Le Conseil constitutionnel français a abrogé le régime juridique de la garde à vue en matière de droit commun. L'arrière fond de cette abrogation est à chercher dans la présomption d'innocence liée à la liberté de l'individu tant que sa culpabilité n'est pas prouvée. La garde à vue constitue, en effet, une sanction préalable, qui n'est pas réparée après coup en cas d'innocence avérée. Le bâtonnier et le vice-bâtonnier de Paris regrettent cependant que le Conseil constitutionnel ait «considéré que les régimes spéciaux de garde à vue» (trafic de stupéfiants, terrorisme, criminalité organisée) «échappaient à son contrôle». «Il s'agit d'un succès incontestable de l'action des barreaux et au premier chef, de celui de Paris», écrivent dans un communiqué Jean Castelain, Bâtonnier de Paris et Jean-Yves Le Borgne, vice-bâtonnier. Ils notent que le gouvernement et le législateur devront «réécrire la loi en tenant compte des observations de la haute juridiction», notamment «instaurer un régime de garde à vue tenant compte de la gravité de l'infraction objet de l'enquête» et «faire en sorte que la personne interrogée bénéficie de l'assistance effective d'un avocat». Selon eux, «on ne peut interpréter» ce dernier point «que comme l'exigence de la présence du conseil lors de tous les interrogatoires du suspect». L'exception à la règle La décision du Conseil constitutionnel français est basée sur la pratique généralisée de la garde à vue et les conséquences auxquelles elle a donné lieu de manière abusive. Car, précise le gardien de la légalité constitutionnelle français, «Considérant (que) la proportion des procédures soumises à l'instruction préparatoire n'a cessé de diminuer et représente moins de 3 % des jugements et ordonnances rendus sur l'action publique en matière correctionnelle ; que, postérieurement à la loi du 24 août 1993, la pratique du traitement dit «en temps réel» des procédures pénales a été généralisée ; que cette pratique conduit à ce que la décision du ministère public sur l'action publique est prise sur le rapport de l'officier de police judiciaire avant qu'il soit mis fin à la garde à vue ; que, si ces nouvelles modalités de mise en œuvre de l'action publique ont permis une réponse pénale plus rapide et plus diversifiée conformément à l'objectif de bonne administration de la justice, il n'en résulte pas moins que, même dans des procédures portant sur des faits complexes ou particulièrement graves, une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l'expiration de sa garde à vue, en particulier sur les aveux qu'elle a pu faire pendant celle-ci ; que la garde à vue est ainsi souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause. Ceci fausse le processus du procès équitable et de ce fait, doit être plus nuancée, selon la nature du crime supposé. Il est à rappeler, cependant, que le Conseil constitutionnel a «considéré que les régimes spéciaux de garde à vue» (trafic de stupéfiants, terrorisme, criminalité organisée) «échappaient à son contrôle pour avoir été précédemment déclarés conformes à la Constitution», en 2004. «Ne faut-il pas cependant considérer que «l'assistance effective d'un avocat», préconisée par ailleurs, est applicable à ces régimes spéciaux et commande leur réforme au moins sur ce point ?» se sont interrogés le Bâtonnier et le vice-bâtonnier de Paris.