De l'avis unanime des analystes financiers, les banques françaises auront franchi la crise internationale sans avarie majeure. Mais le secteur bancaire n'aura que peu de temps pour reprendre son souffle. Les banques tricolores seront exposées à une période de turbulences dès l'entrée en vigueur de Bâle III, la nouvelle réglementation bancaire, d'ici fin 2012. Les analystes redoutent que les nouvelles normes bancaires ne forcent les banques mutualistes à consolider leurs fonds propres de plusieurs milliards d'euros. À l'exemple du Crédit agricole (CA) et de Natixis, la nouvelle loi les sommera de déduire les participations détenues par les caisses régionales. Les propositions du comité de Bâle, quoiqu'encore objets de consultations depuis leur publication en décembre, pèsent sur les valorisations boursières du CA et de Natixis. Les banquiers français prennent pour argent comptant que tant que les incertitudes ne seront pas levées, les craintes sur les fonds propres des deux banques mutualistes vont perdurer. Le texte n'épargne personne Le secteur bancaire français, qui risque de voir ses épargnes s'évaporer, ne restera toutefois pas un cas isolé. D'après une étude d'UBS, les banques européennes pourraient devoir lever jusqu'à 65 milliards d'euros de fonds propres supplémentaires pour se conformer aux nouvelles règles. Dans leur ensemble, les banques françaises se négocient avec une décote de 10% sur le marché, avec un portefeuille de près de 300 millions d'euros sous gestion. «Le marché a davantage intégré un risque sur le capital des banques mutualistes que sur les autres banques», souligne Vincent Durel, gérant de fonds chez Fidelity. Les titres CA et Natixis aux 30% de la capitalisation boursière des banques françaises, se négocient avec une décote de 20% à 25% par rapport à leurs concurrents européens. La négociation se fait sur la base des «price earning ratios» (multiple de capitalisation des bénéfices) anticipés pour 2012. Pour ce qui est de BNP Paribas et de la Société générale, ils seront moins affectés que les mutualistes, même si ces deux banques seront comme les autres établissements européens pénalisées par l'entrée en vigueur d'un ratio de liquidité. Le Crédit agricole, premier réseau bancaire de l'Hexagone, pourrait aussi devoir mobiliser davantage de fonds propres en raison du poids de ses activités dans l'assurance. Du lobbying pour contrer Les analystes financiers d'UBS et d'Oddo Securities estiment que le ratio de solvabilité «core tier one» de Crédit agricole SA, calculé selon les règles de Bâle III, baisserait de sept points. D'après Oddo Securities, le ratio «core tier one» de Natixis pourrait baisser de 3,7 points, à 4,5% contre 8,2% à fin 2009. Pour UBS, l'impact de la nouvelle réglementation sur les ratios de solvabilité financière des banques européennes est estimé en moyenne à 2,2 points. Les observateurs les plus optimistes font remarquer que le lobbying français devrait être suffisamment efficace pour obtenir des aménagements de la Banque des règlements internationaux (BRI), dont dépend le comité de Bâle et qui est présidée par Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. Une porte-parole de la Banque de France a confirmé qu'il existait «plusieurs solutions possibles» pour répondre aux spécificités des banques mutualistes. Tout dépendra encore de l'issue des discussions. Reste à savoir si le soutien de la Banque de France suffira pour contrer certains défenseurs de la ligne dure au sein du comité de Bâle, comme Nout Wellink, le gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas.