Si le rapport de Global Financial Integrity (GFI) a le mérite de jeter un éclairage nouveau sur l'ampleur des transferts illicites de capitaux, véritable fléau dont souffre le continent africain, les résultats de ce rapport ont toutefois de quoi étonner, surtout dans le cas du Maroc. Pour mieux comprendre, nous nous sommes penchés sur la méthodologie adoptée par le GFI et qui a permis de faire ressortir ces données. Commençons par le commencement, c'est-à-dire par la définition même des fonds illicites. Ainsi, le rapport du GFI définit les fonds illicites comme tous fonds illégalement générés, transférés ou utilisés. Cette méthodologie se base donc sur l'origine, les mouvements ou l'utilisation dont font l'objet ces capitaux. Autant de flux en total désaccord avec les règlementations en vigueur, que ce soit le code des impôts ou la règlementation douanière. L'identification de ces flux illicites a retenu toute l'attention d'institutions internationales telles que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire internationale (FMI), chacun utilisant sa propre approche et sa propre méthodologie. Ainsi, deux canaux principaux de transferts illicites ont été identifiés. Premièrement, le modèle de la Banque mondiale (World Bank residual model) se concentre sur les capitaux illicites transférés à l'étranger via les propres comptes extérieurs d'un pays. Le second canal est quant à lui relatif à la sous-facturation de transactions commerciales, comptabilisée par la Direction statistique du FMI via le «Trade misinvoicing model». Entre ressources, utilisation et sous-facturation Concrètement, la méthodologie de la Banque mondiale est bâtie selon le modèle suivant : la comparaison entre les ressources financières d'un pays et l'enregistrement comptable de l'utilisation de ces fonds. Ainsi, les ressources financières incluent également, selon le modèle de la BM, le recours à la dette extérieure par le secteur public et l'afflux de capitaux étrangers sous forme d'IDE. Quant à l'utilisation de ces fonds, cela inclut le financement du déficit du compte courant ainsi que les apports aux réserves des banques centrales. Ces données, ainsi que les informations relatives aux IDE peuvent être également obtenues à partir de la balance des paiements du FMI. Pour faire simple, ce modèle définit les flux illicites de capitaux lorsque les sources financières d'un pays dépassent l'enregistrement comptable de l'utilisation de ces fonds.La sous-facturation commerciale a longtemps été le principal canal des flux financiers illicites, notamment en jouant sur les déclarations douanières à travers l'application d'une surfacturation des importations en parallèle avec une sous-facturation des exportations, ce qui équivaut à un transfert illicite de capitaux. Pour estimer ce défaut de facturation constaté dans les pays en voie de développement, une comparaison est faite entre les exportations déclarées de ces pays et les données rapportées du reste du monde en termes d'importations issues de ces mêmes pays, en prenant compte bien sûr de l'ajustement inhérent aux frais d'assurances et de transport. Les défauts de facturation difficiles à identifier Toutefois, cette méthode ne permet de retracer que les transferts illicites détectés par les déclarations douanières faites par les pays exportateurs et les pays importateurs. Ainsi, la principale faille de ce système est que le FMI, à travers sa direction des statistiques commerciales, ne peut retracer les défauts de facturation. Par opposition, la principale différence méthodologique dans le rapport de GFI réside en l'adoption de la méthode GER (Gross Including Reversal), par opposition à la Net Method. Cette dernière dégage uniquement, comme son nom l'indique, une position nette calculée par les entrées et sorties de capitaux, sur laquelle la Banque mondiale se base en y incluant son modèle d'évaluation résiduel. La méthode GER adoptée par le GFI tente quant à elle de retracer des pratiques illicites telles que la sous-évaluation des exportations et la surévaluation des importations. Ce qui fait ressortir un fort écart dans l'évaluation de ces capitaux (voir tableau). Dans le cas du Maroc, il est intéressant de constater l'évolution de ces transferts illicites d'année en année. Une évolution qui a «explosé» dernièrement.