Comment a débuté votre carrière dans la danse ? Tout a débuté quand j'étais enfant. En grandissant au Maroc, à Casablanca, j'ai été élevé dans la culture des arts où on danse et on chante beaucoup, c'était une culture très festive. Enfant, j'aimais beaucoup danser dans les fêtes populaires et cérémoniales. Cela s'est ancré en moi, puis le chemin du danseur est apparu au fur et à mesure. A 12 ans, j'ai déménagé en France où mon père travaillait. En arrivant, j'ai essayé de trouver un chemin au travers de cette nouvelle culture avec la dimension marocaine qui m'habitait. Au fil du temeps, j'ai eu la possibilité d'entrevoir la voie de danseur, en suivant d'abord des cours de danse à Rennes, puis en rentrant dans l'école de Maurice Béjart à Bruxelles. Puis j'ai poursuivi mes études à Paris à l'Ecole des études supérieures chorégraphiques. Le cheminement pour devenir danseur professionnel s'est poursuivi. C'est le fruit de rencontres, puis un travail de recherche et de curiosité qui a développé une grande connaissance dans la danse du ravissement, la «jedba». Vous vivez en France depuis l'âge de 12 ans. Quels liens entrentenez-vous avec le Maroc ? Le lien que j'ai est d'abord un lien de naissance. C'est le pays où j'ai reçu les fondamentaux de la danse. J'ai modelé cette danse-là, pour créer un passage entre le Maroc et la France, c'est une traversée que je fais. Depuis 1999, il y a des petits retours, des appels du Maroc jusqu'à cette année où j'ai dansé à Rabat en hommage à Mohamed Kacimi et Abdelkébir Khatibi. Puis, il y a eu le Festival de Casablanca, où j'ai dansé aux Habous. C'était très agréable de danser avec les enfants, il suffit simplement d'une écoute de ces enfants pour les aider à faire jaillir ce qu'ils ont déjà en eux, d'une manière plus personnelle. Vous êtes également enseignant. Quelle place accordez-vous à la transmission de votre art ? Je sens qu'il est possible de transmettre ma manière de danser. Je vois qu'il y a toute une jeunesse qui attend ces rencontres avec des personnes qui ont maturé une expérience avec un autre regard, un regard en profondeur. Il existe pour tous la possibilité de puiser dans ses racines une expressivité intérieure et de rentrer dans les chemins de la création, en s'exprimant autrement que par le cercle traditionnel. Pour moi danser c'est toujours communiquer. Que je le partage sur scène ou à travers le partage pédagogique, c'est toujours le même plaisir. Quand j'enseigne, cela me permet d'être à l'écoute de l'autre, de l'aider en lui donnant des clés. Venir enseigner au Maroc est plus qu'une envie, c'est un désir profond. Dans mon métier, je danse partout dans le monde mais quand je viens au Maroc il y a toujours de l'émotion. Vous vous dénommez artiste chorésophe. Qu'est-ce que la chorésophie exactement ? C'est un terme composé qui vient de deux termes, de «chorê» en grec qui signifie le mouvement dansé mais aussi l'état du ravissement et de «sophia» la sagesse ou la connaissance. C'est un jeu de mots que j'ai mis en place en 1985. La chorésophie est en rapport au soufisme. Par mes recherches dans le soufisme et dans la culture de la transe, de la «jedba», j'ai approfondi une manière de danser basée sur le souffle. Avec la chorégraphie et la choréologie, la chorésophie serait le troisième point, qui inscrit un autre poids dans la danse, plus intérieur et plus profond. Que ressentez-vous lorsque vous dansez ? C'est le public qui me renvoie des choses. La danse fait du bien, elle soigne, elle rend heureux et amoureux. Elle est source de vie. Je ressens tout ça. Je communique par la danse. Ce n'est pas tant le danser qui est important. La danse est un cheminement, une voie, un souffle. Quand je me mets à danser, je ressens que le spectateur a un autre regard, il a voyagé avec moi dans un autre espace temps. Ce n'est plus de l'ordre du mouvement physique, cela relève du souffle.