La régionalisation se définit en tant que processus par lequel s'opère la construction d'une capacité d'action autonome ayant pour objet la promotion d'un territoire et ce, en mobilisant son tissu économique et en favorisant l'éclosion de toutes ses potentialités. Ce processus peut prendre appui sur des institutions préexistantes ou donner lieu à un nouveau découpage territorial destiné à mieux répondre à des objectifs de développement homogènes et intégrés. Assurément, c'est au niveau des territoires que sont posées les problématiques de développement. C'est imparablement dans leur cadre que les solutions doivent s'envisager. La diversité et l'hétérogénéité des régions nécessitent des approches spécifiques et caractérisées. Au-delà de la notion «polysémique» de la régionalisation, en termes d'approches et de découpages, le projet marocain tient compte d'un ensemble de critères et de possibles en matière d'essor de ses régions, surtout selon un modèle où s'affirment l'identité et la spécificité marocaines, sans mimétisme ou réplication à l'identique de modèles existants. Un tel projet génère des avantages parmi lesquels figurent la capacité de se réajuster pour faire face aux exigences de développement multidimensionnel et équilibré, la valorisation des atouts concurrentiels, compétitifs et la capacité de diversification des produits et des services dans un contexte mouvant sur les plans national et international. D'ailleurs, la régionalisation a été désignée, dans le rapport sur «les perspectives de développement humain à l'horizon 2025» comme un axe majeur du développement aux côtés du savoir, de la gouvernance et la création d'emplois. En effet, le Maroc vise la réduction des fortes disparités qui caractérisent ses régions et qui impactent leur essor. Il est certain que la mise en synergie des acteurs, des potentialités des régions, renforce leurs capacités à se doter de vecteurs de croissance et d'innovation élargies à différents domaines : économiques, sociaux, environnementaux et culturels. Cependant, l'implication des régions au sein d'une dynamique globale de croissance requiert l'ancrage dans une véritable stratégie nationale de développement territorial ainsi que dans le suivi de ses lignes de recommandations. L'Etat, dans cette nouvelle configuration, s'octroie un rôle de stratège, de facilitateur et d'accompagnateur du changement. Il a aussi celui de la préservation des équilibres à l'instar de ceux économiques et financiers. Il revient aussi aux régions, pour une meilleure inter-implication, de responsabiliser leurs forces vives engagées dans son développement dont la société civile, les élus... en les encourageant à l'action collective. Une mutation du concept de la représentation politique est d'emblée soulevée ainsi que les formes habituelles d'autorité. Par conséquent, la production politique change de registre. Elle quitte celui «théorique» pour se pencher sur les réelles préoccupations des citoyens. Quels rôles donner à l'initiative ? Qu'est-ce qui est porteur d'un intérêt général au niveau de la région? Quelles inter-implications avec d'autres zones territoriales ? Toutes ces questions portent sur le pilotage de l'action en fonction de besoins ciblés afin d'orienter les changements au bénéfice d'un essor national. De la déconcentration du pouvoir central à une régionalisation opérante, en passant par la décentralisation des services de l'Etat, le cheminement passerait immanquablement par l'instauration d'une bonne gouvernance. La mise à niveau et la revalorisation des territoires s'imposent d'elles-mêmes comme priorités en invoquant des exigences. L'élément humain reste fondamental dans de telles considérations pour faire aboutir cette vision. Une nouvelle forme d'élite locale est nécessaire. Elle ne devrait être animée de velléités électoralistes. L'émergence d'un Maroc nouveau doit, forcément, s'accompagner d'une revitalisation des énergies entreprenantes désencombrées des héritages désuets. Elle doit aussi contribuer à la prise d'autonomie des acteurs locaux ainsi qu'à la montée d'élites qualifiées et d'acteurs responsables. Les savoirs et les pratiques pour la gestion de ces projets et ces réformes devront aussi évoluer de façon à accompagner les nouvelles exigences d'une vision fédératrice qu'est le Maroc moderne. La promotion de la culture de gestion en mode projet valorisant les stratégies intégrées, les études d'impacts, les synergies et la coordination entre intervenants devront aussi prévaloir. Il est aussi opportun de se doter des pratiques et des moyens utiles à l'autonomisation des territoires et à leur évolution. Entre autres : l'accès à de nouveaux savoirs tels que l'audit stratégique, la prospective, l'identification des opportunités et des menaces. Le recours à la veille stratégique, au benchmarking, au marketing territorial pour optimiser l'attractivité de la région est fondamental. Il devra être renforcé par un système d'information afin de fédérer toutes les expertises en leur facilitant l'analyse et la prise de décision. Toutes ces mutations ne sont pas, par ailleurs, sans générer des modifications substantielles dans l'existant relationnel entre gouvernés et gouvernants, ainsi que sur le plan des devoirs et des responsabilités dans un contexte de renouveau, de respect du droit, de lutte contre la corruption et d'exercice des libertés. Le projet de régionalisation voulu par le royaume exige, certes, de nouvelles approches de l'implication et de la citoyenneté. Les mécanismes de responsabilisation des autorités publiques et les systèmes de décisions devront aussi évoluer pour s'approprier de nouveaux champs d'actions. D'autre part, la poursuite de la réforme de la justice ainsi qu'une bonne dynamique d'adhésion assortie d'une stratégie de communication appropriée ne peuvent que contribuer vigoureusement à l'accomplissement de ce projet.