L'indépendance financière du Monde menacerait-elle son indépendance éditoriale ? La question préoccupe vivement la Société des rédacteurs du Monde (SRM) depuis l'annonce officielle du projet de recapitalisation du groupe français. Ce qui est sûr, c'est que Le Monde change de main, et passe sous le giron de groupes de presse étrangers. La liste définitive des nouveaux actionnaires n'est pas encore annoncée, mais dès à présent quelques noms filtrent déjà. Actionnaire à hauteur de 15%, Prisa devrait renforcer sa présence au sein du groupe Le Monde SA, diluant ainsi l'actionnariat du holding Le Monde et Partenaires Associés, qui détient jusqu'ici 60,4% du capital. Le groupe italien L'Espresso (éditeur de La Reppublica) serait également concerné par cette recapitalisation, pour peu que ses dirigeants se mettent définitivement d'accord sur le principe. 100 millions d'euros de dettes Le groupe n'a plus le choix. Endetté à hauteur de 100 millions d'euros, il doit rembourser un prêt de 25 millions à la BNP Paribas d'ici fin 2011. La recapitalisation est donc loin d'être un luxe que le quotidien sexagénaire s'offre pour renforcer son positionnement dans un marché en crise, bien au contraire. Et dans les coulisses de la rédaction, les réticences se font sentir. «Transformer Le Monde en entreprise normale abîmerait considérablement son image», déclare Gilles Van Kote, président de la SRM. La Société des rédacteurs, perdant son droit de veto sur la nomination du président du directoire, s'inquiète du revirement éditorial que cela impliquerait. Dans un entretien accordé au quotidien français Les Echos, Van Kote explique que «c'est le directeur du Monde et non celui de la rédaction qui définit la ligne éditoriale et s'exprime au nom du journal». Celui-ci, étant nommé par les nouveaux actionnaires du Monde SA, devra donc répondre à des exigences économiques qui ne vont pas de pair avec le positionnement indépendant sur lequel Le Monde a construit son image depuis sa création en 1944. Inquiète mais sereine, la SRM est consciente des enjeux de cette recapitalisation et envisage d'entamer des discussions avec certains des nouveaux actionnaires, espérant obtenir certaines garanties quant à la ligne éditoriale du quotidien. «S'ils restent sourds à nos préoccupations, nous chercherons à activer des pistes d'investissements alternatives», ajoute Van Kote. Or le calendrier ne leur est pas favorable, le nouveau schéma doit être voté d'ici fin juin.