j'ai toujours cherché au-delà de la beauté» nous déclare Khalid Nadif, annonçant sa conception d'un art ancré dans l'intensité expressive. Dans ses toiles, le corps féminin est omniprésent, oscillant toujours entre douceur et angoisse. Admirateur d'Egon Schiele et de Kokoschka, il puise du premier, le dessin des corps frêles et du second l'expressivité dans la matière. L'oeuvre de Khalid Nadif est un monde de femmes mystérieuses, aux robes rouges et masques bleus, des personnages troublants aux yeux vides. L'absence de titre de ses toiles interroge celui qui regarde. L'artiste nous explique sa démarche :«Je trouve la ligne, le trait, la masse, la touche, ce sont mes moyens d'expression. Mais pour les mots, pour parler de mon art, je n'arrive pas à tout dire, je ne trouve pas. Je ne prépare pas des mots, je prépare des images» et il conclut : «mettre des titres, c'est limiter le spectateur, lui imposer un contexte de lecture limité». On l'aura compris, l'artiste aime laisser le champ libre aux suggestions, à une imagination fertile, à une créativité du sens. A ses débuts, Khalid Nadif se passionnait pour l'illustration, un goût que l'on retrouve dans le caractère figuratif de ses toiles et dans le travail des personnages. Reproduisant par milliers des dessins, il est fasciné dès ses premières esquisses par le corps humain, qu'il place au centre de son oeuvre. Au lycée, c'est sa rencontre avec ses professeurs, «des artistes avant d'être des professeurs», tels que Saïd Housbane, ou Mohammed Hamidi, qui lui permettent de s'initier à l'histoire de l'art et de découvrir la peinture à l'huile. Quittant Casablanca, il vit pendant quatre ans à Al Hoceïma, «un nouveau monde qui m'a ouvert à d'autres personnes, d'autres mentalités» comme il le décrit. Dans ce lieu esseulé, il s'acharne à la tâche et peint intensivement. Le séisme de 2004 marque son oeuvre, générant une période habitée par la mort, dans les couleurs de terre, allant du noir, de l'ocre jaune au rouge brique. Ses premières toiles représentent des corps décharnés, des visages angoissés, des cris et des douleurs de femmes nues. Puis, au fil des années, les corps des femmes sont devenus plus repus et charnels, les visages criants ont été remplacés par des masques aux traits fins. Dans ses tableaux, les femmes semblent comme suspendues dans une attente, dans un décor où les hommes brillent par leur absence. D'une grande force expressive, les corps féminins s'effleurent, s'enlacent et se désaxent tandis que les caresses se font griffes et les épaules des refuges. Pour Khalid Nadif, l'art est avant tout une nécessité impérieuse, «peindre est plus fort que moi, c'est au-delà de moi» nous confie-t-il. Au travers des masques tombés au cours d'une représentation inconnue, son oeuvre s'abreuve dans les non-dits et dans les suggestions symboliques de ses personnages. Comme il le conclut lui-même, «ce qui reste à l'intérieur de l'artiste est un monde à part».