la réduction des déficits sociaux. Dans le détail, Jouahri insiste dans sa présentation sur la diversification et l'augmentation de la valeur des exportations pour réduire le déséquilibre de la balance de paiement. Il évoque également la nécessité de la cohésion et de la bonne gouvernance des politiques sectorielles.